Texte grec :
[8,69] Ταῦτα τῆς βουλῆς ψηφισαμένης ἀναστρέψας
εἰς τὴν πόλιν ὁ Κάσσιος θρίαμβον κατάγειν
ἠξίου δεύτερον ὡς τὰ μέγιστα τῶν ἐθνῶν κεχειρωμένος, χάριτι
μᾶλλον ἁρπάζων τὸ τίμιον ἢ τῷ δικαίῳ
λαμβάνων, ὃς οὔτε πόλεις κατὰ κράτος ἑλὼν ἐκ τειχομαχίας, οὔτ´
ἐν ὑπαίθρῳ μάχῃ στρατιὰν πολεμίων
τρεψάμενος αἰχμάλωτα καὶ σκῦλα, οἷς κοσμεῖται θρίαμβος,
ἔμελλε κατάγειν. τοιγάρτοι δόξαν αὐθαδείας
καὶ τοῦ μηδὲν ἔτι τῶν ὁμοίων τοῖς ἄλλοις φρονεῖν
τοῦτο τὸ ἔργον αὐτῷ πρῶτον {φθόνον} ἤνεγκε. διαπραξάμενος δὲ
τὸν θρίαμβον αὑτῷ δοθῆναι τὰς πρὸς
Ἕρνικας ἐξήνεγκεν ὁμολογίας· αὗται δ´ ἦσαν ἀντίγραφοι τῶν
πρὸς Λατίνους γενομένων, ἐφ´ αἷς πάνυ
ἤχθοντο οἱ πρεσβύτατοί τε καὶ τιμιώτατοι καὶ δι´
ὑποψίας αὐτὸν ἐλάμβανον οὐκ ἀξιοῦντες τῆς ἴσης τιμῆς
τοῖς συγγενέσι Λατίνοις τοὺς ἀλλοεθνεῖς Ἕρνικας
τυγχάνειν, οὐδὲ τοῖς πολλὰ εὐνοίας ἔργα ἐπιδειξαμένοις
τοὺς μηδ´ ὁτιοῦν ἀγαθὸν δεδρακότας τῶν αὐτῶν φιλανθρώπων
μετέχειν, τῇ τε ὑπεροψίᾳ τοῦ ἀνδρὸς ἀχθόμενοι, ὃς ὑπὸ τῆς
βουλῆς τιμηθεὶς οὐκ ἀντετίμησεν
αὐτὴν τοῖς ἴσοις, οὐδὲ μετὰ κοινῆς γνώμης τῶν συνέδρων, ἀλλ´
ὡς αὐτῷ ἐδόκει γράψας ἐξήνεγκε τὰς ὁμολογίας. ἦν τ´ ἄρα τὸ ἐν
πολλοῖς εὐτυχεῖν σφαλερὸν
ἀνθρώπῳ χρῆμα καὶ ἀσύμφορον· αὐχήματός τε γὰρ
ἀνοήτου πολλοῖς αἴτιον γενόμενον λανθάνει καὶ ἐπιθυμιῶν
ἀρχηγὸν ἐκβαινουσῶν τὴν ἀνθρωπίνην φύσιν·
ὃ καὶ τῷ ἀνδρὶ ἐκείνῳ συνέβη. τρισὶ γὰρ ὑπατείαις
καὶ δυσὶ θριάμβοις μόνος τῶν τότε ἀνθρώπων ὑπὸ
τῆς πόλεως τετιμημένος σεμνότερον ἑαυτὸν ἦγε καὶ
μοναρχικῆς ἐξουσίας ἐλάμβανε πόθον· ἐνθυμούμενος
δ´ ὅτι τοῖς βασιλείας ἢ τυραννίδος ἐφιεμένοις ῥᾴστη
τε καὶ ἀσφαλεστάτη πασῶν ἐστιν ὁδὸς ἡ τὸ πλῆθος
εὐεργεσίαις τισὶν ὑπαγομένη καὶ ἐκ τῶν χειρῶν τοῦ
διδόντος τὰ κοινὰ σιτεῖσθαι ἐθίζουσα, ταύτην ἐτράπετο·
καὶ αὐτίκα οὐθενὶ προειπών· ἦν γάρ τις χώρα δημοσία πολλὴ
παρημελημένη τε καὶ ὑπὸ τῶν εὐπορωτάτων κατεχομένη, ταύτην
ἔγνω τῷ δήμῳ διανέμειν. καὶ εἰ μὲν ἄχρι τοῦδ´ ἐλθὼν ἠρκέσθη, τάχ´ ἂν
αὐτῷ κατὰ νοῦν τὸ ἔργον ἐχώρησε· νῦν δὲ πλειόνων ὀρεγόμενος
στάσιν οὐ μικρὰν ἤγειρεν, ἐξ ἧς οὐκ εὐτυχὲς τὸ
τέλος αὐτῷ συνέβη. Λατίνους τε γὰρ ἠξίου τῇ καταγραφῇ τῆς
χώρας συμπεριλαμβάνειν καὶ τοὺς νεωστὶ προσληφθέντας εἰς τὴν
πολιτείαν Ἕρνικας οἰκεῖα ἑαυτῷ παρασκευάσας τὰ ἔθνη.
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Traduction française :
[8,69] III. Cassius qui eut avis de ce décret du sénat, revint à Rome et
demanda les honneurs du grand triomphe comme ayant subjugué les
nations les plus considérables. Mais on peut dire qu'il usurpa par faveur
un honneur qui ne lui était pas dû à juste titre, puisqu'il n'avait pris
aucune ville d'assaut ni défait l'ennemi en bataille rangée, et qu'il
manquait de prisonniers de guerre et de dépouilles pour orner la pompe
de son triomphe. Aussi une proposition de cette nature fut-elle cause
qu'on le soupçonna d'arrogance et de vouloir s'élever au-dessus des
autres citoyens.
IV. APRES avoir obtenu la grâce qu'il avait demandée, il proposa les
conditions de l'alliance qu'on devait conclure avec les Herniques ;
c'étaient les mêmes qu'on avait accordées aux Latins, et qu'il avait fait
transcrire mot à mot du traité conclu autrefois avec eux. Ce procédé
déplut extrêmement aux plus anciens et aux plus apparents des
sénateurs : ils en prirent ombrage, et commencèrent à le soupçonner de
quelque mauvais dessein. Ils étaient indignés de ce qu'il voulait
communiquer aux Herniques les mêmes honneurs et les mêmes grâces
qu'on avait accordés aux Latins, égalant par ce bienfait une nation
étrangère qui n'avait jamais rendu aucun service à la république, à des
peuples qui étaient unis aux Romains par les liaisons du sang, et qui leur
avaient déjà donné plusieurs marques d'amitié et d'attachement. Mais
rien ne les irrita davantage que cette fierté extraordinaire avec laquelle il
proposait des conditions de paix qu'il avait faites à sa tête , lui qui par
reconnaissance de l'honneur qu'il avait reçu des patriciens qui lui avaient
renvoyé toute la décision de cette affaire, devait avoir pour le sénat la
même déférence et ne rien déterminer sans sa participation.
V. PAR ce moyen la prospérité que Cassius avait eue en plusieurs
rencontres, lui devint inutile et même préjudiciable ; tant il est vrai qu'un
trop grand bonheur, source la plus ordinaire d'une sotte vanité, porte la
plupart des hommes à des prétentions qui sont au-dessus de leur nature,
et fait naître insensiblement dans leur cœur des désirs immodérés. Le
consul dont nous parlons, ne put éviter ce triste sort. Illustre par ses trois
consulats et par ses deux triomphes, honoré dans Rome plus que tous les
autres citoyens et comblé de gloire, il commença à concevoir de grands
desseins et à prétendre à la monarchie. Persuadé que le chemin le plus
facile et le plus sûr pour parvenir à la royauté ou à la tyrannie, était de
gagner le peuple par quelques bienfaits et de faire des largesses au
public à pleines mains, il suivit cette route, et sans en avertir personne,
il résolut de distribuer au peuple certaines terres du public d'une assez
grande étendue, qui avaient été négligées jusqu'alors et dont les riches
s'étaient mis en possession. S'il s'en était tenu-là, il aurait peut-être
réussi. Mais sa cupidité s'allumant de plus en plus, il excita une sédition
qui mit obstacle au succès de ses entreprises. Car il voulait que les
Latins, et même les Herniques à qui on avait accordé tout récemment le
droit de bourgeoisie, fussent compris dans le partage des terres ; ce qu'il
ne faisait que pour gagner la faveur de ces deux nations.
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