Texte grec :
[8,52] Ἀλλ´ ἐξ οὗ ἐπολιτεύου καὶ τὰ κοινὰ ἔπραττες,
ἡδονήν τινα ἐκαρπωσάμην ἡ μήτηρ ἐγὼ διὰ σέ; τότε
μὲν οὖν τὰ μάλιστα ἠτύχουν στάσεως πολιτικῆς μέσον
ὁρῶσά σε κείμενον. ἐν οἷς γὰρ ἀνθεῖν ἐδόκεις πολιτεύμασι καὶ
πολὺς ἔπνεις ἐναντιούμενος ὑπὲρ τῆς ἀριστοκρατίας τοῖς
δημοτικοῖς, ταῦτ´ ἐμοὶ φόβου μεστὰ
ἦν ἐνθυμουμένῃ τὸν ἀνθρώπινον βίον, ὡς ἐπὶ μικρᾶς
αἰωρεῖται ῥοπῆς, καὶ ἐκ πολλῶν ἀκουσμάτων τε καὶ
παθημάτων μαθούσῃ, ὅτι τοῖς ἐπισήμοις ἀνδράσι θεία
τις ἐναντιοῦται νέμεσις ἢ φθόνος τις ἀνθρώπινος πολεμεῖ· καὶ ἦν
ἄρα μάντις ἀληθὴς ὡς μήποτε ὤφελον
τῶν ἐκβησομένων. κατηγωνίσατό γ´ οὖν σε πολὺς
ἐπιρράξας ὁ πολιτικὸς φθόνος καὶ ἀνήρπασεν ἐκ τῆς
πατρίδος· ὁ δὲ μετὰ ταῦτά μου βίος, εἰ δὴ καὶ βίον
αὐτὸν δεῖ καλεῖν, ἀφ´ οὗ με καταλιπὼν ἔρημον ἐπὶ
τοῖς παιδίοις τούτοις ἀπῆλθες, ἐν τούτῳ δεδαπάνηται
τῷ ῥύπῳ καὶ ἐν τοῖς πενθίμοις τρύχεσι τούτοις. ἀνθ´
ὧν ἁπάντων ταύτην ἀπαιτῶ σε χάριν, μηδέποτέ σοι
βαρεῖα γενομένη μηδ´ εἰς τὸν λοιπὸν ἐσομένη χρόνον,
ἕως ἂν ζῶ, διαλλαγῆναι πρὸς τοὺς σεαυτοῦ πολίτας
ἤδη ποτὲ καὶ παύσασθαι τὸν ἀμείλικτον χόλον φυλάσσοντα
κατὰ τῆς πατρίδος· κοινὸν ἀγαθὸν ἀμφοτέροις
ἡμῖν ἀξιοῦσα λαβεῖν καὶ οὐκ ἐμαυτῆς ἴδιον μόνης. σοί
τε γάρ, ἐὰν πεισθῇς καὶ μηθὲν ἀνήκεστον ἐξεργάσῃ,
καθαρὰν καὶ ἀμίαντον ἔχειν συμβήσεται τὴν ψυχὴν
ἀπὸ παντὸς χόλου καὶ ταράγματος δαιμονίου· ἐμοί
τε ἡ παρὰ τῶν πολιτῶν τε καὶ πολιτίδων τιμὴ ζώσῃ
τε παρακολουθοῦσα τὸν βίον εὐδαίμονα ποιήσει, καὶ
μετὰ τὴν τελευτὴν ἀποδιδομένη καθάπερ εἰκὸς εὔκλειαν
ἀθάνατον οἴσει. καὶ εἴ τις ἄρα τὰς ἀνθρωπίνους ψυχὰς
ἀπολυθείσας τοῦ σώματος ὑποδέξεται τόπος, οὐχ ὁ καταχθόνιος
καὶ ἀφεγγὴς ὑποδέξεται τὴν
ἐμήν, ἐν ᾧ φασι τοὺς κακοδαίμονας οἰκεῖν, οὐδὲ τὸ
λεγόμενον τῆς Λήθης πεδίον, ἀλλ´ ὁ μετέωρος καὶ καθαρὸς
αἰθήρ, ἐν ᾧ τοὺς ἐκ θεῶν φύντας οἰκεῖν λόγος
εὐδαίμονα καὶ μακάριον ἔχοντας βίον· οἷς διαγγέλλουσα τὸ σὸν
εὐσεβὲς καὶ τὰς σὰς χάριτας, αἷς αὐτὴν
ἐκόσμησας, ἀεί τινας αἰτήσεταί σοι παρὰ θεῶν ἀμοιβὰς καλάς.
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Traduction française :
[8,52] Mais peut-être que votre mère a eu plus de joie,
depuis que vous êtes entré dans le maniement des affaires,
et que vous avez pris les rênes du gouvernement ? Non, mon fils, je n'en
ai eu aucune : N'est-ce pas au contraire dans ce temps-là que j'ai été plus
malheureuse, et ne vous ai-je pas toujours vu dans les plus grands
périls, au milieu des séditions domestiques ? Lorsque vous paraissiez
briller davantage dans les conseils et dans les délibérations, lorsqu'en
faveur de l'aristocratie vous résistiez avec un courage héroïque aux
injustes prétentions des plébéiens, tout me faisait trembler ; je ne voyais
partout que des sujets de frayeur. Je me représentais alors que la vie d'un
homme dépendait de peu de chose, qu'elle était sujette à mille
vicissitudes, et qu'il ne fallait rien pour faire pencher la balance. Je savais
et par les histoires et par ma propre expérience, qu'il y a une certaine
furie divine qui est contraire aux desseins des illustres personnages, et
qu'ils trouvent toujours l'envie des hommes en leur chemin. Ce que je
prévoyais alors ne s'est trouvé que trop vrai ; plût aux dieux que je me
fusse trompée : mais tout ce que j'appréhendais est arrivé, vous avez
succombé sous la jalousie des citoyens, ils vous ont enlevé à votre
patrie. Depuis ce coup terrible, livrée à ma douleur j'ai passe le reste de
ma vie dans la tristesse avec ces habits de deuil dont vous me voyez
revêtue, si cependant je dois appeler vie le temps qui s'est écoulé depuis
que vous m'avez laissée seule et abandonnée avec ces enfants.
XXV. EN considération de toutes ces marques de tendresse, moi qui
ne vous ai jamais été incommode jusqu'ici et qui ne le serai jamais tant
que je vivrai, je ne vous demande qu'une seule grâce : réconciliez vous
enfin avec vos citoyens : mettez bas cette colère implacable qui vous
anime contre votre patrie. Ce que je veux que vous m'accordiez, est un
bien dont je ne jouirai pas seule ; il nous sera commun à tous deux. Si
vous suivez mes conseils et que désarmant votre bras vous ne
commettiez aucune faute irréparable, votre âme exempte de crimes, et
délivrée des mouvements de colère et des furies qui l'agitent, goûtera
dans une parfaite tranquillité les douceurs de la vie. Pour moi, honorée de
tous les citoyens, tant hommes que femmes, je vivrai heureuse le reste de
mes jours qui seront suivis d'une gloire immortelle. Je me flatte même que
s'il y a quelque lieu destiné à recevoir les âmes séparées de leurs corps,
la mienne ne passera point dans les lieux souterrains et ténébreux où l'on
dit qu'habitent les esprits malins et les scélérats, ni dans les champs
qu'on appelle Lechéens : elle aura pour séjour un air pur et élevé, où l'on
dit que demeurent les enfants des dieux qui y jouissent d'une vie
immortelle et bienheureuse. Là, mon âme fera l'éloge de votre piété, elle
publiera les bienfaits dont vous l'aurez comblée, et ne cessera de
demander aux dieux qu'ils vous en récompensent selon vos mérites.
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