Texte grec :
[140] Ἔστι δὲ πάντα μὲν ὡς ἔπος εἰπεῖν ὀνείδη φευκτέον,
τοῦτο δὲ πάντων μάλιστ', ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι. Διὰ τί; Ὅτι
παντάπασι φύσεως κακίας σημεῖόν ἐστιν ὁ φθόνος, καὶ οὐκ ἔχει πρόφασιν δι'
ἣν ἂν τύχοι συγγνώμης ὁ τοῦτο πεπονθώς. Εἶτα καὶ οὐδ' ἔστιν ὄνειδος ὅτου
πορρώτερόν ἐσθ' ἡμῶν ἡ πόλις ἢ τοῦ φθονερὰ δοκεῖν εἶναι, ἁπάν των ἀπέχουσα
τῶν αἰσχρῶν. (141) Τεκμήρια δ' ἡλίκα τούτου θεωρήσατε. Πρῶτον μὲν μόνοι
τῶν πάντων ἀνθρώπων ἐπὶ τοῖς τελευτήσασι δημοσίᾳ καὶ ταῖς ταφαῖς ταῖς
δημοσίαις ποιεῖτε λόγους ἐπιταφίους, ἐν οἷς κοσμεῖτε τὰ τῶν ἀγαθῶν ἀνδρῶν
ἔργα. Καίτοι τοῦτ' ἔστι τοὐπιτήδευμα ζηλούντων ἀρετήν, οὐ τοῖς ἐπὶ ταύτῃ
τιμωμένοις φθονούντων. Εἶτα μεγίστας δίδοτ' ἐκ παντὸς τοῦ χρόνου δωρειὰς
τοῖς τοὺς γυμνικοὺς νικῶσιν ἀγῶνας τοὺς στεφανίτας, καὶ οὐχ, ὅτι τῇ φύσει
τούτων ὀλίγοις μέτεστιν, ἐφθονήσατε τοῖς ἔχουσιν, οὐδ' ἐλάττους ἐνείματε
τὰς τιμὰς διὰ ταῦτα. Πρὸς δὲ τούτοις τοιούτοις οὖσιν οὐδεὶς πώποτε τὴν
πόλιν ἡμῶν εὖ ποιῶν δοκεῖ νικῆσαι· τοσαύτας ὑπερβολὰς τῶν δωρειῶν αἷς ἀντ'
εὖ ποιεῖ, παρέσχηται. (142) Ἔστι τοίνυν πάντα ταῦτ', ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι,
δικαιοσύνης, ἀρετῆς, μεγαλοψυχίας ἐπιδείγματα. Μὴ τοίνυν δι' ἃ πάλαι παρὰ
πάντα τὸν χρόνον ἡ πόλις εὐδοξεῖ, ταῦτ' ἀνέλητε νῦν· μηδ' ἵνα Λεπτίνης
ἰδίᾳ τισίν, οἷς ἀηδῶς ἔχει, ἐπηρεάσῃ, τῆς πόλεως ἀφέλησθε καὶ ὑμῶν αὐτῶν
ἣν διὰ παντὸς ἀεὶ τοῦ χρόνου δόξαν κέκτησθε καλήν· μηδ' ὑπολαμβάνετ' εἶναι
τὸν ἀγῶνα τόνδ' ὑπὲρ ἄλλου τινὸς ἢ τοῦ τῆς πόλεως ἀξιώματος, πότερον αὐτὸ
δεῖ σῶν εἶναι καὶ ὅμοιον τῷ προτέρῳ, ἢ μεθεστάναι καὶ λελυμάνθαι.
(143) Πολλὰ δὲ θαυμάζων Λεπτίνου κατὰ τὸν νόμον, ἓν μάλιστα τεθαύμακα
πάντων, εἰ ἐκεῖν' ἠγνόηκεν, ὅτι ὥσπερ ἂν εἴ τις μεγάλας τὰς τιμωρίας τῶν
ἀδικημάτων τάττοι, οὐκ ἂν αὐτός γ' ἀδικεῖν παρεσκευάσθαι δόξαι, οὕτως, ἄν
τις ἀναιρῇ τὰς τιμὰς τῶν εὐεργεσιῶν, οὐδὲν αὐτὸς ποιεῖν ἀγαθὸν
παρεσκευάσθαι δόξει. Εἰ μὲν τοίνυν ἠγνόησε ταῦτα γένοιτο γὰρ ἂν καὶ τοῦτο,
αὐτίκα δηλώσει· συγχωρήσεται γὰρ ὑμῖν λῦσαι περὶ ὧν αὐτὸς ἥμαρτεν. Εἰ δὲ
φανήσεται σπουδάζων καὶ διατεινόμενος κύριον ποιεῖν τὸν νόμον, ἐγὼ μὲν οὐκ
ἔχω πῶς ἐπαινέσω, ψέγειν δ' οὐ βούλομαι. (144) Μηδὲν οὖν φιλονίκει,
Λεπτίνη, μηδὲ βιάζου τοιοῦτον δι' οὗ μήτ' αὐτὸς δόξεις βελτίων εἶναι μήθ'
οἱ πεισθέντες σοι, ἄλλως τε καὶ γεγενημένου σοι τοῦ ἀγῶνος ἀκινδύνου. Διὰ
γὰρ τὸ τελευτῆσαι Βάθιππον τὸν τουτουὶ πατέρ' Ἀψεφίωνος, ὃς αὐτὸν ἔτ' ὄνθ'
ὑπεύθυνον ἐγράψατο, ἐξῆλθον οἱ χρόνοι, καὶ νυνὶ περὶ αὐτοῦ τοῦ νόμου πᾶς
ἐσθ' ὁ λόγος, τούτῳ δ' οὐδείς ἐστι κίνδυνος.
(145) Καίτοι καὶ τοῦτ' ἀκούω σε λέγειν, ὡς ἄρα τρεῖς σέ τινες γραψάμενοι
πρότεροι τοῦδε οὐκ ἐπεξῆλθον. Εἰ μὲν τοίνυν ἐγκαλῶν αὐτοῖς λέγεις ὅτι σ'
οὐ κατέστησαν εἰς κίνδυνον, φιλοκινδυνότατος πάντων ἀνθρώπων εἶ· εἰ δὲ
τεκμήριον ποιεῖ τοῦ τὰ δίκαι' εἰρηκέναι, λίαν εὔηθες ποιεῖς. Τί γὰρ εἵνεκα
τούτου βελτίων ἔσθ' ὁ νόμος, εἴ τις ἢ τετελεύτηκε τῶν γραψαμένων πρὶν
εἰσελθεῖν, ἢ πεισθεὶς ὑπὸ σοῦ διεγράψατο, ἢ καὶ ὅλως ὑπὸ σοῦ παρεσκευάσθη;
Ἀλλὰ ταῦτα μὲν οὐδὲ λέγειν καλόν.
(146) ᾝρηνται δὲ τῷ νόμῳ σύνδικοι καὶ μάλισθ' οἱ δεινοὶ λέγειν ἄνδρες,
Λεωδάμας Ἀχαρνεὺς καὶ Ἀριστοφῶν Ἁζηνιεὺς καὶ Κηφισόδοτος ἐκ Κεραμέων καὶ
Δεινίας Ἑρχιεύς. Ἃ δὴ πρὸς τούτους ὑπολαμβάνοιτ' ἂν εἰκότως, ἀκούσατε, καὶ
σκοπεῖτ' ἂν ὑμῖν δίκαια φαίνηται. Πρῶτον μὲν πρὸς Λεωδάμαντα. Οὗτος
ἐγράψατο τὴν Χαβρίου δωρειάν, ἐν ᾗ τοῦτ' ἔνεστιν τὸ τῆς ἀτελείας τῶν
ἐκείνῳ τι δοθέντων, καὶ πρὸς ὑμᾶς εἰσελθὼν ἡττήθη· (147) οἱ νόμοι δ' οὐκ
ἐῶσι δὶς πρὸς τὸν αὐτὸν περὶ τῶν αὐτῶν οὔτε δίκας οὔτ' εὐθύνας οὔτε
διαδικασίαν οὔτ' ἄλλο τοιοῦτ' οὐδὲν εἶναι. Χωρὶς δὲ τούτων ἀτοπώτατον ἂν
πάντων συμβαίη, εἰ τότε μὲν τὰ Χαβρίου παρ' ὑμῖν ἔργα μεῖζον ἴσχυε τῶν
Λεωδάμαντος λόγων, ἐπειδὴ δὲ ταῦτά θ' ὑπάρχει καὶ τὰ τῶν ἄλλων εὐεργετῶν
προσγέγονεν, τηνικαῦτα σύμπαντα ταῦτ' ἀσθενέστερα τῶν τούτου λόγων
γένοιτο. (148) Καὶ μὴν πρός γ' Ἀριστοφῶντα πολλὰ καὶ δίκαι' ἂν ἔχειν
εἰπεῖν οἶμαι. Οὗτος εὕρετο τὴν δωρειὰν παρ' ὑμῖν, ἐν ᾗ τοῦτ' ἐνῆν. Καὶ οὐ
τοῦτ' ἐπιτιμῶ· δεῖ γὰρ ἐφ' ὑμῖν εἶναι διδόναι τὰ ὑμέτερ' αὐτῶν οἷς ἂν
βούλησθε. Ἀλλ' ἐκεῖνό γ' οὐχὶ δίκαιον εἶναί φημι, τὸ ὅτε μὲν τούτῳ ταῦτ'
ἔμελλεν ὑπάρχειν λαβόντι, μηδὲν ἡγεῖσθαι δεινόν, ἐπειδὴ δ' ἑτέροις
δέδοται, τηνικαῦτ' ἀγανα κτεῖν καὶ πείθειν ὑμᾶς ἀφελέσθαι. (149) Καὶ μὴν
καὶ Γελάρχῳ πέντε τάλαντ' ἀποδοῦναι γέγραφ' οὗτος ὡς παρασχόντι τοῖς ἐν
Πειραιεῖ τοῦ δήμου, καὶ καλῶς ἐποίει. Μὴ τοίνυν ἃ μὲν ἦν ἀμάρτυρα, ταῦτ'
ἐπὶ τῇ τοῦ δήμου προφάσει διὰ σοῦ δεδόσθω, ὧν δ' αὐτὸς ὁ δῆμος μαρτυρίας
ἔστησεν ἐν τοῖς ἱεροῖς ἀναγράψας καὶ πάντες συνίσασιν, ταῦτ' ἀφελέσθαι
παραίνει· μηδ' αὑτὸς φαίνου τά τ' ὀφειλόμεν' ὡς ἀποδοῦναι δεῖ γράφων, καὶ
ἅ τις παρὰ τοῦ δήμου κεκόμισται, ταῦτ' ἀφελέσθαι παρ αινῶν.
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Traduction française :
[140] Or il faut éviter tous les reproches,
quels qu'ils soient, mais celui-là surtout, Athéniens.
Pourquoi? C'est que l'envie est toujours l'indice d'une mauvaise nature,
et il n'y a pas de prétexte dont l'envieux puisse se couvrir pour se faire
pardonner. Et puis il n'y a pas de vice dont notre ville soit plus
éloignée que le vice d'envie. Tout ce qui est laid lui fait horreur. (141)
Voyez quelles preuves elle en a données. D'abord, seuls entre tous les
hommes, vous faites, au nom de l'État, les funérailles de ceux qui ne sont
plus, et vous prononcez sur leur tombe des discours où vous louez les
actions des hommes de coeur. Quand on prend un pareil soin, c'est qu'on
admire la vertu, et non qu'on lui envie ses récompenses. Vous donnez aussi
de tout temps de grands privilèges à ceux qui remportent la victoire dans
les combats gymniques, où le prix est une couronne. Il n'y en a que pour
un petit nombre. Cela ne peut être autrement. Mais on ne vous a pas vus
pour cela porter envie à ceux qui les obtiennent, ni réduire la valeur des
honneurs que vous accordez. C'est déjà beaucoup, ce n'est pas tout encore.
De tous ceux qui ont rendu service à notre ville, aucun ne peut se vanter
d'être en avance avec elle, tant sont magnifiques les récompenses qu'elle
donne en échange. (142) Athéniens, ce sont là des preuves de justice, de
vertu, de grandeur d'âme. Ne supprimez donc pas en ce moment ce qui
toujours, en tout temps, a fait notre gloire. Pour permettre à Leptine de
jouer un mauvais tour à certaines personnes qu'il n'aime pas, n'allez pas
faire perdre à notre ville et à vous-mêmes la bonne réputation dont vous
jouissez sans qu'elle se soit jamais démentie. Mettez-vous bien dans
l'esprit que la seule chose qui soit en jeu dans le procès actuel, c'est
l'honneur de notre ville. Doit-il rester intact et tel qu'il était
autrefois? Doit-il, au contraire, chanceler et périr ?
(143) Il y a dans la conduite de Leptine au sujet de cette loi bien des
choses que je ne puis comprendre, une surtout: c'est qu'il ait ignoré ceci
: Quand on établit des peines sévères pour les délits, apparemment on
n'est pas disposé à en commettre soi-même ; de même quand on supprime le
prix des services rendus, c'est qu'apparemment on n'est disposé à en
rendre aucun. S'il a ignoré cela, — ce qui est possible après tout, — il
va en donner la preuve, car alors il consentira à ce que vous annuliez
cette loi au sujet de laquelle il s'est trompé. Si au contraire vous le
voyez faire effort et insister pour que sa loi soit confirmée, je ne puis
pas l'approuver. Tout au plus puis-je ne pas le blâmer. (144) Cesse donc
de lutter, Leptine, et de vouloir l'emporter. Tu n'en paraîtras pas plus
fort, ni toi, ni ceux qui auront suivi tes conseils, alors surtout que ce
procès est devenu sans péril pour toi. En effet, le père d'Apséphion que
voici, Bathippos, avait accusé Leptine pendant que ce dernier était encore
responsable. Aujourd'hui Bathippos est mort, les délais sont passés. Toute
la discussion porte sur la loi elle-même. Quant à Leptine, il n'a aucun
péril à redouter.
(145) Tu diras encore, à ce qu'on m'assure, que trois hommes s'étaient
portés accusateurs contre toi, avant celui-ci, et qu'ils ne se sont pas
présentés. Si c'est un reproche que tu leur fais, de ne t'avoir pas mis en
danger, tu es le plus téméraire de tous les hommes. Si tu veux conclure de
là que tu as proposé une chose juste, ton argument n'est guère sérieux.
Car comment une loi peut-elle devenir meilleure parce qu'un des
accusateurs est mort avant de se présenter, ou qu'il a supprimé
l'accusation, d'accord avec toi, ou que tout d'abord il a été suborné par
toi ? Mais laissons ces choses. Il n'est pas beau même d'en parler.
(146) On a donné à la loi des défenseurs, les plus habiles à manier
la parole, Léodamas d'Acharnes, Aristophon d'Azénia, Képhisodote de
Kéramée, Dinias d'Erchia. A chacun d'eux vous pouvez opposer des
objections personnelles. Écoutez et voyez si elles vous paraissent justes.
Prenons d'abord Léodamas. Il a autrefois attaqué les privilèges
conférés à Chabrias, parmi lesquels figure l'immunité. Il s'est présenté
devant vous, et il a échoué. (147) Or les lois ne permettent pas qu'on
plaide deux fois contre la même personne et pour le même objet, qu'il
s'agisse d'une action, ou d'une reddition de compte, ou d'une compétition,
ou de toute autre procédure. En outre vous ne pourriez lui donner
gain de cause sans inconséquence, car à ce moment-là les exploits de
Chabrias ont produit plus d'effet sur vous que les discours de Léodamas;
et aujourd'hui qu'aux services de Chabrias viennent se joindre ceux de nos
autres bienfaiteurs, tout cela réuni ne l'emporterait pas sur les discours
de cet homme ! (148) Parlons maintenant d'Aristophon. J'ai beaucoup à
dire sur son compte, et non sans motif. Aristophon a obtenu de vous la
récompense qui comprend l'immunité. Je ne blâme pas cela. Il faut bien que
vous soyez libres de donner ce qui vous appartient à qui vous voulez. Mais
voici ce qui n'est pas juste : au moment où l'on va profiter de la
libéralité, on n'y trouve aucun inconvénient; mais aussitôt qu'elle a été
donnée à d'autres, on se fâche et l'on vous conseille de la retirer. (149)
Ce même Aristophon a encore fait un décret pour rendre à Gélarchos cinq
talents que celui-ci aurait avancés au peuple émigré au Pirée, et il
a bien fait. Mais il n'y avait aucun témoin de cette avance. Tu as mis en
avant le nom du peuple, et tu as fait payer. Aujourd'hui, il s'agit de
choses dont le peuple a rendu témoignage par écrit, sur des stèles érigées
dans les lieux sacrés, de choses qui sont connues de tous, et tu
conseilles de reprendre! Tu ne peux pas jouer à la fois ces deux rôles,
proposer un décret portant qu'il faut payer ses dettes, et engager à
reprendre un avantage que le peuple a conféré.
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