Texte grec :
[55] Οὐ νέμεσις τοίνυν οὐδὲ Ἵππωνι ἀπαθανατίζοντι τὸν θάνατον τὸν
ἑαυτοῦ· ὁ Ἵππων οὗτος ἐπιγραφῆναι ἐκέλευσεν τῷ μνήματι τῷ ἑαυτοῦ τόδε
τὸ ἐλεγεῖον·
Ἵππωνος τόδε σῆμα, τὸν ἀθανάτοισι θεοῖσιν
ἶσον ἐποίησεν Μοῖρα καταφθίμενον.
Εὖ γε, Ἵππων, ἐπιδεικνύεις ἡμῖν τὴν ἀνθρωπίνην πλάνην. Εἰ γὰρ καὶ
λαλοῦντί σοι μὴ πεπιστεύκασι, νεκροῦ γενέσθωσαν μαθηταί. Χρησμὸς
οὗτός ἐστιν Ἵππωνος· νοήσωμεν αὐτόν. (4.55.2) Οἱ προσκυνούμενοι παρ'
ὑμῖν, ἄνθρωποι γενόμενοί ποτε, εἶτα μέντοι τεθνᾶσιν· τετίμηκεν δὲ αὐτοὺς ὁ
μῦθος καὶ ὁ χρόνος. Φιλεῖ γάρ πως τὰ μὲν παρόντα συνηθείᾳ καταφρο
νεῖσθαι, τὰ δὲ παρῳχηκότα τοῦ παραυτίκα ἐλέγχου κεχω ρισμένα χρόνων
ἀδηλίᾳ τετιμῆσθαι τῷ πλάσματι, καὶ τὰ (4.55.3) μὲν ἀπιστεῖσθαι, τὰ δὲ καὶ
θαυμάζεσθαι. Αὐτίκα γοῦν οἱ παλαιοὶ νεκροὶ τῷ πολλῷ τῆς πλάνης χρόνῳ
σεμνυνόμενοι τοῖς ἔπειτα νομίζονται θεοί. Πίστις ὑμῖν τῶνδε αὐτὰ ὑμῶν τὰ
μυστήρια, αἱ πανηγύρεις, δεσμὰ καὶ τραύματα καὶ δακρύοντες θεοί·
ὤ μοι ἐγώ, ὅτε μοι Σαρπηδόνα φίλτατον ἀνδρῶν
μοῖρ' ὑπὸ Πατρόκλοιο Μενοιτιάδαο δαμῆναι.
(4.55.4) Κεκράτηται τὸ θέλημα τοῦ Διὸς καὶ ὁ Ζεὺς ὑμῖν διὰ
Σαρπηδόνα οἰμῴζει νενικημένος. Εἴδωλα γοῦν εἰκότως αὐτοὺς καὶ
δαίμονας ὑμεῖς αὐτοὶ κεκλήκατε, ἐπεὶ καὶ τὴν Ἀθηνᾶν αὐτὴν καὶ τοὺς
ἄλλους θεοὺς κακίᾳ τιμήσας Ὅμηρος δαίμονας προσηγόρευσεν·
ἡ δ' Οὐλυμπόνδε βεβήκει
δώματ' ἐς αἰγιόχοιο Διὸς μετὰ δαίμονας ἄλλους.
(4.55.5) Πῶς οὖν ἔτι θεοὶ τὰ εἴδωλα καὶ οἱ δαίμονες, βδελυρὰ ὄντως
καὶ πνεύματα ἀκάθαρτα, πρὸς πάντων ὁμολογούμενα γήινα καὶ δεισαλέα,
κάτω βρίθοντα, "περὶ τοὺς τάφους καὶ τὰ μνημεῖα καλινδούμενα", περὶ ἃ δὴ
καὶ ὑποφαίνονται ἀμυδρῶς "σκιοειδῆ φαντάσματα";
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Traduction française :
[55] Il ne faut point en vouloir à Hippon s'il eut la prétention
d'immortaliser sa mort; il avait ordonné de graver sur son tombeau ce vers
élégiaque : « Ci-gît Hippon, que les Parques, en le faisant mourir, ont rendu
l'égal des dieux immortels. »
Hippon, vous nous montrez très bien l'erreur des hommes. S'ils n'ont
pas voulu vous croire quand vous leur parliez, maintenant que vous n'êtes
plus, qu'ils deviennent vos disciples. Vous avez entendu l'oracle prononcé
par Hippon, il en faut peser tous les mots. Comme ceux que vous adorez
étaient des hommes, ils ont subi les lois de la mort, le temps et la fable les
ont comblés d'honneurs. On se blase, je ne sais comment, sur les biens
qu'on possède ; la jouissance en amène le dégoût. Ceux qu'on laisse
derrière soi reprennent faveur, grâce à l'imagination; parce que, dans
l'obscurité où on les voit, à la distance où ils se trouvent, on aperçoit
moins leurs défauts. Alors on est désenchanté des uns et dans
l'admiration des autres; ainsi donc les anciens morts, fiers de l'autorité
que le temps concilie à l'erreur, sont devenus dieux chez leurs
descendants. Vos mystères, vos grandes assemblées, et les chaînes, et
les blessures, et les pleurs de vos dieux sont des preuves de ce que
j'avance.
Infortuné que je suis ! s'écrie Jupiter, il ne m'est donc pas donné
d'arrêter l'ordre du destin, ni d'empêcher que celui des hommes qui m'est
le plus cher ne soit vaincu par ce Patrocle, fils de Ménœtius.
Vous le voyez, la volonté de Jupiter est sans force, vaincu, il pleure à
cause de Sarpédon. C'est avec raison que vous appelez vos dieux des
idoles et des démons. N'est-ce pas le nom que leur donne votre Homère,
qui accorda tant d'injustes honneurs à Minerve et à vos autres divinités?
"Elle remonta, dit-il, dans l'Olympe vers Jupiter et les autres démons".
Comment pouvez-vous encore les regarder comme des dieux, ces
démons impurs, horribles, que tous reconnaissent pour des êtres
terrestres, fangeux, enfoncés par leur propre poids dans la matière, et
sans cesse errants autour des tombeaux? Là, ils apparaissent comme
des spectres dans les ténèbres, de vains simulacres, des ombres
creuses, d'affreux fantômes; voilà vos dieux.
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