Texte grec :
[56] Ταῦθ' ὑμῶν οἱ θεοὶ τὰ εἴδωλα, αἱ σκιαὶ καὶ πρὸς τούτοις "χωλαὶ"
ἐκεῖναι καὶ "ῥυσαί, παραβλῶπες ὀφθαλμῶν", αἱ Λιταὶ αἱ Θερσίτου μᾶλλον ἢ
Διὸς θυγατέρες, ὥστε μοι δοκεῖν χαριέντως φάναι τὸν Βίωνα, πῶς ἂν
ἐνδίκως οἱ ἄνθρωποι παρὰ τοῦ Διὸς αἰτήσονται τὴν εὐτεκνίαν, ἣν (4.56.2)
οὐδ' αὑτῷ παρασχεῖν ἴσχυσεν;
Οἴμοι τῆς ἀθεότητος· τὴν ἀκήρατον οὐσίαν, τὸ ὅσον ἐφ' ὑμῖν,
κατορύττετε καὶ τὸ ἄχραντον ἐκεῖνο καὶ τὸ ἅγιον τοῖς τάφοις ἐπικεχώκατε,
(4.56.3) τῆς ἀληθῶς ὄντως οὐσίας συλήσαντες τὸ θεῖον. Τί δὴ οὖν τὰ τοῦ
θεοῦ τοῖς οὐ θεοῖς προσενείματε γέρα; Τί δὲ κατα λιπόντες τὸν οὐρανὸν
τὴν γῆν τετιμήκατε; Τί δ' ἄλλο χρυσὸς ἢ ἄργυρος ἢ ἀδάμας ἢ σίδηρος ἢ
χαλκὸς ἢ ἐλέφας ἢ λίθοι τίμιοι; Οὐχὶ γῆ τε καὶ ἐκ γῆς; οὐχὶ δὲ μιᾶς μητρὸς
(4.56.4) ἔκγονα, τῆς γῆς, τὰ πάντα ταῦτα ὅσα ὁρᾷς; Τί δὴ οὖν, ὦ μάταιοι
καὶ κενόφρονες (πάλιν γὰρ δὴ ἐπαναλήψομαι), τὸν ὑπερουράνιον
βλασφημήσαντες τόπον εἰς τοὔδαφος κατεσύρατε τὴν εὐσέβειαν, χθονίους
ὑμῖν ἀναπλάττοντες θεοὺς καὶ τὰ γενητὰ ταῦτα πρὸ τοῦ ἀγενήτου μετιόντες
(4.56.5) θεοῦ βαθυτέρῳ περιπεπτώκατε ζόφῳ; Καλὸς ὁ Πάριος λίθος, ἀλλ'
οὐδέπω Ποσειδῶν· καλὸς ὁ ἐλέφας, ἀλλ' οὐδέπω Ὀλύμπιος· ἐνδεὴς ἀεί
ποτε ἡ ὕλη τῆς τέχνης, ὁ θεὸς δὲ ἀνενδεής. Προῆλθεν ἡ τέχνη,
περιβέβληται τὸ σχῆμα ἡ ὕλη, καὶ τὸ πλούσιον τῆς οὐσίας πρὸς μὲν τὸ
κέρδος ἀγώγιμον, μόνῳ δὲ τῷ σχήματι γίνεται σεβάσμιον. (4.56.6) Χρυσός
ἐστι τὸ ἄγαλμά σου, ξύλον ἐστίν, λίθος ἐστίν, γῆ ἐστιν, ἐὰν ἄνωθεν νοήσῃς,
μορφὴν παρὰ τοῦ τεχνίτου προσλαβοῦσα. Γῆν δὲ ἐγὼ πατεῖν, οὐ
προσκυνεῖν μεμελέτηκα· οὐ γάρ μοι θέμις ἐμπιστεῦσαί ποτε τοῖς ἀψύχοις
τὰς τῆς ψυχῆς ἐλπίδας.
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Traduction française :
[56] Parlerai-je des idoles au pied boiteux, au visage ridé, au regard
louche et de travers, qu'on prendrait plus volontiers pour les filles de
Thersite que pour celles de Jupiter. Aussi je trouve fort piquant ce mot de
Bion : « Pourquoi, dit-il, demander à Jupiter de beaux enfants, puisqu'il ne
peut s'en donner à lui-même? »
Monstrueuse impiété ! l'essence incorruptible, vous l'avilissez autant
qu'il est en vous! la sainteté par excellence, vous lui réservez l'infection du
tombeau ! vous dépouillez Dieu même de sa propre nature ! Pourquoi ces
honneurs divins à des êtres qui ne sont rien moins que des dieux ?
Pourquoi ce mépris du ciel et cette vénération pour la terre? Qu'est-ce
autre chose que l'or, l'argent, le diamant, le fer, le cuivre, l'ivoire, les
pierreries? Tout cela n'est-il pas de la terre, ou né de la terre ? Est-ce que
tous ces objets qu'embrassent vos regards ne sont pas sortis du même
sein, n'ont pas une mère commune, qui est la terre? Pourquoi donc, ô
insensés ! car j'ai besoin de le redire sans cesse, pourquoi adresser
l'outrage au ciel, et attacher le respect et la piété à la terre? Pourquoi
vous faire des dieux terrestres, leur donner place dans vos hommages
bien avant le Dieu incréé, et vous plonger dans de si profondes ténèbres?
Le marbre de Paros est beau, mais ce marbre n'est pas Neptune. L'ivoire
a de l'éclat, mais ce n'est pas encore Jupiter. La matière réclame le
secours de l'art ; est-ce que Dieu en a besoin? L'art vient et donne la
forme : la matière a, par elle-même, un certain prix, une certaine valeur ;
la forme seule lui concilie la vénération. Ainsi la statue que vous adorez
est de l'or, du bois ou de la pierre, et si vous remontez jusqu'à son origine,
elle est de la terre qui a reçu sa figure des mains d'un ouvrier. Pour moi,
j'ai appris à fouler aux pieds la terre et non pas à l'adorer. Car il ne m'est
pas permis d'attacher l'espérance de mon âme à ce qui n'a point d'âme.
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