[6,1] Ἐπεὶ δὲ ἔμελλε βασιλεὺς τῇ ὑστεραίᾳ δικάζειν πότερον Χαιρέου
γυναῖκα Καλλιρόην εἶναι δεῖ ἢ Διονυσίου, μετέωρος ἦν πᾶσα Βαβυλών,
καὶ ἐν οἰκίαις τε πρὸς ἀλλήλους καὶ ἐν τοῖς στενωποῖς οἱ ἀπαντῶντες
ἔλεγον "αὔριον τῆς Καλλιρόης οἱ γάμοι. τίς εὐτυχέστερος
ἄρα;" διέσχιστο δὲ ἡ πόλις, καὶ οἱ μὲν Χαιρέᾳ σπεύδοντες ἔλεγον
"πρῶτος ἦν ἀνήρ, παρθένον ἔγημεν ἐρῶσαν ἐρῶν· πατὴρ ἐξέδωκεν
αὐτῷ, πατρὶς ἔθαψε· τοὺς γάμους οὐκ ἀπέλιπεν· οὐκ ἀπελείφθη.
Διονύσιος δὲ οὐκ ἔπεισεν, οὐκ ἔγημεν. λῃσταὶ ἐπώλησαν· οὐκ ἐξὸν
δὲ τὴν ἐλευθέραν ἀγοράσαι." οἱ δὲ Διονυσίῳ σπεύδοντες ἀντέλεγον
πάλιν "ἐξήγαγε πειρατηρίου τὴν μέλλουσαν φονεύεσθαι· τάλαντον
ἔδωκεν ὑπὲρ τῆς σωτηρίας αὐτῆς· πρῶτον ἔσωσεν, εἶτα ἔγημε·
Χαιρέας δὲ γήμας ἀπέκτεινε· μνημονεύειν ὀφείλει Καλλιρόη τοῦ
γάμου· γνωστὸν δὲ καὶ Διονυσίῳ πρόσεστιν εἰς τὸ νικᾶν ὅτι τέκνον
ἔχουσι κοινόν." ταῦτα μὲν οὖν οἱ ἄνδρες· αἱ δὲ γυναῖκες οὐκ
ἐρρητόρευον μόνον, ἀλλὰ καὶ συνεβούλευον ὡς παρούσῃ Καλλιρόῃ
"μὴ παρῇς τὸν παρθένιον· ἑλοῦ τὸν πρῶτον φιλήσαντα, τὸν πολίτην,
ἵνα καὶ τὸν πατέρα ἴδῃς· εἰ δὲ μή, ζήσεις ἐπὶ ξένης ὡς φυγάς·"
αἱ δ´ ἕτεραι "τὸν εὐεργέτην ἑλοῦ, τὸν σώσαντα, μὴ τὸν ἀποκτείναντα·
τί δὲ ἂν πάλιν ὀργισθῇ Χαιρέας; πάλιν τάφος; μὴ
προδῷς τὸν υἱόν· τίμησον τὸν πατέρα τοῦ τέκνου." τοιαῦτα διαλαλούντων
ἦν ἀκούειν, ὥστε εἶπεν ἄν τις ὅλην Βαβυλῶνα εἶναι δικαστήριον.
Νὺξ ἐκείνη τελευταία πρὸ τῆς δίκης ἐφειστήκει· κατέκειντο δὲ
οἱ βασιλεῖς οὐχ ὁμοίους λαμβάνοντες λογισμούς, ἀλλὰ ἡ μὲν
βασιλὶς ηὔχετο ἡμέραν γενέσθαι τάχιον, ἵνα ἀπόθηται τὴν παρακαταθήκην
ὡς φορτίον· ἐβάρει γὰρ αὐτὴν τὸ κάλλος τῆς γυναικὸς
ἀντισυγκρινόμενον ἐγγύς· ὑπώπτευε δὲ καὶ βασιλέως τὰς πυκνὰς
εἰσόδους καὶ τὰς ἀκαίρους φιλοφροσύνας. πρότερον μὲν γὰρ σπανίως
εἰς τὴν γυναικωνῖτιν εἰσῄει· ἀφ´ οὗ δὲ Καλλιρόην εἶχεν
ἔνδον, συνεχῶς ἐφοίτα. παρεφύλαττε δὲ αὐτὸν καὶ ἐν ταῖς ὁμιλίαις
ἡσυχῆ Καλλιρόην ὑποβλέποντα, καὶ τοὺς ὀφθαλμοὺς κλέπτοντας μὲν
τὴν θέαν, αὐτομάτως δὲ ἐκεῖ φερομένους. Στάτειρα μὲν οὖν ἡδεῖαν
ἡμέραν ἐξεδέχετο, βασιλεὺς δὲ οὐχ ὁμοίαν, ἀλλ´ ἠγρύπνει δι´ ὅλης νυκτὸς
ἄλλοτ´ ἐπὶ πλευρὰς κατακείμενος, ἄλλοτε δ´ αὖτε
ὕπτιος, ἄλλοτε δὲ πρηνής,
ἐννοούμενος καθ´ αὑτὸν καὶ λέγων "πάρεστιν ἡ κρίσις· ὁ γὰρ
προπετὴς ἐγὼ σύντομον ἔδωκα προθεσμίαν. τί οὖν μέλλομεν πράττειν
ἕωθεν; ἄπεισι Καλλιρόη λοιπὸν εἰς Μίλητον ἢ εἰς Συρακούσας.
ὀφθαλμοὶ δυστυχεῖς, μίαν ὥραν ἔχετε λοιπὸν ἀπολαῦσαι τοῦ καλλίστου
θεάματος· εἶτα γενήσεται δοῦλος ἐμὸς εὐτυχέστερος ἐμοῦ.
σκέψαι τί σοι πρακτέον ἐστίν, ὦ ψυχή· κατὰ σαυτὴν γενοῦ· σύμβουλον
οὐκ ἔχεις ἄλλον· ἐρῶντος σύμβουλός ἐστιν αὐτὸς ὁ Ἔρως.
πρῶτον οὖν ἀπόκριναι σεαυτῷ. τίς εἶ; Καλλιρόης ἐραστὴς ἢ δικαστής;
μὴ ἐξαπάτα σεαυτόν. ἀγνοεῖς μέν, ἀλλὰ ἐρᾷς· ἐλεγχθήσῃ δὲ
μᾶλλον, ὅταν αὐτὴν μὴ βλέπῃς. τί οὖν σεαυτὸν θέλεις λυπεῖν;
Ἥλιος προπάτωρ σὸς ἐξεῖλέ σοι τοῦτο τὸ ζῶον, κάλλιστον ὧν αὐτὸς
ἐφορᾷ· σὺ δὲ ἀπελαύνεις τὸ δῶρον τοῦ θεοῦ; πάνυ γοῦν ἐμοὶ μέλει
Χαιρέου καὶ Διονυσίου, δούλων ἐμῶν ἀδόξων, ἵνα βραβεύω τοὺς
ἐκείνων γάμους καὶ ὁ μέγας βασιλεὺς ἔργον διαπράττωμαι προμνηστρίας
γραΐδος. ἀλλὰ ἔφθην ἀναδέξασθαι τὴν κρίσιν καὶ πάντες τοῦτο
ἴσασι. μάλιστα δὲ Στάτειραν αἰδοῦμαι. μήτε οὖν δημοσίευε τὸν
ἔρωτα μήτε τὴν δίκην ἀπάρτιζε. ἀρκεῖ σοι Καλλιρόην κἂν βλέπειν·
ὑπέρθου τὴν κρίσιν· τοῦτο γὰρ ἔξεστι καὶ ἰδιώτῃ δικαστῇ."
| [6,1] Lorsque le Roi fut à la veille de décider si
Callirhoé devait appartenir à Chéréas ou a
Dionysios, Babylone entière était en suspens et les gens,
entre eux, dans les maisons, les passants qui se rencontraient
dans les ruelles disaient : « Demain ce seront
les noces de Callirhoé. Qui sera le plus favorisé des deux?
La ville était divisée, les uns, partisans de Chéréas,
disaient : « Il fut son premier mari, il l'a épousée vierge,
elle l'aimait, il l'aimait. Son père la lui a donnée, elle a
été ensevelie dans sa patrie; il n'a pas abandonné
sa femme, c'est lui qui a été abandonné; Dionysios l'a
achetée, il ne l'a pas épousée; des pirates l'ont vendue; il
n'est par permis d'acheter une femme libre. »
Les partisans de Dionysios répondaient : « Il l'a
sauvée des pirates alors qu'il s'en fallait de peu qu'elle
ne fût assassinée; il a donné un talent pour son salut;
d'abord il l'a sauvée, après quoi il l'a épousée; Chéréas,
après l'avoir épousée, l'a tuée : Callirhoé doit conserver
avec reconnaissance le souvenir de ce mariage; et, de
plus, le meilleur argument pour assurer la victoire de
Dionysios, c'est qu'ils ont eu un enfant, elle et lui. »
Voilà ce que disaient les hommes; de leur côté les femmes
ne se contenaient pas de faire des discours, mais donnaient
des conseils à Callirhoé comme si elle avait été
là : « Callirhoé, n'abandonne pas ton premier mari; aie
pitié de celui qui t'a aimée le premier; de ton concitoyen,
afin de revoir aussi ton père; sinon, tu vivras sur
une terre étrangère, comme une exilée. » Et les autres :
« Aie pitié de ton bienfaiteur, de celui qui t'a sauvée, et
non de qui t'a tuée; qu'arrivera-t-il si Chéréas se remet
en colère? Ce sera de nouveau le tombeau. N'abandonne
pas ton fils; aie égard au père de ton enfant. » On entendait
ces propos, échangés partout, si bien que l'on aurait
pu dire que Babylone entière était un tribunal.
La dernière nuit avant le jugement était tombée;
le Roi et la reine étaient couchés, mais leurs réflexions
n'étaient pas les mêmes. La reine souhaitait que le jour
revînt plus vite, pour qu'elle pût restituer le dépôt qu'on
lui avait confié, et qui lui pesait; elle supportait difficilement
la beauté de la jeune femme dont la proximité
appelait la comparaison; elle trouvait suspectes, aussi,
les fréquentes visites du Roi et ses amabilités inopportunes.
Auparavant, en effet, il n'entrait que rarement
dans le quartier des femmes; mais depuis que Callirhoé
s'y trouvait, il venait fréquemment. Elle s'était aperçue
que, au cours de leurs conversations, il jetait par-dessous
de longs regards à Callirhoé, que ses yeux la
contemplaient à la dérobée et qu'ils y revenaient toujours
d'eux-mêmes. Statira, donc, attendait le jour avec plaisir,
mais il n'en était pas de même pour le Roi, qui ne
put dormir de toute la nuit,
"se couchant tantôt sur un côté, tantôt sur l'autre, tantôt sur
le dos, et tantôt sur le ventre",
réfléchissant à part lui et disant : « Voici le jour du jugement;
je me suis trop pressé et ai fixé un délai trop court.
Qu'allons-nous faire, demain matin? Callirhoé désormais
va s'en aller, soit à Milet soit à Syracuse. Mes pauvres
yeux, vous n'avez plus maintenant qu'une heure pour
jouir de cette vue adorable; puis, l'un de mes esclaves
sera plus fortuné que moi. Réfléchis à ce que tu as à
faire, ô mon âme : rentre en toi-même; car tu n'as pas
d'autre conseiller. Le conseiller de l'amour est l'amour
lui-même. Mais d'abord réponds à toi-même : qui es-tu
l'amoureux de Callirhoé ou son juge? Ne te trompe
pas toi-même. Tu l'ignores, mais tu aimes. Tu en auras
mieux la preuve lorsque tu ne la verras plus. Eh quoi?
Tu veux te désespérer toi-même? Le Soleil, ton ancêtre,
a choisi pour toi cette créature, la plus belle de toutes
celles qu'il voyait, et toi tu éloignes le présent du dieu.
Apparemment, j'ai grand souci de Chéréas et de Dionysios,
mes méprisables esclaves, pour décider de leur
mariage, et moi, le grand Roi, je fais l'office d'une vieille
marieuse. Mais j'ai pris l'initiative de prononcer ce
jugement et tout le monde le sait. Et surtout je suis
retenu par le respect de Statira. Ne rends donc pas public
ton amour et ne termine pas non plus ce procès. Il te
suffit de pouvoir contempler Callirhoé; remets la sentence
à plus tard; cela, même un juge ordinaire peut le faire. »
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