Texte grec :
[1,18] Ὅτι οὐ δεῖ χαλεπαίνειν τοῖς ἁμαρτανομένοις.
Εἰ ἀληθές ἐστι τὸ ὑπὸ τῶν φιλοσόφων λεγόμενον
ὅτι πᾶσιν ἀνθρώποις μία ἀρχὴ καθάπερ τοῦ
συγκαταθέσθαι τὸ παθεῖν ὅτι ὑπάρχει καὶ τοῦ
ἀνανεῦσαι τὸ παθεῖν ὅτι οὐχ ὑπάρχει καὶ νὴ
Δία τοῦ ἐπισχεῖν τὸ παθεῖν ὅτι ἄδηλόν ἐστιν,
οὕτως καὶ τοῦ ὁρμῆσαι ἐπί τι τὸ παθεῖν ὅτι
ἐμοὶ συμφέρει, ἀμήχανον δ´ ἄλλο μὲν κρίνειν
τὸ συμφέρον, ἄλλου δ´ ὀρέγεσθαι καὶ ἄλλο
μὲν κρίνειν καθῆκον, ἐπ´ ἄλλο δὲ ὁρμᾶν, τί ἔτι
τοῖς πολλοῖς χαλεπαίνομεν; (-) Κλέπται, φησίν, εἰσὶ
καὶ λωποδύται. (-) Τί ἐστι τὸ κλέπται καὶ λωποδύται;
πεπλάνηνται περὶ ἀγαθῶν καὶ κακῶν. χαλεπαίνειν
οὖν δεῖ αὐτοῖς ἢ ἐλεεῖν αὐτούς; ἀλλὰ δεῖξον τὴν πλάνην
καὶ ὄψει πῶς ἀφίστανται τῶν ἁμαρτημάτων. ἂν δὲ μὴ
βλέπωσιν, οὐδὲν ἔχουσιν ἀνώτερον τοῦ δοκοῦντος αὐτοῖς.
Τοῦτον οὖν τὸν λῃστὴν καὶ τοῦτον τὸν μοιχὸν οὐκ
ἔδει ἀπολωλέναι; (-) Μηδαμῶς, ἀλλ´ ἐκεῖνο μᾶλλον
‘τοῦτον τὸν πεπλανημένον καὶ ἐξηπατημένον περὶ τῶν
μεγίστων καὶ ἀποτετυφλωμένον οὐ τὴν ὄψιν τὴν διακριτικὴν
τῶν λευκῶν καὶ μελάνων, ἀλλὰ τὴν γνώμην τὴν
διακριτικὴν τῶν ἀγαθῶν καὶ τῶν κακῶν μὴ ἀπολλύναι;’
κἂν οὕτως λέγῃς, γνώσῃ πῶς ἀπάνθρωπόν ἐστιν ὃ
λέγεις καὶ ὅτι ἐκείνῳ ὅμοιον ‘τοῦτον οὖν τὸν τυφλὸν
μὴ ἀπολλύναι καὶ τὸν κωφόν;’ εἰ γὰρ μεγίστη βλάβη
ἡ τῶν μεγίστων ἀπώλειά ἐστιν, μέγιστον δ´ ἐν ἑκάστῳ
προαίρεσις οἵα δεῖ καὶ τούτου στέρεταί τις, τί ἔτι
χαλεπαίνεις αὐτῷ; ἄνθρωπε, εἰ σὲ δεῖ παρὰ φύσιν
ἐπὶ τοῖς ἀλλοτρίοις κακοῖς διατίθεσθαι, ἐλέει αὐτὸν
μᾶλλον ἢ μίσει· ἄφες τοῦτο τὸ προσκοπτικὸν καὶ μισητικόν·
μὴ ἐ-πης τὰς φωνὰς ταύτας ἃς οἱ
πολλοὶ τῶν φ-των ‘τούτους οὖν τοὺς καταράτους
καὶ μιαροὺς - - - ἔστω· σὺ πῶς ποτ´ ἀπεσοφώθης
ἄφνω-ν. ἀ̣λλως̣ χαλεπὸς εἶ. διὰ τί οὖν
χαλεπαίνομεν; ὅτι τὰς ὕλας θαυμάζομεν, ὧν ἡμᾶς
ἀφαιροῦνται. ἐπεί τοι μὴ θαύμαζέ σου τὰ ἱμάτια καὶ τῷ
κλέπτῃ οὐ χαλεπαίνεις· μὴ θαύμαζε τὸ κάλλος τῆς
γυναικὸς καὶ τῷ μοιχῷ οὐ χαλεπαίνεις. γνῶθι ὅτι κλέπτης
καὶ μοιχὸς ἐν τοῖς σοῖς τόπον οὐκ ἔχει, ἐν δὲ τοῖς
ἀλλοτρίοις καὶ τοῖς οὐκ ἐπὶ σοί. ταῦτα ἂν ἀφῇς καὶ
παρὰ μηδὲν ἡγήσῃ, τίνι ἔτι χαλεπαίνεις; μέχρι δ´ ἂν
ταῦτα θαυμάζῃς, σεαυτῷ χαλέπαινε μᾶλλον ἢ ἐκείνοις.
σκόπει γάρ· ἔχεις καλὰ ἱμάτια, ὁ γείτων σου οὐκ ἔχει·
θυρίδα ἔχεις, θέλεις αὐτὰ ψῦξαι. οὐκ οἶδεν ἐκεῖνος τί
τὸ ἀγαθόν ἐστι τοῦ ἀνθρώπου, ἀλλὰ φαντάζεται ὅτι τὸ
ἔχειν καλὰ ἱμάτια, τοῦτο ὃ καὶ σὺ φαντάζῃ. εἶτα μὴ
ἔλθῃ καὶ ἄρῃ αὐτά; ἀλλὰ σὺ πλακοῦντα δεικνύων
ἀνθρώποις λίχνοις καὶ μόνος αὐτὸν καταπίνων οὐ θέλεις
ἵνα αὐτὸν ἁρπάσωσι; μὴ ἐρέθιζε αὐτούς, θυρίδα μὴ ἔχε,
μὴ ψῦχέ σου τὰ ἱμάτια. κἀγὼ πρῴην σιδηροῦν λύχνον
ἔχων παρὰ τοῖς θεοῖς ἀκούσας ψόφον τῆς θυρίδος
κατέδραμον. εὗρον ἡρπασμένον τὸν λύχνον. ἐπελογισάμην,
ὅτι ἔπαθέν τι ὁ ἄρας οὐκ ἀπίθανον. τί οὖν; αὔριον,
φημί, ὀστράκινον εὑρήσεις. ἐκεῖνα γὰρ ἀπολλύει, ἃ
ἔχει. ‘ἀπώλεσά μου τὸ ἱμάτιον.’ εἶχες γὰρ ἱμάτιον.
‘ἀλγῶ τὴν κεφαλήν.’ μή τι κέρατα ἀλγεῖς; τί οὖν ἀγανακτεῖς;
τούτων γὰρ αἱ ἀπώλειαι, τούτων οἱ πόνοι, ὧν καὶ αἱ κτήσεις.
‘Ἀλλ´ ὁ τύραννος δήσει.’ τί; τὸ σκέλος. ‘ἀλλ´ ἀφελεῖ.’
τί; τὸν τράχηλον. τί οὖν οὐ δήσει οὐδ´ ἀφελεῖ; τὴν
προαίρεσιν. διὰ τοῦτο παρήγγελλον οἱ παλαιοὶ τὸ
Γνῶθι σαυτόν. τί οὖν; ἔδει νὴ τοὺς θεοὺς μελετᾶν
ἐπὶ τῶν μικρῶν καὶ ἀπ´ ἐκείνων ἀρχομένους διαβαίνειν
ἐπὶ τὰ μείζω. ‘κεφαλὴν ἀλγῶ.’ ‘οἴμοι’ μὴ λέγε. ‘ὠτίον
ἀλγῶ.’ ‘οἴμοι’ μὴ λέγε. καὶ οὐ λέγω ὅτι οὐ δέδοται
στενάξαι, ἀλλὰ ἔσωθεν μὴ στενάξῃς. μηδ´ ἂν βραδέως
τὸν ἐπίδεσμον ὁ παῖς φέρῃ, κραύγαζε καὶ σπῶ καὶ λέγε
‘πάντες με μισοῦσιν’. τίς γὰρ μὴ μισήσῃ τὸν τοιοῦτον;
τούτοις τὸ λοιπὸν πεποιθὼς τοῖς δόγμασιν ὀρθὸς περιπάτει,
ἐλεύθερος, οὐχὶ τῷ μεγέθει πεποιθὼς τοῦ σώματος
ὥσπερ ἀθλητής· οὐ γὰρ ὡς ὄνον ἀήττητον εἶναι.
Τίς οὖν ὁ ἀήττητος; ὃν οὐκ ἐξίστησιν οὐδὲν τῶν
ἀπροαιρέτων. εἶτα λοιπὸν ἑκάστην τῶν περιστάσεων
ἐπερχόμενος καταμανθάνω ὡς ἐπὶ τοῦ ἀθλητοῦ. ‘οὗτος
ἐξεβίασε τὸν πρῶτον κλῆρον. τί οὖν τὸν δεύτερον; τί
δ´ ἂν καῦμα ᾖ; τί δ´ ἐν Ὀλυμπίᾳ;’ καὶ ἐνταῦθα ὡσαύτως. ἂν
ἀργυρίδιον προβάλῃς, καταφρονήσει. τί οὖν
ἂν κορασίδιον; τί οὖν ἂν ἐν σκότῳ; τί οὖν ἂν δοξάριον;
τί οὖν ἂν λοιδορίαν; τί οὖν ἂν ἔπαινον; τί δ´ ἂν
θάνατον; δύναται ταῦτα πάντα νικῆσαι. τί οὖν ἂν
καῦμα ᾖ, τοῦτό ἐστι· τί, ἂν οἰνωμένος ᾖ; τί ἂν μελαγχολῶν; τί
ἐν ὕπνοις; οὗτός μοί ἐστιν ὁ ἀνίκητος ἀθλητής.
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Traduction française :
[1,18] CHAPITRE XVIII : Il ne faut pas l'emporter contre ceux qui font mal.
S'il est réel, comme le disent les philosophes; qu'il n'y a aux
affirmations des hommes qu'une seule cause, la conviction que telle chose
est vraie; une seule à leurs négations, la conviction que telle chose est
fausse; une seule à leurs doutes, la conviction que telle chose est
incertaine; une seule à leurs vouloirs, la conviction que telle chose est
convenable; une seule à leurs désirs, la conviction que telle chose leur
est utile; s'il leur est impossible de désirer autre chose que ce qu'ils
jugent utile, et de vouloir autre chose que ce qu'ils jugent convenable,
pourquoi nous emporter contre la plupart d'entre eux? — Ce sont des filous
et des voleurs, dis-tu! — Qu'est-ce donc que les filous et les voleurs?
Des gens qui se trompent sur ce qui est bon et sur ce qui est mauvais. Par
suite est-ce l'indignation ou la pitié qu'ils doivent t'inspirer? Montre
leur qu'ils se trompent, et tu verras comment ils cesseront de faire mal.
S'ils ne voient pas leur erreur, ils n'ont rien qu'ils puissent préférer à
leur opinion.
— Quoi donc! ce voleur et cet adultère ne devraient-ils pas périr? — Ne
parle pas ainsi ; mais dis plutôt : Cet homme qui s'égare et qui se trompe
sur les sujets les plus importants, cet homme aveuglé, non dans ces yeux
du corps qui distinguent le blanc du noir, mais dans ces yeux de l'esprit
qui distinguent le bien du mal, ne devrait-il pas périr! Et si tu parles
ainsi, tu reconnaîtras combien ton dire est inhumain, combien il ressemble
à celui-ci : Cet homme aveugle et sourd ne devrait-il pas périr? Car si le
plus grand de tous les dommages est d'être privé des plus grands biens, et
si le plus grand de tous les biens est un jugement droit, pourquoi
t'emporter encore contre celui qui en est privé? O homme, il ne faut pas
que les torts des autres produisent sur toi un effet contraire à la nature
; aie pitié d'eux plutôt. Laisse là ces mots de colère et de haine, ces
exclamations de la multitude : Quelle canaille! Quel être odieux! Es-tu
donc, pour ta part, devenu sage en un jour? Te voilà bien sévère! Pourquoi
donc nous emportons-nous? Parce que nous attachons du prix à ce qu'on nous
enlève. N'attache pas de prix à ton manteau, et tu ne t'emporteras pas
contre son voleur; n'attache pas de prix à ta femme, si belle qu'elle
soit, et tu ne t'emporteras pas contre son amant. Sache que le voleur et
l'amant n'ont pas de prise sur ce qui est à toi, qu'ils n'en ont que sur
les choses qui ne sont pas à toi, et qui ne dépendent pas de toi. Si tu te
détaches de ces choses-là et n'en fais aucun cas, contre qui auras-tu
encore à t'emporter? Tant que y attacheras quelque prix, c'est de toi que
tu devras être mécontent, et non pas des autres.
Vois un peu : tu as de beaux vêtements, tandis que ton voisin n'en a pas;
tu as une fenêtre; veux-tu les y mettre à l'air? Il ne sait pas quel est
le bien de l'homme, et s'imagine que c'est un bien d'avoir de beaux
vêtements; ce que tu crois toi-même; et il ne viendrait pas te les
prendre! Tu montres un gâteau à des gourmands, et tu le manges seul; et tu
veux qu'ils ne te l'arrachent pas! Ne les tente pas; n'aie pas de fenêtre;
ne mets pas à l'air tes vêtements. Moi, avant hier, j'avais une lampe de
fer devant mes dieux pénates ; j'entendis du bruit à ma porte; je courus,
et je trouvai qu'on avait enlevé ma lampe. Je me dis que celui qui l'avait
volée n'avait pas fait une chose déraisonnable. Qu'arriva-t-il donc? Je
dis : Demain tu en trouveras une de terre cuite. On ne perd jamais que ce
que l'on a. J'ai perdu mon manteau! — C'est que tu avais un manteau. —
J'ai mal à la tête! — Est-ct que tu as mal aux cornes? Pourquoi te fâcher?
On ne perd que ce que l'on a; on ne souffre que dans ce que l'on a.
Mais le tyran va mettre dans les fers? — Quoi ta jambe. — Mais il va
m'enlever? — Quoi? la tête. Qu'est-ce qu'il ne pourra ni mettre dans les
fers ni t'enlever? Ton libre arbitre. C'est là précisément la raison du
précepte ancien : "Connais-toi toi-même". Il fallait, par tous les dieux,
t'exercer dans les petites choses, commencer par elles, pour passer à de
plus grandes. — La tête me fait mal — Ne dis pas, hélas! — L'oreille me
fait mal. — Ni dis pas, hélas! Je ne prétends point qu'il ne t'est pas
permis de pousser un gémissement; mais ne gémis pas dans ton
for intérieur. Si ton esclave est lent à t'apporter tes bandelettes, ne
crie pas, ne te met pas hors de toi, ne dis pas : Tout le monde me hait!
Qui, en effet, ne haïrait pas un pareil individu! Marche droit et libre,
en mettant désormais ta confiance dans ces principes, et non dans ta force
corporelle, comme un athlète. Car ce n'est pas comme d'un âne que nul ne
doit venir à bout de toi.
Quel est donc l'homme dont rien ne vient à bout? Celui que ne tire de son
calme rien de ce qui est en dehors de son libre arbitre. Cela posé,
j'énumère toutes les occasions possibles; et, comme on dit, en parlant
d'un athlète : Il a vaincu le premier sur lequel le sort l'a fait tomber;
mais en eut-il vaincu un second? Eut-il vaincu, s'il eût fait chaud? S’il
eût été à Olympie? de même ici je dis: Si tu mets de l'argent devant lui,
il en fera fi; mais une jeune fille, et de nuit? Mais la gloriole? Mais
les insultes? Mais les éloges? Mais la mort? Pourrait-il en triompher
également? Et s'il avait la fièvre? Et s'il était pris de vin? Et s'il était dans
une humeur noire? Voilà pour moi l'athlète qui ne serait jamais vaincu.
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