Texte grec :
[4,1f] Ὑγείας οὖν μὴ ὀρέγωμαι; (-) Μηδαμῶς, μηδ´ ἄλλου
ἀλλοτρίου μηδενός. ὃ γὰρ οὐκ ἔστιν ἐπὶ σοὶ παρασκευάσαι ἢ τηρῆσαι ὅτε θέλεις,
τοῦτο ἀλλότριόν ἐστιν. μακρὰν ἀπ´ αὐτοῦ οὐ μόνον τὰς χεῖρας, ἀλλὰ πολὺ
πρότερον τὴν ὄρεξιν· εἰ δὲ μή, παρέδωκας σαυτὸν δοῦλον,
ὑπέθηκας τὸν τράχηλον, ἂν θαυμάσῃς τῶν {τι} μὴ σῶν
ᾧ τινι ἂν τῶν ὑπευθύνων καὶ θνητῶν προσπαθῇς. (-)
Ἡ χεὶρ οὐκ ἔστιν ἐμή; (-) Μέρος ἐστὶ σόν, φύσει δὲ
πηλός, κωλυτόν, ἀναγκαστόν, δοῦλον παντὸς τοῦ ἰσχυροτέρου.
καὶ τί σοι λέγω χεῖρα; ὅλον τὸ σῶμα οὕτως
ἔχειν σε δεῖ ὡς ὀνάριον ἐπισεσαγμένον, ἐφ´ ὅσον ἂν
οἷόν τε ᾖ, ἐφ´ ὅσον ἂν διδῶται· ἂν δ´ ἀγγαρεία ᾖ καὶ
στρατιώτης ἐπιλάβηται, ἄφες, μὴ ἀντίτεινε μηδὲ γόγγυζε.
εἰ δὲ μή, πληγὰς λαβὼν οὐδὲν ἧττον ἀπολεῖς καὶ
τὸ ὀνάριον. ὅταν δὲ πρὸς τὸ σῶμα οὕτως ἔχειν σε δέῃ,
ὅρα, τί ἀπολείπεται περὶ τὰ ἄλλα, ὅσα τοῦ σώματος
ἕνεκα παρασκευάζεται. ὅταν ἐκεῖνο ὀνάριον ᾖ, τἆλλα
γίνεται χαλινάρια τοῦ ὀναρίου, σαγμάτια, ὑποδημάτια,
κριθαί, χόρτος. ἄφες κἀκεῖνα, ἀπόλυε θᾶττον καὶ εὐκολώτερον ἢ τὸ ὀνάριον.
Καὶ ταύτην τὴν παρασκευὴν παρασκευασάμενος καὶ
τὴν ἄσκησιν ἀσκήσας τὰ ἀλλότρια ἀπὸ τῶν ἰδίων διακρίνειν, τὰ κωλυτὰ ἀπὸ
τῶν ἀκωλύτων, ταῦτα πρὸς
σαυτὸν ἡγεῖσθαι, ἐκεῖνα μὴ πρὸς σαυτόν, ἐνταῦθα ἐπιστρόφως ἔχειν τὴν ὄρεξιν,
ἐνταῦθα τὴν ἔκκλισιν, μή
τι ἔτι φοβῇ τινα; (-) Οὐδένα. (-) Περὶ τίνος γὰρ φοβήσῃ; περὶ τῶν σεαυτοῦ, ὅπου
σοι ἡ οὐσία τοῦ ἀγαθοῦ
καὶ τοῦ κακοῦ; καὶ τίς τούτων ἐξουσίαν ἔχει; τίς ἀφελέσθαι αὐτὰ δύναται, τίς
ἐμποδίσαι; οὐ μᾶλλον ἢ τὸν θεόν.
ἀλλ´ ὑπὲρ τοῦ σώματος καὶ τῆς κτήσεως; ὑπὲρ
τῶν ἀλλοτρίων; ὑπὲρ τῶν οὐδὲν πρὸς σέ; καὶ τί ἄλλο
ἐξ ἀρχῆς ἐμελέτας ἢ διακρίνειν τὰ σὰ καὶ οὐ σά, τὰ ἐπὶ
σοὶ καὶ οὐκ ἐπὶ σοί, τὰ κωλυτὰ καὶ ἀκώλυτα; τίνος δὲ
ἕνεκα προσῆλθες τοῖς φιλοσόφοις; ἵνα μηδὲν ἧττον
ἀτυχῇς καὶ δυστυχῇς;
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Traduction française :
[4,1f] — Ne dois-je donc point désirer la santé? — Non ; pas plus que tout ce qui
n'est pas tien. Car tout ce qu'il n'est pas en ton pouvoir de te procurer
ou de conserver dès que tu le veux, tout cela n'est pas vraiment tien.
Eloigne de tout cela non seulement tes mains, mais tes désirs bien plutôt
encore ! Sinon, tu te mets toi-même dans les fers, tu présentes ta tête au
joug, quand tu accordes du prix à ce qui n'est pas complètement à toi,
quand tu t'attaches à quoi que ce soit qui dépend de la fortune et doit
périr. — Ma main n'est-elle donc pas mienne? Elle est une de tes parties;
donc de ta nature, elle peut être arrêtée et contrainte, et elle est en la
puissance de quiconque est plus fort. Mais que vais-je te parler de ta
main? Ton corps tout entier doit n'être à tes yeux qu'un ânon qui porte
tes fardeaux, pendant le temps où il lui est possible de le faire, pendant
le temps où cela lui est donné. Survient-il une réquisition, un soldat
met-il la main sur lui, laisse-le aller, ne résiste pas, ne murmure pas.
Sinon, tu recevras des coups, et tu n'en perdras pas moins ton ânon. Or,
si c'est là ce que tu dois être vis-à-vis de ton corps, vois ce qu'il te
reste à être vis-à-vis de toutes les choses qu'on n'acquiert qu'à cause de
son corps. Si ton corps est un ânon, tout le reste n'est que brides, bâts,
fers pour les pieds, orge et foin à l'usage de l'ânon. Laisse donc tout
cela, et défais-t'en plus vite et plus gaiement que de ton ânon même.
Ainsi préparé et exercé à distinguer les choses qui ne sont pas tiennes de
celles qui le sont, et celles qui peuvent être entravées de celles qui ne
le peuvent être, à te croire intéressé dans les secondes, et nullement
dans les premières, à veiller ici sur tes désirs, et là sur tes craintes,
qui peux-tu redouter encore? Personne. Car pourquoi redouterais-tu
quelqu'un? Pour les choses qui sont bien à toi, et qui sont les seules où
se trouvent réellement le bien et le mal? Mais qui a pouvoir sur elles?
Qui peut te les enlever? Qui peut les empêcher en toi? On ne le peut pour
toi non plus que pour Dieu. Craindrais-tu pour ta personne et pour ta
bourse? Pour des choses qui ne sont pas à toi? Pour des choses qui ne
t'intéressent en rien?
Eh! à quoi t'es-tu exercé depuis le premier jour? si ce n'est à distinguer
ce qui est tien et ce qui n'est pas tien, ce qui dépend de toi et ce qui
n'en dépend pas, ce qu'on peut entraver et ce qu'on ne peut pas entraver?
Dans quel but as-tu été trouver les philosophes? Serait-ce donc pour
n'être ni moins infortuné ni moins malheureux?
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