Texte grec :
[1] CHAPITRE PREMIER.
(458a33) § 1. Μετὰ δὲ ταῦτα περὶ ἐνυπνίου ἐπιζητητέον͵ καὶ πρῶτον (458b) τίνι τῶν τῆς ψυχῆς φαίνεται͵ καὶ πότερον τοῦ νοητικοῦ τὸ πάθος ἐστὶ τοῦτο ἢ τοῦ αἰσθητικοῦ· τούτοις γὰρ μόνοις τῶν ἐν ἡμῖν γνωρίζομέν τι.
§ 2. Εἰ δ΄ ἡ χρῆσις ὄψεως ὅρασις͵ καὶ ἀκοῆς τὸ ἀκούειν͵ καὶ ὅλως αἰσθήσεως τὸ αἰσθάνεσθαι͵ κοινὰ δ΄ ἐστὶ τῶν αἰσθήσεων οἷον σχῆμα καὶ μέγεθος καὶ κίνησις καὶ τἆλλα τὰ τοιαῦτα͵ ἴδια δ΄ οἷον χρῶμα ψόφος χυμός͵ ἀδυνατεῖ δὲ πάντα μύοντα καὶ καθεύδοντα ὁρᾶν͵ ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν λοιπῶν͵ δῆλον ὅτι οὐκ αἰσθανόμεθα οὐδὲν ἐν τοῖς ὕπνοις· οὐκ ἄρα γε τῇ αἰσθήσει τὸ ἐνύπνιον αἰσθανόμεθα. § 3. Ἀλλὰ μὴν οὐδὲ τῇ δόξῃ· οὐ γὰρ μόνον τὸ προσιόν φαμεν ἄνθρωπον ἢ ἵππον εἶναι͵ ἀλλὰ καὶ λευκὸν ἢ καλόν· ὧν ἡ δόξα ἄνευ αἰσθήσεως οὐδὲν ἂν φήσειεν͵ οὔτ΄ ἀληθῶς οὔτε ψευδῶς. Ἐν δὲ τοῖς ὕπνοις συμβαίνει τὴν ψυχὴν τοῦτο ποιεῖν· ὁμοίως γὰρ ὅτι ἄνθρωπος καὶ ὅτι λευκὸς ὁ προσιὼν δοκοῦ μεν ὁρᾶν. Ἔτι παρὰ τὸ ἐνύπνιον ἐννοοῦμεν ἄλλο τι͵ καθάπερ ἐν τῷ ἐγρηγορέναι αἰσθανόμενοί τι. Περὶ οὗ γὰρ αἰσθανόμεθα͵ πολλάκις καὶ διανοούμεθά τι· οὕτω καὶ ἐν τοῖς ὕπνοις παρὰ τὰ φαντάσματα ἐνίοτε ἄλλα ἐννοοῦμεν. § 4. Φανείη δ΄ ἄν τῳ τοῦτο͵ εἴ τις προσέχοι τὸν νοῦν καὶ πειρῷτο μνημονεύειν ἀναστάς. Ἤδη δέ τινες καὶ ἑωράκασιν ἐνύπνια τοιαῦτα͵ οἷον οἱ δοκοῦντες κατὰ τὸ μνημονικὸν παράγγελμα τίθεσθαι τὰ προβαλλόμενα· συμβαίνει γὰρ αὐτοῖς πολλάκις ἄλλο τι παρὰ τὸ ἐνύπνιον τίθεσθαι πρὸ ὀμμάτων εἰς τὸν τόπον φάντασμα· § 5. ὥστε δῆλον ὅτι οὐκ ἐνύπνιον πᾶν τὸ ἐν ὕπνῳ φάντασμα͵ καὶ ὅτι ὃ ἐννοοῦμεν τῇ δόξῃ δοξάζομεν. § 6. Δῆλον δὲ περὶ τούτων ἁπάντων τό γε τοσοῦτον͵ ὅτι τὸ αὐτὸ ᾧ καὶ ἐγρηγορότες ἐν ταῖς νόσοις ἀπατώμεθα͵ τοῦτ΄ αὐτὸ καὶ ἐν τῷ ὕπνῳ ποιεῖ τὸ πάθος. Καὶ ὑγιαίνουσι δὲ καὶ εἰδόσιν ὅμως ὁ ἥλιος ποδιαῖος εἶναι δοκεῖ. Ἀλλ΄ εἴτε δὴ ταὐτὸν εἴθ΄ ἕτερον τὸ φανταστικὸν τῆς ψυχῆς καὶ τὸ αἰσθητικόν͵ οὐδὲν ἧττον οὐ γίνεται ἄνευ τοῦ ὁρᾶν καὶ αἰσθάνεσθαί τι· τὸ γὰρ παρορᾶν καὶ παρακούειν ὁρῶντος ἀληθές τι καὶ ἀκούοντος͵ οὐ μέντοι τοῦτο ὃ οἴεται. Ἐν δὲ τῷ ὕπνῳ ὑπόκειται μηδὲν ὁρᾶν μηδὲν ἀληθές͵ τὸ δὲ μηδὲν πάσχειν τὴν αἴσθησιν οὐκ ἀληθές͵ ἀλλ΄ ἐνδέχεται καὶ τὴν ὄψιν πάσχειν τι καὶ τὰς ἄλλας αἰσθήσεις͵ ἕκαστον δὲ τούτων ὥσπερ ἐγρηγορότος προσβάλλει μέν πως τῇ αἰσθήσει͵ οὐχ οὕτω δὲ ὥσπερ ἐγρηγορότος· καὶ ὁτὲ μὲν ἡ δόξα λέγει ὅτι ψεῦδος͵ ὥσπερ ἐγρηγορόσιν͵ ὁτὲ δὲ κατέχεται καὶ ἀκολουθεῖ τῷ φαντάσματι;
§ 7. ὅτι μὲν οὖν οὐκ ἔστι τοῦ δοξάζοντος οὐδὲ τοῦ διανοουμένου τὸ πάθος τοῦτο ὃ καλοῦμεν ἐνυπνιάζειν͵ φανερόν. Ἀλλ΄ οὐδὲ τοῦ αἰσθανομένου ἁπλῶς· ὁρᾶν γὰρ ἂν ἦν καὶ ἀκούειν ἁπλῶς.
§ 8. Ἀλλὰ πῶς δὴ καὶ τίνα τρόπον͵ ἐπισκεπτέον. Ὑποκείσθω μὲν οὖν͵ ὅπερ ἐστὶ καὶ φανερόν͵ ὅτι τοῦ αἰσθητικοῦ τὸ πάθος͵ εἴπερ καὶ ὁ ὕπνος· οὐ γὰρ ἄλλῳ μέν τινι τῶν ζῴων ὑπάρχει ὁ ὕπνος͵ ἄλλῳ δὲ τὸ ἐνυπνιάζειν͵ ἀλλὰ τῷ αὐτῷ. § 9. Ἐπεὶ δὲ περὶ φαντασίας ἐν τοῖς Περὶ ψυχῆς εἴρηται͵ καὶ ἔστι μὲν τὸ αὐτὸ τῷ αἰσθητικῷ τὸ φανταστικόν͵ τὸ δ΄ εἶναι φανταστικῷ καὶ αἰσθητικῷ ἕτερον͵ ἔστι δὲ φαντασία ἡ ὑπὸ τῆς κατ΄ ἐνέργειαν αἰσθήσεως γινομένη κίνησις͵ τὸ δ΄ ἐνύπνιον φάντασμά τι φαίνεται εἶναι (τὸ γὰρ ἐν ὕπνῳ φάντασμα ἐνύπνιον λέγομεν͵ εἴθ΄ ἁπλῶς εἴτε τρόπον τινὰ γινόμενον)͵
§ 10. φανερὸν ὅτι τοῦ αἰσθητικοῦ μέν ἐστι τὸ ἐνυπνιάζειν͵ τούτου δ΄ ᾗ φανταστικόν.
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Traduction française :
[1] CHAPITRE PREMIER.
§ 1. (458a33) Après avoir étudié le sommeil, il faut passer aux rêves, (458b) et rechercher d'abord à quelle partie de l'âme se montre le rêve. Est-ce une affection de l'entendement ou de la sensibilité, les deux seules parties de notre être qui nous fassent connaître les choses ?
§ 2. La fonction de la vue, c'est de voir ; celle de l'ouïe, c'est d'entendre ; et, en général, la fonction de la sensibilité, c'est de sentir. De plus, il y a certaines choses communes à tous les sens, telles que la forme, le mouvement, la grandeur, et autres qualités de même genre ; et il y en a d'autres qui sont spéciales, comme la couleur, le son, la saveur. Or, quand on ferme les yeux, et quand on dort, on n'est point en état d'avoir la sensation de la vue, on n'a pas davantage les autres ; ainsi, il est clair que nous ne sentons rien durant le sommeil. Ce n'est donc pas par la sensation que nous sentons le rêve. § 3. Nous ne le sentons pas non plus par la simple opinion ; car nous ne disons pas seulement que l'objet qui se présente alors est homme ou cheval ; nous disons encore que cet objet est blanc ou qu'il est beau ; et sans le secours de la sensation, la simple opinion ne pourrait rien nous dire de tout cela, ni de vrai ni de faux. Mais c'est là précisément ce que fait l'âme dans les rêves, puisque nous croyons voir alors, tout aussi réellement que dans la veille, que celui qui se présente est homme, et de plus qu'il est blanc. Dans le rêve, nous sentons donc encore quelque chose de plus que l'objet, de même que dans la veille, quand nous sentons un objet. En effet, souvent nous ne sentons pas seulement l'objet, mais nous en pensons encore quelque chose ; de même aussi dans les rêves, nous pensons quelque fois autre chose encore au-delà des images qui nous apparaissent. § 4. Cela sera parfaitement évident pour quiconque, après le réveil, appliquera son esprit à se rappeler les rêves qu'il a eus. Quelques personnes ont ainsi revu leurs rêves, comme en observant les règles de la mnémonique on apprend à se représenter les choses proposées. En effet, il arrive souvent à ceux qui prennent cette habitude, qu'outre le rêve ils se remettent encore sous les yeux quelqu'autre image, dans le lieu qui reçoit les images. § 5. Ceci prouve bien que la représentation aperçue dans le sommeil n'est pas toujours un rêve, et que ce que pense alors notre intelligence, elle en a connaissance par l'opinion. § 6. Il est évident encore que pour tous les phénomènes de ce genre, la cause qui fait que dans certaines maladies nous nous trompons même tout éveillés, est celle aussi qui, dans le sommeil, produit sur nous l'impression du rêve. Et même, on a beau être en pleine santé, on a beau savoir fort bien ce qu'il en est, le soleil paraît toujours n'avoir qu'un seul pied de large. Mais, soit que l'imagination et la sensibilité soient dans l'âme deux facultés identiques, ou qu'elles soient différentes, le rêve ne se produit pas néanmoins sans que l'on voie et que l'on sente quelque chose. En effet, mal voir, mal entendre ne peut appartenir qu'à un être qui voit et qui entend quelque chose de vrai, bien que ce quelque chose ne soit pas ce qu'il croit. Mais on suppose que dans le sommeil on ne voit rien, qu'on n'entend rien, en un mot qu'on ne sent rien. Faut-il donc admettre que, s'il est vrai qu'on ne voie rien dans le rêve, il n'est pas vrai que la sensibilité n'éprouve rien ? Mais il se peut que la vue et les autres sens éprouvent alors quelque affection ; chacune des impressions agit à peu près comme si l'on était éveillé, et elles frappent la sensibilité d'une certaine manière ; mais ce n'est pas tout à fait cependant comme durant la véritable veille. Ainsi, tantôt l'opinion nous dit que ce que nous voyons alors est faux, comme elle nous le dit dans la veille ; et tantôt, elle est saisie par l'image et se laisse entraîner à sa suite.
§7. Il est donc certain que cette affection que nous appelons le rêve n'appartient, ni à la faculté de l'opinion, ni à celle de l'intelligence. Elle ne relève absolument non plus de la sensibilité ; car alors on verrait, on entendrait tout à fait.
§ 8. Mais recherchons comment ce phénomène est possible et comment il se passe. Supposons donc, ce qui du reste est évident, que c'est là une affection de la sensibilité, puisque le sommeil en est une aussi ; et en effet, la faculté du sommeil n'appartient pas à tel animal et la faculté du rêve à tel animal différent : elles sont réunies toutes deux dans le même être. § 9. Nous avons déjà parlé de l'imagination dans le Traité de l'âme, et nous y avons dit que l'imagination est la même chose que la sensibilité ; mais que la manière d'être de la sensibilité et celle de l'imagination sont différentes ; nous avons défini l'imagination : le mouvement produit par la sensation en acte. Or, le rêve paraît bien être une sorte d'image ; car nous appelons rêve l'image qui se montre durant le sommeil, qu'elle se produise, soit d'une manière absolue, soit d'une manière quelconque.
§ 10. Il est donc évident que rêver appartient à la sensibilité, et lui appartient en tant qu'elle est douée d'imagination.
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