[2,6] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Ϛ'.
§ 1. Θαυμάσειε δ´ ἄν τις τῶν λεγόντων πλείω ἑνὸς τὰ στοιχεῖα τῶν σωμάτων ὥστε μὴ μεταβάλλειν εἰς ἄλληλα, καθάπερ Ἐμπεδοκλῆς φησι, πῶς ἐνδέχεται λέγειν αὐτοῖς εἶναι συμβλητὰ τὰ στοιχεῖα. Καίτοι λέγει οὕτω· «ταῦτα γὰρ ἶσά τε πάντα». <20> Εἰ μὲν οὖν κατὰ τὸ ποσόν, ἀνάγκη ταὐτό τι εἶναι ὑπάρχον ἅπασι τοῖς συμβλητοῖς ᾧ μετροῦνται, οἷον εἰ ἐξ ὕδατος κοτύλης εἶεν ἀέρος δέκα· τὸ αὐτό τι ἦν ἄρα ἄμφω, εἰ μετρεῖται τῷ αὐτῷ.
§ 2. Εἰ δὲ μὴ οὕτω κατὰ τὸ ποσὸν συμβλητὰ ὡς ποσὸν ἐκ ποσοῦ, ἀλλ´ ὅσον δύναται, οἷον <25> εἰ κοτύλη ὕδατος ἴσον δύναται ψύχειν καὶ δέκα ἀέρος, καὶ οὕτως κατὰ τὸ ποσὸν οὐχ ᾗ ποσὸν συμβλητά, ἀλλ´ ᾗ δύναταί τι.
§ 3. Εἴη δ´ ἂν καὶ μὴ τῷ τοῦ ποσοῦ μέτρῳ συμβάλλεσθαι τὰς δυνάμεις, ἀλλὰ κατ´ ἀναλογίαν, οἷον ὡς τόδε λευκὸν τόδε θερμόν. Τὸ δ´ ὡς τόδε σημαίνει ἐν μὲν ποιῷ τὸ ὅμοιον, ἐν δὲ τῷ ποσῷ τὸ ἴσον. <30> Ἄτοπον δὴ φαίνεται, εἰ τὰ σώματα ἀμετάβλητα ὄντα μὴ ἀναλογίᾳ συμβλητά ἐστιν, ἀλλὰ μέτρῳ τῶν δυνάμεων καὶ τῷ εἶναι ἴσον θερμὸν ἢ ὅμοιον πυρὸς τοσονδὶ καὶ ἀέρος πολλαπλάσιον· τὸ γὰρ αὐτὸ πλεῖον τῷ ὁμογενὲς εἶναι τοιοῦτον ἕξει τὸν λόγον.
§ 4. <35> Ἀλλὰ μὴν οὐδ´ αὔξησις ἂν εἴη κατ´ Ἐμπεδοκλέα, ἀλλ´ ἢ <334a> κατὰ πρόσθεσιν· πυρὶ γὰρ αὔξει τὸ πῦρ· «αὔξει δὲ χθὼν μὲν σφέτερον δέμας, αἰθέρα δ´ αἰθήρ». Ταῦτα δὲ προστίθεται· δοκεῖ δ´ οὐχ οὕτως αὔξεσθαι τὰ αὐξανόμενα.
§ 5. Πολὺ δὲ χαλεπώτερον ἀποδοῦναι περὶ γενέσεως τῆς κατὰ φύσιν. Τὰ <5> γὰρ γινόμενα φύσει πάντα γίνεται ἢ ἀεὶ ἢ ὡς ἐπὶ τὸ πολύ, τὰ δὲ παρὰ τὸ ἀεὶ καὶ ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ ἀπὸ ταὐτομάτου καὶ ἀπὸ τύχης. Τί οὖν τὸ αἴτιον τοῦ ἐξ ἀνθρώπου ἄνθρωπον ἢ ἀεὶ ἢ ὡς ἐπὶ τὸ πολύ, καὶ ἐκ τοῦ πυροῦ πυρὸν ἀλλὰ μὴ ἐλαίαν; ἢ καὶ ἐὰν ὡδὶ συντεθῇ ὀστοῦν; οὐ γὰρ <10> ὅπως ἔτυχε συνελθόντων οὐδὲν γίνεται, καθ´ ἃ ἐκεῖνός φησιν, ἀλλὰ λόγῳ τινί.
§ 6. Τί οὖν τούτων αἴτιον; οὐ γὰρ δὴ πῦρ γε ἢ γῆ. Ἀλλὰ μὴν οὐδ´ ἡ φιλία καὶ τὸ νεῖκος· συγκρίσεως γὰρ 〈τὸ μέν〉, τὸ δὲ διακρίσεως αἴτιον. Τοῦτο δ´ ἐστὶν ἡ οὐσία ἡ ἑκάστου, ἀλλ´ οὐ «μόνον μίξις τε διάλλαξίς τε μιγέντων», ὥσπερ ἐκεῖνός φησιν. <15> Τύχη δ´ ἐπὶ τούτοις ὀνομάζεται, ἀλλ´ οὐ λόγος· ἔστι γὰρ μιχθῆναι ὡς ἔτυχεν.
§ 7. Τῶν δὴ φύσει ὄντων αἴτιον τὸ οὕτως ἔχειν, καὶ ἡ ἑκάστου φύσις αὕτη, περὶ ἧς οὐδὲν λέγει. Οὐδὲν ἄρα περὶ φύσεως λέγει. Ἀλλὰ μὴν καὶ τὸ εὖ τοῦτο καὶ ἀγαθόν· ὁ δὲ τὴν μίξιν μόνον ἐπαινεῖ. <20> Καίτοι τά γε στοιχεῖα διακρίνει οὐ τὸ νεῖκος, ἀλλ´ ἡ φιλία τὰ φύσει πρότερα τοῦ θεοῦ· θεοὶ δὲ καὶ ταῦτα.
§ 8. Ἔτι δὲ περὶ κινήσεως ἁπλῶς λέγει· οὐ γὰρ ἱκανὸν εἰπεῖν διότι ἡ φιλία καὶ τὸ νεῖκος κινεῖ, εἰ μὴ τοῦτ´ ἦν φιλίᾳ εἶναι τὸ κινήσει τοιᾳδί, νείκει δὲ τὸ τοιᾳδί. Ἔδει οὖν ἢ <25> ὁρίσασθαι ἢ ὑποθέσθαι ἢ ἀποδεῖξαι, ἢ ἀκριβῶς ἢ μαλακῶς, ἢ ἄλλως γέ πως.
§ 9. Ἔτι δ´ ἐπεὶ φαίνεται καὶ βίᾳ καὶ παρὰ φύσιν κινούμενα τὰ σώματα καὶ κατὰ φύσιν, οἷον τὸ πῦρ ἄνω μὲν οὐ βίᾳ, κάτω δὲ βίᾳ, τῷ δὲ βίᾳ τὸ κατὰ φύσιν ἐναντίον, ἔστι δὲ τὸ βίᾳ, ἔστιν ἄρα καὶ τὸ κατὰ φύσιν κινεῖσθαι. <30> Ταύτην οὖν ἡ φιλία κινεῖ; ἢ οὔ; τοὐναντίον γὰρ τὴν γῆν ἄνω καὶ διακρίσει ἔοικεν, καὶ μᾶλλον τὸ νεῖκος αἴτιον τῆς κατὰ φύσιν κινήσεως ἢ ἡ φιλία. Ὥστε καὶ ὅλως παρὰ φύσιν ἡ φιλία ἂν εἴη μᾶλλον. Ἁπλῶς δὲ εἰ μὴ ἡ φιλία ἢ τὸ νεῖκος κινοῖ, αὐτῶν τῶν σωμάτων οὐδεμία κίνησίς ἐστιν οὐδὲ μονή· ἀλλ´ ἄτοπον.
§ 10. <35> Ἔτι δὲ καὶ φαίνεται κινούμενα· <334b> διέκρινε μὲν γὰρ τὸ νεῖκος, ἠνέχθη δ´ ἄνω ὁ αἰθὴρ οὐχ ὑπὸ τοῦ νείκους, ἀλλ´ ὁτὲ μέν φησιν ὥσπερ ἀπὸ τύχης («οὕτω γὰρ συνέκυρσε θέων τοτέ, πολλάκι δ´ ἄλλως») ὁτὲ δέ φησι πεφυκέναι τὸ πῦρ ἄνω φέρεσθαι, ὁ δ´ αἰθήρ, φησί, <5> «〈δ´ αὖ〉 μακρῇσι κατὰ χθόνα δύετο ῥίζαις». Ἅμα δὲ καὶ τὸν κόσμον ὁμοίως ἔχειν φησὶν ἐπί τε τοῦ νείκους νῦν καὶ πρότερον ἐπὶ τῆς φιλίας.
§ 11. Τί οὖν ἐστὶ τὸ κινοῦν πρῶτον καὶ αἴτιον τῆς κινήσεως; οὐ γὰρ δὴ ἡ φιλία καὶ τὸ νεῖκος, ἀλλά τινος κινήσεως ταῦτα αἴτια· εἰ δ´ ἔστιν, ἐκεῖνο ἀρχή·
§ 12. <10> ἄτοπον δὲ καὶ εἰ ἡ ψυχὴ ἐκ τῶν στοιχείων ἢ ἕν τι αὐτῶν· αἱ γὰρ ἀλλοιώσεις αἱ τῆς ψυχῆς πῶς ἔσονται, οἷον τὸ μουσικὸν εἶναι καὶ πάλιν ἄμουσον, ἢ μνήμη ἢ λήθη; δῆλον γὰρ ὅτι εἰ μὲν πῦρ ἡ ψυχή, τὰ πάθη ὑπάρξει αὐτῇ ὅσα πυρὶ ᾗ πῦρ· εἰ δὲ μικτόν, τὰ σωματικά· τούτων δ´ οὐδὲν σωματικόν. <15> Ἀλλὰ περὶ μὲν τούτων ἑτέρας ἔργον ἐστὶ θεωρίας.
| [2,6] CHAPITRE VI.
§ 1. Quand on voit des philosophes admettre la pluralité des éléments des corps, et nier en même temps que les éléments changent les uns dans les autres, ainsi que le fait Empédocle, on pourrait leur demander avec quelqu'étonnement comment alors ils peuvent soutenir que les éléments sont comparables les uns aux autres. C'est bien là cependant ce que prétend Empédocle quand il dit :
« car tous les éléments étaient égaux entre eux. »
<20> Si c'est en quantité qu'ils le sont, il faut que, dans tous les objets comparables, il y ait quelque chose de commun qui puisse servir à les mesurer ; par exemple, si d'un seul cotyle d'eau on peut faire dix cotyles d'air, c'est que les deux éléments étaient, à certain égard, la même chose, puisqu'ils ont la même mesure.
§ 2. Si les objets ne sont pas ainsi comparables sous le rapport de la quantité, telle quantité correspondant à telle autre, il faut du moins qu'ils le soient sous le rapport de l'effet qu'ils peuvent produire. <25> Ainsi par exemple : si un cotyle d'eau peut produire autant de froid que dix cotyles d'air, alors les éléments sont encore comparables entre eux sous le rapport de la quantité, non pas précisément en tant qu'ils sont une quantité matérielle, mais en tant qu'ils peuvent exercer une certaine action.
§ 3. On pourrait encore comparer les puissances ou les forces, non pas seulement par la mesure directe de la quantité, mais encore proportionnellement et par analogie. Ainsi, l'on peut dire que telle chose est chaude comme telle autre chose est blanche. Le mot Comme exprime le rapport de ressemblance, s'il s'agit de la qualité ; et, s'il s'agit de quantité, il exprime l'égalité. <30> Mais il semble absurde que les corps qui ne peuvent permuter les uns dans les autres, ne soient pas comparables entre eux sous le rapport de l'analogie, et qu'ils le soient seulement par la mesure de leur puissance, et parce que telle quantité de feu, par exemple, peut être aussi chaude et produire la même chaleur que telle quantité d'air plus considérable. En effet une substance de même nature, si elle est en quantité plus grande, pourra devenir proportionnellement équivalente, parce qu'elle sera du même genre.
§ 4. <35> J'ajoute que, suivant le système d'Empédocle, il n'y aura d'accroissement possible que <334a> celui qui se fait par addition. C'est ainsi qu'il suppose que le feu s'accroît par le feu, quand il dit : « La terre accroît la terre, et l'air même accroît l'air.»
Or ce n'est là qu'une simple addition, et il ne paraît pas que les choses qui s'accroissent puissent s'accroître ainsi.
§ 5. Mais il est bien plus difficile encore pour Empédocle d'expliquer la production des êtres dans la nature; car <5> tous les êtres qui naissent et se produisent selon les lois naturelles, ou naissent toujours d'une certaine façon régulière, ou du moins le plus souvent de cette façon ; les êtres qui se produisent contre cet ordre éternellement constant, ou du moins le plus ordinaire, sont le fruit d'une cause fortuite et du hasard. Qu'est-ce qui fait donc que d'un homme naît un homme, ou toujours et suivant une règle éternelle, ou du moins le plus ordinairement, de même que du blé vient toujours du blé, et non pas un olivier? Est-ce que les os ne se forment pas aussi de la même manière ? Mais non, <10> les choses ne se produisent pas au hasard, et par une rencontre fortuite, comme le dit Empédocle ; elles se produisent par une certaine raison.
§ 6. Quelle est donc la cause de tous ces phénomènes? Ce n'est certes pas ni la terre ni le feu. Ce ne sont pas davantage l'Amour et la Discorde ; car l'un n'est cause que de la combinaison des choses, et l'autre de leur division. Cette cause, c'est l'essence de chaque chose ; ce n'est pas seulement comme le dit Empédocle : « Mélange et désaccord des choses mélangées. »
<15> Ce ne serait alors que ce qu'on appelle du hasard ; ce n'est plus là de la raison ; car il est bien possible qu'il y ait parfois un mélange fortuit et confus.
§ 7. Ainsi ce qui est cause de chacun des êtres naturels, c'est leur organisation ; c'est la propre nature de chacun d'eux, dont Empédocle ne dit pas un seul mot. On peut affirmer qu'il ne traite pas véritablement de la nature, quoique la nature soit précisément l'ordre et le bien pour toutes choses. Mais Empédocle n'a d'éloges absolument que pour le mélange et la confusion. <20> Cependant ce n'est pas la Discorde, c'est l'Amour qui a séparé les éléments, lesquels, selon lui, sont antérieurs à Dieu lui-même, puisque les éléments d'Empédocle sont aussi des Dieux.
§ 8. Il ne parle non plus du mouvement que d'une manière toute générale ; car il n'est pas suffisant de dire que ce sont la Discorde et l'Amour qui donnent le mouvement, si l'on ne précise pas que l'Amour consiste à causer telle espèce de mouvement, et la Discorde à en causer telle autre. Empédocle aurait donc bien dû ici ou <25> définir exactement les choses, ou imaginer quelque hypothèse, ou faire quelque démonstration, d'ailleurs puissante ou faible, ou s'en tirer de toute autre manière.
§ 9. Autre objection. Les corps sont tantôt mus par force, et contre nature, et tantôt ils sont animés d'un mouvement naturel; ainsi par exemple, le feu se dirige en haut, sans que ce soit par force, et il ne va que par force en bas. Or, le mouvement naturel est contraire au mouvement forcé. Par conséquent comme il y a un mouvement forcé, il y a aussi un mouvement naturel. <30> Est-ce donc l'Amour, ou n'est-ce pas l'Amour qui produit ce dernier mouvement ? Lorsque la terre a un mouvement qui la porte en bas, c'est un mouvement contraire à la Concorde, et qui ressemble à une séparation. Ce serait alors la Discorde plutôt que l'Amour, qui serait cause du mouvement naturel; et par conséquent, l'Amour serait bien plutôt que la Discorde tout à fait contre nature. Or, si ce ne sont pas du tout ni la Discorde ni l'Amour qui produisent le mouvement, les corps eux-mêmes n'ont plus ni de mouvement ni de repos. Mais c'est là une conséquence qui est absurde.
§ 10. <35> Empédocle reconnaît bien que les corps sont de toute évidence en mouvement ; <334b> car c'est la Discorde qui les a séparés. L'Éther a été porté dans les hautes régions, non point par la Discorde, mais, comme le dit quelquefois Empédocle, par une sorte de hasard.
« L'air alors vole ainsi, mais souvent autrement. »
Quelquefois encore Empédocle dit que le feu dut naturellement se porter en haut, et que l'éther vint
<5> « S'appuyer fortement aux bases de la terre. »
Enfin Empédocle nous apprend que le monde est aujourd'hui dirigé par la Discorde, absolument de même qu'antérieurement il l'était par l'Amour.
§ 11. Quel est donc, selon lui, le premier moteur, et la première cause du mouvement ? Ce n'est certes pas l'Amour et la Discorde, bien que cependant l'un et l'autre causent une certaine espèce de mouvement ; et s'ils sont le premier moteur qui existe, ce serait là le véritable principe des choses.
§ 12. <10> Enfin, il n'est pas moins absurde de supposer que l'âme vienne des éléments ou qu'elle soit un des éléments ; car alors comment pourront se produire les altérations propres de l'âme ? Par exemple, comment comprendre qu'elle peut avoir ou ne pas avoir le talent de la musique ? Comment comprendre la mémoire ou l'oubli ? Il est évident que si l'âme est du feu, elle aura, en tant que feu, toutes les qualités qui appartiennent au feu. Si l'âme est un mélange des éléments, elle aura les affections des corps ; mais aucune des affections de l'âme, n'est corporelle. Du reste, cette discussion appartient à une toute autre étude que celle-ci.
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