Texte grec :
[6,1321a] τὰς μὲν οὖν δημοκρατίας ὅλως ἡ πολυανθρωπία σῴζει
τοῦτο γὰρ ἀντίκειται πρὸς τὸ δίκαιον τὸ κατὰ τὴν ἀξίαν: τὴν δ'
ὀλιγαρχίαν δῆλον ὅτι τοὐναντίον ἀπὸ τῆς εὐταξίας δεῖ τυγχάνειν τῆς
σωτηρίας.
ἐπεὶ δὲ τέτταρα μὲν ἔστι μέρη μάλιστα τοῦ πλήθους, γεωργικὸν
βαναυσικὸν ἀγοραῖον θητικόν, τέτταρα δὲ τὰ χρήσιμα πρὸς πόλεμον,
ἱππικὸν ὁπλιτικὸν ψιλὸν ναυτικόν, ὅπου μὲν συμβέβηκε τὴν χώραν
εἶναι ἱππάσιμον, ἐνταῦθα μὲν εὐφυῶς ἔχει κατασκευάζειν τὴν
ὀλιγαρχίαν ἰσχυράν ἡ γὰρ σωτηρία τοῖς οἰκοῦσι διὰ ταύτης ἐστὶ
τῆς δυνάμεως, αἱ δ' ἱπποτροφίαι τῶν μακρὰς οὐσίας κεκτημένων
εἰσίν, ὅπου δ' ὁπλῖτιν, τὴν ἐχομένην ὀλιγαρχίαν τὸ γὰρ ὁπλιτικὸν
τῶν εὐπόρων ἐστὶ μᾶλλον ἢ τῶν ἀπόρων, ἡ δὲ ψιλὴ δύναμις καὶ
ναυτικὴ δημοκρατικὴ πάμπαν. νῦν μὲν οὖν ὅπου τοιοῦτον πολὺ
πλῆθος ἔστιν, ὅταν διαστῶσι, πολλάκις ἀγωνίζονται χεῖρον: δεῖ δὲ
πρὸς τοῦτο φάρμακον παρὰ τῶν πολεμικῶν λαμβάνειν στρατηγῶν,
οἳ συνδυάζουσι πρὸς τὴν ἱππικὴν δύναμιν καὶ τὴν ὁπλιτικὴν τὴν
ἁρμόττουσαν τῶν ψιλῶν. ταύτῃ δ' ἐπικρατοῦσιν ἐν ταῖς διαστάσεσιν
οἱ δῆμοι τῶν εὐπόρων: ψιλοὶ γὰρ ὄντες πρὸς ἱππικὴν καὶ
ὁπλιτικὴν ἀγωνίζονται ῥᾳδίως.
τὸ μὲν οὖν ἐκ τούτων καθιστάναι ταύτην τὴν δύναμιν ἐφ' ἑαυτούς
ἐστι καθιστάναι, δεῖ δὲ διῃρημένης τῆς ἡλικίας, καὶ τῶν μὲν ὄντων
πρεσβυτέρων τῶν δὲ νέων, ἔτι μὲν ὄντας νέους τοὺς αὐτῶν υἱεῖς
διδάσκεσθαι τὰς κούφας καὶ τὰς ψιλὰς ἐργασίας, ἐκκεκριμένους
δὲ ἐκ παίδων ἀθλητὰς εἶναι αὐτοὺς τῶν ἔργων: τὴν δὲ μετάδοσιν
γίνεσθαι τῷ πλήθει τοῦ πολιτεύματος ἤτοι καθάπερ εἴρηται
πρότερον, τοῖς τὸ τίμημα κτωμένοις, ἢ καθάπερ Θηβαίοις,
ἀποσχομένοις χρόνον τινὰ τῶν βαναύσων ἔργων, ἢ καθάπερ ἐν
Μασσαλίᾳ κρίσιν ποιουμένους τῶν ἀξίων τῶν ἐν τῷ πολιτεύματι καὶ
τῶν ἔξωθεν. ἔτι δὲ καὶ ταῖς ἀρχαῖς ταῖς κυριωτάταις, ἃς δεῖ τοὺς ἐν τῇ
πολιτείᾳ κατέχειν, δεῖ προσκεῖσθαι λειτουργίας, ἵν' ἑκὼν ὁ δῆμος μὴ
μετέχῃ καὶ συγγνώμην ἔχῃ τοῖς ἄρχουσιν ὡς μισθὸν πολὺν διδοῦσι
τῆς ἀρχῆς. ἁρμόττει δὲ θυσίας τε εἰσιόντας ποιεῖσθαι
μεγαλοπρεπεῖς καὶ κατασκευάζειν τι τῶν κοινῶν, ἵνα τῶν περὶ τὰς
ἑστιάσεις μετέχων ὁ δῆμος καὶ τὴν πόλιν ὁρῶν κοσμουμένην τὰ μὲν
ἀναθήμασι τὰ δὲ οἰκοδομήμασιν ἄσμενος ὁρᾷ μένουσαν τὴν
πολιτείαν: συμβήσεται δὲ καὶ τοῖς γνωρίμοις εἶναι μνημεῖα τῆς
δαπάνης. ἀλλὰ τοῦτο νῦν οἱ περὶ τὰς ὀλιγαρχίας οὐ ποιοῦσιν, ἀλλὰ
τοὐναντίον: τὰ λήμματα γὰρ ζητοῦσιν οὐχ ἧττον ἢ τὴν τιμήν. διόπερ
εὖ ἔχει λέγειν ταύτας εἶναι δημοκρατίας μικράς.
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Traduction française :
[6,1321a] § 3. En général, les démocraties trouvent leur salut dans l'abondance même
de leur population. Le droit du nombre y remplace le droit du mérite. L'oligarchie, au
contraire, ne peut vivre et se sauver que par le bon ordre. La masse presque
entière du peuple se composant de quatre classes principales : les laboureurs, les
artisans, les mercenaires, les commerçants ; et quatre espèce d'armes aussi étant
nécessaires à la guerre : la cavalerie, les hoplites, l'infanterie légère et la marine,
dans un pays naturellement propre à l'élèvage des chevaux, l'oligarchie peut sans
peine se constituer très puissamment ; car la cavalerie, qui fait alors la force et la
sécurité nationales, exige toujours pour son entretien beaucoup de fortune. Là où
les hoplites sont en grand nombre, la seconde espèce d'oligarchie peut s'établir ;
car cette infanterie pesante se compose généralement de riches plutôt que de
pauvres. Au contraire, l'infanterie légère et la marine sont des éléments tout
démocratiques.
§ 4. Aussi, dans les États où ces deux éléments se rencontrent en masse, les riches,
comme on peut le voir de nos jours, ont-ils souvent le dessous quand on en vient à
la guerre civile. Pour porter remède à ce mal, on peut imiter la méthode des
généraux qui, dans le combat, savent mêler à la cavalerie et aux hoplites une
proportion convenable de troupes moins pesantes. Dans les séditions, les pauvres
l'emportent souvent sur les riches, en ce que, moins lourdement armés, ils peuvent
combattre avec avantage contre la cavalerie et la grosse infanterie.
§ 5. Aussi, l'oligarchie qui prend son infanterie légère dans les dernières classes du
peuple, ne la forme que contre elle-même. Il faut au contraire, en profitant de la
diversité des âges et en tirant parti des plus âgés comme des plus jeunes, faire
exercer les fils des oligarques dès leur enfance à toutes les manoeuvres de
l'infanterie légère, et les appliquer, dès qu'ils sortent de l'adolescence, aux plus
rudes travaux, comme de véritables athlètes.
L'oligarchie d'ailleurs aura soin d'accorder des droits politiques au peuple, soit à
la condition du cens légal, comme je l'ai déjà dit, soit, comme le fait la constitution
de Thèbes, en exigeant qu'on ait cessé, depuis un certain laps de temps, toute
occupation illibérale; soit comme à Marseille, où l'on désigne ceux qui, par leur
mérite, peuvent obtenir des emplois, qu'ils fassent déjà partie du gouvernement
ou qu'ils soient en dehors.
§ 6. Quant aux principales magistratures, réservées nécessairement à ceux qui
jouissent des droits politiques, il faudra leur prescrire les dépenses publiques
qu'elles devront acquitter. Le peuple alors ne se plaindra plus de ne point arriver
aux emplois, et sa jalousie pardonnera sans peine à ceux qui doivent acheter si
cher l'honneur de les remplir. Pour leur installation, les magistrats devront faire
des sacrifices magnifiques, et construire quelques monuments publics ; le peuple,
alors, prenant part aux banquets et aux fêtes, et voyant la ville splendidement
décorée de temples et d'édifices, souhaitera le maintien de la constitution ; et ce
sera pour les riches autant de superbes témoignages des dépenses qu'ils auront
faites. Aujourd'hui, les chefs des oligarchies, loin d'agir ainsi, font précisément
tout le contraire : ils cherchent le profit aussi ardemment que l'honneur; et l'on
peut dire avec vérité que ces oligarchies ne sont que des démocraties réduites à
quelques gouvernants.
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