Texte grec :
[5,1316a] CHAPITRE X.
§ 1. Ἐν δὲ τῇ Πολιτείᾳ λέγεται μὲν περὶ τῶν μεταβολῶν ὑπὸ τοῦ
Σωκράτους, οὐ μέντοι λέγεται καλῶς. Τῆς τε γὰρ ἀρίστης πολιτείας καὶ
πρώτης οὔσης οὐ λέγει τὴν μεταβολὴν ἰδίως. Φησὶ γὰρ αἴτιον εἶναι τὸ μὴ
μένειν μηθὲν ἀλλ' ἔν τινι περιόδῳ μεταβάλλειν, ἀρχὴν δ' εἶναι τούτων ὧν
ἐπίτριτος πυθμὴν πεμπάδι συζυγεὶς δύο ἁρμονίας παρέχεται, λέγων ὅταν ὁ τοῦ
διαγράμματος ἀριθμὸς τούτου γένηται στερεός, ὡς τῆς φύσεώς ποτε φυούσης
φαύλους καὶ κρείττους τῆς παιδείας, τοῦτο μὲν οὖν αὐτὸ λέγων ἴσως οὐ κακῶς
(ἐνδέχεται γὰρ εἶναί τινας οὓς παιδευθῆναι καὶ γενέσθαι σπουδαίους ἄνδρας
ἀδύνατον), ἀλλ' αὕτη τί ἂν ἴδιος εἴη μεταβολὴ τῆς ὑπ' ἐκείνου λεγομένης
ἀρίστης πολιτείας μᾶλλον ἢ τῶν ἄλλων πασῶν καὶ τῶν γιγνομένων πάντων;
§ 2. Καὶ διά γε τοῦ χρόνου, δι' ὃν λέγει πάντα μεταβάλλειν, καὶ τὰ μὴ ἅμα
ἀρξάμενα γίγνεσθαι ἅμα μεταβάλλει, οἷον εἰ τῇ προτέρᾳ ἡμέρᾳ ἐγένετο τῆς
τροπῆς, ἅμα ἄρα μεταβάλλει; Πρὸς δὲ τούτοις διὰ τίν' αἰτίαν ἐκ ταύτης εἰς
τὴν Λακωνικὴν μεταβάλλει; Πλεονάκις γὰρ εἰς τὴν ἐναντίαν μεταβάλλουσι
πᾶσαι αἱ πολιτεῖαι ἢ τὴν σύνεγγυς. Ὁ δ' αὐτὸς λόγος καὶ περὶ τῶν ἄλλων
μεταβολῶν. Ἐκ γὰρ τῆς Λακωνικῆς, φησί, μεταβάλλει εἰς τὴν ὀλιγαρχίαν, ἐκ
δὲ ταύτης εἰς δημοκρατίαν, εἰς τυραννίδα δὲ ἐκ δημοκρατίας. Καίτοι καὶ
ἀνάπαλιν μεταβάλλουσιν, οἷον ἐκ δήμου εἰς ὀλιγαρχίαν, καὶ μᾶλλον ἢ εἰς
μοναρχίαν.
§ 3. Ἔτι δὲ τυραννίδος οὐ λέγει οὔτ' εἰ ἔσται μεταβολὴ οὔτ' εἰ μὴ ἔσται,
διὰ τίν' αἰτίαν καὶ εἰς ποίαν πολιτείαν, τούτου δ' αἴτιον ὅτι οὐ ῥᾳδίως ἂν
εἶχε λέγειν· ἀόριστον γάρ, ἐπεὶ κατ' ἐκεῖνον δεῖ εἰς τὴν πρώτην καὶ τὴν
ἀρίστην· οὕτω γὰρ ἂν ἐγίγνετο συνεχὲς καὶ κύκλος. Ἀλλὰ μεταβάλλει καὶ εἰς
τυραννίδα τυραννίς, ὥσπερ ἡ Σικυῶνος ἐκ τῆς Μύρωνος εἰς τὴν Κλεισθένους,
καὶ εἰς ὀλιγαρχίαν, ὥσπερ ἡ ἐν Χαλκίδι ἡ Ἀντιλέοντος, καὶ εἰς δημοκρατίαν,
ὥσπερ ἡ τῶν Γέλωνος ἐν Συρακούσαις, καὶ εἰς ἀριστοκρατίαν, ὥσπερ ἡ
Χαρίλλου ἐν Λακεδαίμονι, καὶ ἐν Καρχηδόνι.
§ 4. Καὶ εἰς τυραννίδα μεταβάλλει ἐξ ὀλιγαρχίας, ὥσπερ ἐν Σικελίᾳ σχεδὸν
αἱ πλεῖσται τῶν ἀρχαίων, ἐν Λεοντίνοις εἰς τὴν Παναιτίου τυραννίδα καὶ ἐν
Γέλᾳ εἰς τὴν Κλεάνδρου καὶ ἐν Ῥηγίῳ εἰς τὴν Ἀναξιλάου καὶ ἐν ἄλλαις
πολλαῖς πόλεσιν ὡσαύτως. Ἄτοπον δὲ καὶ τὸ οἴεσθαι εἰς ὀλιγαρχίαν διὰ τοῦτο
μεταβάλλειν ὅτι φιλοχρήματοι καὶ χρηματισταὶ οἱ ἐν ταῖς ἀρχαῖς,
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Traduction française :
[5,1316a] CHAPITRE X.
§ 1. Dans la République, Socrate parle aussi des révolutions; mais il n'a
pas fort bien traité ce sujet. Il n'assigne même aucune cause spéciale de
révolutions à la parfaite république, au premier gouvernement. A son avis,
les révolutions viennent de ce que rien ici-bas ne peut subsister
éternellement, et que tout doit changer dans un certain laps de temps; et
il ajoute que « ces perturbations dont la racine augmentée d'un tiers plus
cinq donne deux harmonies, ne commencent que lorsque le nombre a été
géométriquement élevé au cube, attendu que la nature crée alors des êtres
vicieux et radicalement incorrigibles ». Cette dernière partie de son
raisonnement n'est peut-être pas fausse; car il est des hommes
naturellement incapables de recevoir de l'éducation et de devenir
vertueux. Mais pourquoi cette révolution dont parle Socrate
s'appliquerait-elle à cette république qu'il nous donne comme parfaite,
plus spécialement qu'à tout autre État, ou à tout autre objet de ce monde?
§ 2. Puis, dans cet instant qu'il assigne à la révolution universelle,
même les choses qui n'ont point commencé d'être ensemble changeront
cependant à la fois ! et un être né le premier jour de la catastrophe y
sera compris comme les autres ! On peut demander encore pourquoi la
parfaite république de Socrate passe en se changeant au système
Lacédémonien. Un système politique quel qu'il soit se change dans le
système qui lui est diamétralement opposé plus ordinairement que dans le
système qui en est proche. On en peut dire autant de toutes les
révolutions qu'admet Socrate, quand il assure que le système Lacédémonien
se change en oligarchie, l'oligarchie en démagogie, et celle-là enfin en
tyrannie. Mais c'est précisément tout le contraire. L'oligarchie, par
exemple, succède à la démagogie bien plus souvent que la monarchie.
§ 3. De plus, Socrate ne dit pas si la tyrannie a ou n'a pas de
révolutions; il ne dit rien des causes qui les amènent, ni du gouvernement
qui se substitue à celui-là. On conçoit aisément son silence, qu'il avait
grand'peine à ne pas garder ; tout ici doit rester complétement obscur,
parce que, dans les idées de Socrate, il faut que de la tyrannie on
revienne à cette première république parfaite qu'il a conçue, seul moyen
d'obtenir ce cercle sans fin dont il parle. Mais la tyrannie succède aussi
à la tyrannie : témoin celle de Clisthène succédant à celle de Myron, à
Sicyone. La tyrannie peut encore se changer en oligarchie, comme celle
d'Antiléon à Chalcis; ou en démagogie, comme celle de Gélon à Syracuse; ou
en aristocratie, comme celle de Charilaüs à Lacédémone, et comme on le vit
à Carthage.
§ 4. L'oligarchie, de son côté, se change en tyrannie, et c'est ce qui
arriva jadis à la plupart des oligarchies siciliennes. Qu'on se souvienne
qu'à l'oligarchie succéda la tyrannie de Panaetius à Léontium; à Gèle,
celle de Cléandre; à Rhéges, celle d'Anaxilas ; et qu'on se rappelle tant
d'autres exemples qu'on pourrait citer également. C'est encore une erreur
de faire naître l'oligarchie de l'avidité et des occupations mercantiles
des chefs de l'Etat.
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