Texte grec :
[5,1310a] ὥστε φθείροντες τοῖς καθ' ὑπεροχὴν νόμοις φθείρουσι τὰς πολιτείας.
§ 19. Ἁμαρτάνουσι δὲ καὶ ἐν ταῖς δημοκρατίαις καὶ ἐν ταῖς ὀλιγαρχίαις, ἐν
μὲν ταῖς δημοκρατίαις οἱ δημαγωγοί, ὅπου τὸ πλῆθος κύριον τῶν νόμων· δύο
γὰρ ποιοῦσιν ἀεὶ τὴν πόλιν, μαχόμενοι τοῖς εὐπόροις, δεῖ δὲ τοὐναντίον
αἰεὶ δοκεῖν λέγειν ὑπὲρ εὐπόρων, ἐν δὲ ταῖς ὀλιγαρχίαις ὑπὲρ τοῦ δήμου
τοὺς ὀλιγαρχικούς, καὶ τοὺς ὅρκους ἐναντίους ἢ νῦν ὀμνύναι τοὺς
ὀλιγαρχικούς· νῦν μὲν γὰρ ἐν ἐνίαις ὀμνύουσι καὶ τῷ δήμῳ κακόνους ἔσομαι
καὶ βουλεύσω ὅ τι ἂν ἔχω κακόν, χρὴ δὲ καὶ ὑπολαμβάνειν καὶ ὑποκρίνεσθαι
τοὐναντίον, ἐπισημαινομένους ἐν τοῖς ὅρκοις ὅτι οὐκ ἀδικήσω τὸν δῆμον.
§ 20. Μέγιστον δὲ πάντων τῶν εἰρημένων πρὸς τὸ διαμένειν τὰς πολιτείας, οὗ
νῦν ὀλιγωροῦσι πάντες, τὸ παιδεύεσθαι πρὸς τὰς πολιτείας. Ὄφελος γὰρ οὐθὲν
τῶν ὠφελιμωτάτων νόμων καὶ συνδεδοξασμένων ὑπὸ πάντων τῶν πολιτευομένων,
εἰ μὴ ἔσονται εἰθισμένοι καὶ πεπαιδευμένοι ἐν τῇ πολιτείᾳ, εἰ μὲν οἱ νόμοι
δημοτικοί, δημοτικῶς, εἰ δ' ὀλιγαρχικοί, ὀλιγαρχικῶς. Εἴπερ γὰρ ἔστιν ἐφ'
ἑνὸς ἀκρασία, ἔστι καὶ ἐπὶ πόλεως.
§ 21. Ἔστι δὲ τὸ πεπαιδεῦσθαι πρὸς τὴν πολιτείαν οὐ τοῦτο, τὸ ποιεῖν οἷς
χαίρουσιν οἱ ὀλιγαρχοῦντες ἢ οἱ δημοκρατίαν βουλόμενοι, ἀλλ' οἷς
δυνήσονται οἱ μὲν ὀλιγαρχεῖν οἱ δὲ δημοκρατεῖσθαι. Νῦν δ' ἐν μὲν ταῖς
ὀλιγαρχίαις οἱ τῶν ἀρχόντων υἱοὶ τρυφῶσιν, οἱ δὲ τῶν ἀπόρων γίγνονται
γεγυμνασμένοι καὶ πεπονηκότες, ὥστε καὶ βούλονται μᾶλλον καὶ δύνανται
νεωτερίζειν·
§ 22. ἐν δὲ ταῖς δημοκρατίαις ταῖς μάλιστα εἶναι δοκούσαις δημοκρατικαῖς
τοὐναντίον τοῦ συμφέροντος καθέστηκεν, αἴτιον δὲ τούτου ὅτι κακῶς
ὁρίζονται τὸ ἐλεύθερον. Δύο γάρ ἐστιν οἷς ἡ δημοκρατία δοκεῖ ὡρίσθαι, τῷ
τὸ πλεῖον εἶναι κύριον καὶ τῇ ἐλευθερίᾳ· τὸ μὲν γὰρ δίκαιον ἴσον δοκεῖ
εἶναι, ἴσον δ' ὅ τι ἂν δόξῃ τῷ πλήθει, τοῦτ' εἶναι κύριον, ἐλεύθερον δὲ
καὶ ἴσον τὸ ὅ τι ἂν βούληταί τις ποιεῖν· ὥστε ζῇ ἐν ταῖς τοιαύταις
δημοκρατίαις ἕκαστος ὡς βούλεται, καὶ εἰς ὃ χρῄζων, ὡς φησὶν Εὐριπίδης·
τοῦτο δ' ἐστὶ φαῦλον· οὐ γὰρ δεῖ οἴεσθαι δουλείαν εἶναι τὸ ζῆν πρὸς τὴν
πολιτείαν, ἀλλὰ σωτηρίαν.
§ 23. Ἐξ ὧν μὲν οὖν αἱ πολιτεῖαι μεταβάλλουσι καὶ φθείρονται, καὶ διὰ
τίνων σῴζονται καὶ διαμένουσιν, ὡς ἁπλῶς εἰπεῖν τοσαῦτά ἐστιν.
CHAPITRE VIII.
§ 1. Λείπεται δ' ἐπελθεῖν καὶ περὶ μοναρχίας, ἐξ ὧν τε φθείρεται καὶ δι'
ὧν σῴζεσθαι πέφυκεν.
|
|
Traduction française :
[5,1310a] et en voulant détruire des lois faites en vue de certaines supériorités
politiques, on détruit avec elles la constitution même.
§ 19. Les démocraties et les oligarchies commettent ici une faute
également grave. Dans les démocraties où la foule peut faire
souverainement les lois, les démagogues, par leurs attaques continuelles
contre les riches, divisent toujours la cité en deux camps, tandis qu'ils
devraient dans leurs harangues ne paraître préoccupés que de l'intérêt des
riches; de même que, dans les oligarchies, le gouvernement ne devrait
sembler avoir en vue que l'intérêt du peuple. Les oligarques devraient
surtout renoncer à prêter des serments comme ceux qu'ils prêtent
aujourd'hui; car voici les serments que de nos jours ils font dans
quelques États : « JE SERAI L'ENNEMI CONSTANT DU PEUPLE;
JE LUI FERAI TOUT LE MAL QUE JE POURRAI LUI FAIRE. »
Il faudrait concevoir la chose d'une façon tout opposée, et en prenant un
masque tout différent, dire hautement dans les serments de ce genre : « JE
NE NUIRAI JAMAIS AU PEUPLE. »
§ 20. Le point le plus important de tous ceux dont nous avons parlé pour
la stabilité des États, bien que de nos jours il soit partout négligé,
c'est de conformer l'éducation au principe même de la constitution. Les
lois les plus utiles, les lois sanctionnées par l'approbation unanime de
tous les citoyens, deviennent complètement illusoires, si les moeurs et
l'éducation ne répondent pas aux principes politiques : démocratiques dans
la démocratie, oligarchiques dans l'oligarchie ; car il faut bien le
savoir, si un seul citoyen est sans discipline, l'État lui-même participe
de ce désordre.
§ 21. Une éducation conforme à la constitution, n'est pas celle qui
apprend à faire tout ce qui plaît soit aux membres de l'oligarchie, soit
aux partisans de la démocratie; c'est celle qui enseigne à pouvoir vivre
sous un gouvernement oligarchique, ou sous un gouvernement démocratique.
Dans les oligarchies actuelles, les fils des hommes au pouvoir vivent dans
la mollesse, tandis que les enfants des pauvres, s'endurcissant au travail
et à la fatigue, acquièrent le désir et la force de faire une révolution.
§ 22. Dans les démocraties, surtout dans celles qui paraissent constituées
le plus démocratiquement, l'intérêt de l'État est tout aussi mal compris,
parce qu'on s'y fait une idée très fausse de la liberté. Selon l'opinion
commune, les deux caractères distinctifs de la démocratie sont la
souveraineté du plus grand nombre et la liberté. L'égalité est le droit
commun ; et cette égalité, c'est précisément que la volonté de la majorité
soit souveraine. Dès lors, liberté et égalité se confondent dans la
faculté laissée à chacun de faire tout ce qu'il veut : « Tout à sa guise »,
comme dit Euripide. C'est là un bien dangereux système; car il ne faut
pas que l'obéissance constante à la constitution puisse paraître aux
citoyens un esclavage ; au contraire, ils doivent y trouver sauvegarde et
bonheur.
§ 23. Nous avons donc énuméré d'une manière à peu près complète
les causes de révolution et de ruine, de salut et de stabilité, pour les
gouvernements républicains.
CHAPITRE VIII.
§ 1. Il nous reste à voir quelles sont les causes les plus ordinaires de
renversement et de conservation pour la monarchie.
|
|