Texte grec :
[4,10] CHAPITRE X.
ἐπεὶ δὲ περὶ τόπου διώρισται, καὶ τὸ κενὸν ἀνάγκη τόπον εἶναι, εἰ ἔστιν,
ἐστερημένον σώματος, τόπος δὲ καὶ πῶς ἔστι καὶ πῶς οὐκ ἔστιν εἴρηται,
φανερὸν ὅτι οὕτω μὲν κενὸν οὐκ ἔστιν, οὔτε κεχωρισμένον οὔτε ἀχώριστον. τὸ
γὰρ κενὸν οὐ σῶμα ἀλλὰ σώματος διάστημα βούλεται εἶναι· διὸ καὶ τὸ κενὸν
δοκεῖ τι εἶναι, ὅτι καὶ ὁ τόπος, καὶ διὰ ταὐτά. ἥκει γὰρ δὴ ἡ κίνησις ἡ
κατὰ τόπον καὶ τοῖς τὸν τόπον φάσκουσιν εἶναί τι παρὰ τὰ σώματα τὰ
ἐμπίπτοντα καὶ τοῖς τὸ κενόν. αἴτιον δὲ κινήσεως οἴονται εἶναι τὸ κενὸν
οὕτως ὡς ἐν ᾧ κινεῖται· τοῦτο δ' ἂν εἴη οἷον τὸν τόπον φασί τινες εἶναι.
οὐδεμία δ' ἀνάγκη, εἰ κίνησις ἔστιν, εἶναι κενόν. ὅλως μὲν οὖν πάσης
κινήσεως οὐδαμῶς, δι' ὃ καὶ Μέλισσον ἔλαθεν· ἀλλοιοῦσθαι γὰρ τὸ πλῆρες
ἐνδέχεται. ἀλλὰ δὴ οὐδὲ τὴν κατὰ τόπον κίνησιν· ἅμα γὰρ ἐνδέχεται
ὑπεξιέναι ἀλλήλοις, οὐδενὸς ὄντος διαστήματος χωριστοῦ παρὰ τὰ σώματα τὰ
κινούμενα. καὶ τοῦτο δῆλον καὶ ἐν ταῖς τῶν συνεχῶν δίναις, ὥσπερ καὶ ἐν
ταῖς τῶν ὑγρῶν. ἐνδέχεται δὲ καὶ πυκνοῦσθαι μὴ εἰς τὸ κενὸν ἀλλὰ διὰ τὸ τὰ
ἐνόντα ἐκπυρηνίζειν (οἷον ὕδατος συνθλιβομένου τὸν ἐνόντα ἀέρα), καὶ
αὐξάνεσθαι οὐ μόνον εἰσιόντος τινὸς ἀλλὰ καὶ ἀλλοιώσει, οἷον εἰ ἐξ ὕδατος
γίγνοιτο ἀήρ. ὅλως δὲ ὅ τε περὶ τῆς αὐξήσεως λόγος καὶ τοῦ εἰς τὴν τέφραν
ἐγχεομένου ὕδατος αὐτὸς αὑτὸν ἐμποδίζει. ἢ γὰρ οὐκ αὐξάνεται ὁτιοῦν, ἢ οὐ
σώματι, ἢ ἐνδέχεται δύο σώματα ἐν ταὐτῷ εἶναι (ἀπορίαν οὖν κοινὴν ἀξιοῦσι
λύειν, ἀλλ' οὐ κενὸν δεικνύουσιν ὡς ἔστιν), ἢ πᾶν εἶναι ἀναγκαῖον τὸ σῶμα
κενόν, εἰ πάντῃ αὐξάνεται καὶ αὐξάνεται διὰ κενοῦ. ὁ δ' αὐτὸς λόγος καὶ
ἐπὶ τῆς τέφρας. ὅτι μὲν οὖν ἐξ ὧν δεικνύουσιν εἶναι τὸ κενὸν λύειν ῥᾴδιον,
φανερόν.
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Traduction française :
[4,10] CHAPITRE X.
§ 1. Après avoir étudié l'espace et démontré que le vide ne
peut être que l'espace, s'il est ce qui est privé de corps; et
après avoir expliqué également comment l'espace est et
n'est pas, il doit être évident que dans ce sens le vide
n'existe pas non plus davantage, ni inséparable ni
séparable des corps; puisque le vide n'est pas un corps, et
qu'il est bien plutôt l'intervalle du corps. Aussi le vide ne
semble-t-il être quelque chose de réel, que parce que
l'espace l'est aussi, et par les mêmes motifs; car le
mouvement dans l'espace est admis également, et par ceux
qui soutiennent que l'espace est quelque chose de distinct
des corps qui s'y meuvent, et par ceux qui soutiennent que
le vide existe. On pense que le vide est la cause du
mouvement, en tant qu'il est l'endroit où le mouvement se
passe; et c'est là précisément le rôle que d'autres
philosophes prêtent à l'espace.
§ 2. Mais il n'est pas du tout nécessaire, parce que le
mouvement existe, qu'il y ait aussi du vide; et le vide ne
peut pas du tout être pris pour la cause de toute espèce de
mouvement quel qu'il soit, observation qui a échappé à
Mélissus; car le plein lui-même peut parfaitement changer
par une simple altération.
§ 3. Mais il n'est pas même besoin de vide pour le
mouvement dans l'espace; car il se peut fort bien aussi que
les corps se remplacent réciproquement les uns les autres,
sans qu'il y ait un intervalle séparable et distinct des corps
qui se meuvent. C'est ce qu'on peut très aisément voir dans
les relations des corps solides et continus, aussi bien que
dans celles des corps liquides.
§ 4. Les corps peuvent même aussi se condenser sans que
ce soit dans le vide, mais par cela seul que certaines
parties qu'ils contiennent en sont expulsées, comme l'air
s'échappe de l'eau quand on la presse.
§ 5. De plus, les corps peuvent s'accroître non pas
seulement par l'introduction de quelque chose d'étranger,
mais aussi par une simple modification, comme par
exemple, l'eau devenant air.
§ 6. Mais absolument parlant, cette explication du vide,
tirée de l'accroissement des corps et de l'eau versée dans la
cendre, est contradictoire. En effet, l'on arrive à dire ou que
toute partie du corps ne s'accroît pas ou que rien ne
s'accroît matériellement; ou que deux corps peuvent être
dans le même lieu ; et alors on peut bien croire qu'on a
résolu une objection vulgaire et commune, mais on n'a
point pour cela démontré l'existence du vide; ou bien enfin,
on arrive à dire que le corps est tout entier nécessairement
vide, si l'on admet qu'il s'accroît de toutes parts, et qu'il
s'accroît grâce au vide. Le même raisonnement
s'appliquerait au phénomène de la cendre.
§ 7. On voit donc qu'il est assez facile de réfuter les explications
qu'on a données pour démontrer l'existence du vide.
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