Texte grec :
[10,1181] (1181a) (1) πράττει δ' αὐτῶν οὐδείς,
ἀλλ' οἱ πολιτευόμενοι, οἳ δόξαιεν ἂν δυνάμει τινὶ τοῦτο πράττειν
καὶ ἐμπειρίᾳ μᾶλλον ἢ διανοίᾳ· οὔτε γὰρ γράφοντες οὔτε λέγοντες περὶ τῶν
τοιούτων φαίνονται (καίτοι κάλλιον ἦν ἴσως ἢ λόγους δικανικούς τε (5) καὶ
δημηγορικούς), οὐδ' αὖ πολιτικοὺς πεποιηκότες τοὺς σφετέρους υἱεῖς ἤ τινας
ἄλλους τῶν φίλων. Εὔλογον δ' ἦν, εἴπερ ἐδύναντο· οὔτε γὰρ ταῖς πόλεσιν
ἄμεινον οὐδὲν κατέλιπον ἄν, οὔθ' αὑτοῖς ὑπάρξαι προέλοιντ' ἂν μᾶλλον τῆς
τοιαύτης δυνάμεως, οὐδὲ δὴ τοῖς φιλτάτοις. Οὐ μὴν μικρόν γε ἔοικεν (10) ἡ
ἐμπειρία συμβάλλεσθαι· οὐδὲ γὰρ ἐγίνοντ' ἂν διὰ τῆς πολιτικῆς συνηθείας
πολιτικοί· διὸ τοῖς ἐφιεμένοις περὶ πολιτικῆς εἰδέναι προσδεῖν ἔοικεν
ἐμπειρίας. Τῶν δὲ σοφιστῶν οἱ ἐπαγγελλόμενοι λίαν φαίνονται πόρρω εἶναι
τοῦ διδάξαι. Ὅλως γὰρ οὐδὲ ποῖόν τι ἐστὶν ἢ περὶ ποῖα ἴσασιν· οὐ γὰρ ἂν
(15) τὴν αὐτὴν τῇ ῥητορικῇ οὐδὲ χείρω ἐτίθεσαν, οὐδ' ἂν ᾤοντο ῥᾴδιον εἶναι
τὸ νομοθετῆσαι συναγαγόντι τοὺς εὐδοκιμοῦντας τῶν νόμων· ἐκλέξασθαι γὰρ
εἶναι τοὺς ἀρίστους, ὥσπερ οὐδὲ τὴν ἐκλογὴν οὖσαν συνέσεως καὶ τὸ κρῖναι
ὀρθῶς μέγιστον, ὥσπερ ἐν τοῖς κατὰ μουσικήν. Οἱ γὰρ ἔμπειροι περὶ ἕκαστα
(20) κρίνουσιν ὀρθῶς τὰ ἔργα, καὶ δι' ὧν ἢ πῶς ἐπιτελεῖται συνιᾶσιν, καὶ
ποῖα ποίοις συνᾴδει· τοῖς δ' ἀπείροις ἀγαπητὸν τὸ μὴ διαλανθάνειν εἰ εὖ ἢ
κακῶς πεποίηται τὸ ἔργον, ὥσπερ ἐπὶ γραφικῆς. Οἱ δὲ νόμοι τῆς πολιτικῆς
ἔργοις ἐοίκασιν· (1181b) (1) πῶς οὖν ἐκ τούτων νομοθετικὸς γένοιτ' ἄν τις,
ἢ τοὺς ἀρίστους κρίναι; οὐ γὰρ φαίνονται οὐδ' ἰατρικοὶ ἐκ τῶν συγγραμμάτων
γίνεσθαι. Καίτοι πειρῶνταί γε λέγειν οὐ μόνον τὰ θεραπεύματα, ἀλλὰ καὶ ὡς
ἰαθεῖεν ἂν καὶ ὡς δεῖ θεραπεύειν (5) ἑκάστους, διελόμενοι τὰς ἕξεις· ταῦτα
δὲ τοῖς μὲν ἐμπείροις ὠφέλιμα εἶναι δοκεῖ, τοῖς δ' ἀνεπιστήμοσιν ἀχρεῖα.
ἴσως οὖν καὶ τῶν νόμων καὶ τῶν πολιτειῶν αἱ συναγωγαὶ τοῖς μὲν δυναμένοις
θεωρῆσαι καὶ κρῖναι τί καλῶς ἢ τοὐναντίον καὶ ποῖα ποίοις ἁρμόττει
εὔχρηστ' ἂν εἴη· τοῖς δ' ἄνευ (10) ἕξεως τὰ τοιαῦτα διεξιοῦσι τὸ μὲν
κρίνειν καλῶς οὐκ ἂν ὑπάρχοι, εἰ μὴ ἄρα αὐτόματον, εὐσυνετώτεροι δ' εἰς
ταῦτα τάχ' ἂν γένοιντο. Παραλιπόντων οὖν τῶν προτέρων ἀνερεύνητον τὸ περὶ
τῆς νομοθεσίας, αὐτοὺς ἐπισκέψασθαι μᾶλλον βέλτιον ἴσως, καὶ ὅλως δὴ περὶ
πολιτείας, ὅπως εἰς δύναμιν (15) ἡ περὶ τὰ ἀνθρώπεια φιλοσοφία τελειωθῇ.
Πρῶτον μὲν οὖν εἴ τι κατὰ μέρος εἴρηται καλῶς ὑπὸ τῶν προγενεστέρων
πειραθῶμεν ἐπελθεῖν, εἶτα ἐκ τῶν συνηγμένων πολιτειῶν θεωρῆσαι τὰ ποῖα
σῴζει καὶ φθείρει τὰς πόλεις καὶ τὰ ποῖα ἑκάστας τῶν πολιτειῶν, καὶ διὰ
τίνας αἰτίας αἳ μὲν (20) καλῶς αἳ δὲ τοὐναντίον πολιτεύονται. Θεωρηθέντων
γὰρ τούτων τάχ' ἂν μᾶλλον συνίδοιμεν καὶ ποία πολιτεία ἀρίστη, καὶ πῶς
ἑκάστη ταχθεῖσα, καὶ τίσι νόμοις καὶ ἔθεσι χρωμένη. Λέγωμεν οὖν ἀρξάμενοι.
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Traduction française :
[10,1181] (1181a) mais il n'y en a pas un qui la pratique. Ce sont les chefs du
gouvernement ou de l'administration que l'on pourrait regarder comme
exerçant cette profession, au moyen d'une certaine faculté dont ils sont
doués, et par expérience, plutôt que par un système de réflexions suivies.
Car on ne les voit ni écrire ni discourir sur ce sujet, quoiqu'il y eût
peut-être plus d'honneur à le faire qu'à prononcer des harangues, soit
devant les tribunaux, soit devant le peuple.
On ne voit pas non plus qu'ils aient rendu leurs propres enfants, ou
d'autres personnes pour qui ils avaient de l'affection, des politiques
habiles. Il est pourtant probable qu'ils l'auraient fait, s'ils l'avaient
pu faire, puisqu'ils n'auraient pu laisser, après eux, rien qui fût plus
utile à leur patrie, et que, prisant la possession d'une pareille
puissance plus que tout au monde, il n'y a rien, par conséquent, qu'ils
eussent autant souhaité de transmettre aux personnes qui leur étaient les
plus chères. Au reste, l'expérience ne contribue pas peu à ce genre
de talent : sans cela, l'habitude de diriger les affaires publiques ne les
aurait pas rendus de plus profonds politiques; et voilà pourquoi
l'expérience semble être absolument nécessaire à ceux qui désirent
s'instruire dans la science du gouvernement.
Quant aux sophistes qui font profession de cette science, il s'en
faut de beaucoup qu'ils soient en état de l'enseigner; car ils ignorent
entièrement en quoi elle consiste, et à quels objets elle s'applique :
autrement, ils ne l'auraient pas confondue avec la rhétorique, ni regardée
comme moins importante. Ils ne s'imagineraient pas pouvoir facilement
devenir législateurs, en rassemblant toutes les lois dont la sagesse a
quelque célébrité, et en se bornant à choisir les meilleures; comme si ce
choix ne dépendait pas de la sagacité qu'on y porte, et comme si bien
juger (en ce genre) n'était pas, comme dans ce qui a rapport à la musique,
une chose de la plus haute importance. En effet, les habiles en chaque
genre savent porter un jugement sain des ouvrages, et connaissent comment
et par quels moyens on leur donne le degré de perfection dont ils sont
susceptibles; ils démêlent l'accord et la juste correspondance de toutes
les parties entre elles : au lieu que les ignorants se contentent de
pouvoir reconnaître si l'ouvrage est bien ou mal exécuté, comme dans la
peinture; mais les lois sont l'œuvre des hommes qui pratiquent la science du
gouvernement; (1181b) comment donc pourraient-elles rendre un homme habile dans la législation, ou capable de juger celles qui sont les meilleures?
Car enfin, on ne voit pas que la lecture des livres de médecine
suffise pour faire d'habiles praticiens dans cet art, et pourtant on
s'attache à y exposer non seulement les traitements des maladies, mais
aussi les moyens de guérir, la manière dont il faut les employer, et même
on entre dans le détail des constitutions et des tempéraments des
individus. Mais tous ces détails, qui sont fort utiles aux médecins
expérimentés, ne peuvent servir à rien pour ceux qui sont sans expérience.
Il est donc possible que des recueils de lois et de constitutions
politiques soient d'une très grande utilité pour les personnes capables de
méditer, de juger de ce qui est bien et de ce qui ne l'est pas, ou de la
convenance des choses les unes à l'égard des autres. Mais jamais on ne
doit s'attendre, qu'en lisant de pareils recueils, ceux qui n'ont point
acquis cette habitude, jugent sainement des lois, à moins que ce ne soit
par hasard : seulement ils pourraient acquérir, par ce moyen, un peu plus
d'intelligence de ce genre de connaissances.
Au reste, comme ceux qui ont traité le sujet de la morale, ont entièrement
négligé celui de la législation, peut-être ferons-nous mieux d'y consacrer
nos recherches, et de les étendre sur la science du gouvernement en
général, afin de perfectionner, autant qu'il dépend de nous, la
philosophie de l'humanité. Et d'abord, commençons par exposer ce que
nos devanciers peuvent avoir dit de bon et d'utile sur quelques objets
particuliers : ensuite nous considérerons, d'après la comparaison des
diverses formes de gouvernement dont les constitutions ont été
recueillies, ce qui contribue à la ruine ou à la conservation des états en
général, et de chaque forme de gouvernement en particulier; et par quelles
causes il arrive que les uns sont bien administrés, et les autres, au
contraire. Car peut-être parviendrons-nous à reconnaitre, à l'aide de ces
considérations, quelle est la forme de gouvernement la plus parfaite, quel
ordre et quel système de lois et de mœurs est le plus convenable à chacune
de celles qui existent. Entrons donc en matière.
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