[10,1179] (1179a) (1) Οὐ μὴν οἰητέον γε πολλῶν καὶ μεγάλων
δεήσεσθαι τὸν εὐδαιμονήσοντα, εἰ μὴ ἐνδέχεται ἄνευ τῶν ἐκτὸς
ἀγαθῶν μακάριον εἶναι· οὐ γὰρ ἐν τῇ ὑπερβολῇ τὸ αὔταρκες οὐδ' ἡ πρᾶξις,
δυνατὸν δὲ καὶ μὴ ἄρχοντα γῆς καὶ θαλάττης πράττειν (5) τὰ καλά· καὶ γὰρ
ἀπὸ μετρίων δύναιτ' ἄν τις πράττειν κατὰ τὴν ἀρετήν (τοῦτο δ' ἔστιν ἰδεῖν
ἐναργῶς· οἱ γὰρ ἰδιῶται τῶν δυναστῶν οὐχ ἧττον δοκοῦσι τὰ ἐπιεικῆ
πράττειν, ἀλλὰ καὶ μᾶλλον)· ἱκανὸν δὲ τοσαῦθ' ὑπάρχειν· ἔσται γὰρ ὁ βίος
εὐδαίμων τοῦ κατὰ τὴν ἀρετὴν ἐνεργοῦντος. Καὶ Σόλων (10) δὲ τοὺς
εὐδαίμονας ἴσως ἀπεφαίνετο καλῶς, εἰπὼν μετρίως τοῖς ἐκτὸς κεχορηγημένους,
πεπραγότας δὲ τὰ κάλλισθ', ὡς ᾤετο, καὶ βεβιωκότας σωφρόνως· ἐνδέχεται γὰρ
μέτρια κεκτημένους πράττειν ἃ δεῖ. Ἔοικε δὲ καὶ Ἀναξαγόρας οὐ πλούσιον
οὐδὲ δυνάστην ὑπολαβεῖν τὸν εὐδαίμονα, εἰπὼν ὅτι (15) οὐκ ἂν θαυμάσειεν εἴ
τις ἄτοπος φανείη τοῖς πολλοῖς· οὗτοι γὰρ κρίνουσι τοῖς ἐκτός, τούτων
αἰσθανόμενοι μόνον. Συμφωνεῖν δὴ τοῖς λόγοις ἐοίκασιν αἱ τῶν σοφῶν δόξαι.
Πίστιν μὲν οὖν καὶ τὰ τοιαῦτα ἔχει τινά, τὸ δ' ἀληθὲς ἐν τοῖς πρακτικοῖς
ἐκ τῶν ἔργων καὶ τοῦ βίου κρίνεται· ἐν τούτοις (20) γὰρ τὸ κύριον. Σκοπεῖν
δὴ τὰ προειρημένα χρὴ ἐπὶ τὰ ἔργα καὶ τὸν βίον φέροντας, καὶ συνᾳδόντων
μὲν τοῖς ἔργοις ἀποδεκτέον, διαφωνούντων δὲ λόγους ὑποληπτέον. Ὁ δὲ κατὰ
νοῦν ἐνεργῶν καὶ τοῦτον θεραπεύων καὶ διακείμενος ἄριστα καὶ θεοφιλέστατος
ἔοικεν. Εἰ γάρ τις ἐπιμέλεια τῶν ἀνθρωπίνων (25) ὑπὸ θεῶν γίνεται, ὥσπερ
δοκεῖ, καὶ εἴη ἂν εὔλογον χαίρειν τε αὐτοὺς τῷ ἀρίστῳ καὶ συγγενεστάτῳ
(τοῦτο δ' ἂν εἴη ὁ νοῦς) καὶ τοὺς ἀγαπῶντας μάλιστα τοῦτο καὶ τιμῶντας
ἀντευποιεῖν ὡς τῶν φίλων αὐτοῖς ἐπιμελουμένους καὶ ὀρθῶς τε καὶ καλῶς
πράττοντας. Ὅτι δὲ πάντα ταῦτα (30) τῷ σοφῷ μάλισθ' ὑπάρχει, οὐκ ἄδηλον.
Θεοφιλέστατος ἄρα. Τὸν αὐτὸν δ' εἰκὸς καὶ εὐδαιμονέστατον· ὥστε κἂν οὕτως
εἴη ὁ σοφὸς μάλιστ' εὐδαίμων.
IX. Ἆρ' οὖν εἰ περί τε τούτων καὶ τῶν ἀρετῶν, ἔτι δὲ καὶ φιλίας καὶ
ἡδονῆς, ἱκανῶς εἴρηται τοῖς τύποις, τέλος ἔχειν (35) οἰητέον τὴν
προαίρεσιν; ἢ καθάπερ λέγεται, (1179b) (1) οὐκ ἔστιν ἐν τοῖς πρακτοῖς
τέλος τὸ θεωρῆσαι ἕκαστα καὶ γνῶναι, ἀλλὰ μᾶλλον τὸ πράττειν αὐτά· οὐδὲ δὴ
περὶ ἀρετῆς ἱκανὸν τὸ εἰδέναι, ἀλλ' ἔχειν καὶ χρῆσθαι πειρατέον, ἢ εἴ πως
ἄλλως ἀγαθοὶ γινόμεθα; εἰ μὲν οὖν ἦσαν οἱ λόγοι αὐτάρκεις πρὸς (5) τὸ
ποιῆσαι ἐπιεικεῖς, πολλοὺς ἂν μισθοὺς καὶ μεγάλους δικαίως ἔφερον κατὰ τὸν
Θέογνιν, καὶ ἔδει ἂν τούτους πορίσασθαι· νῦν δὲ φαίνονται προτρέψασθαι μὲν
καὶ παρορμῆσαι τῶν νέων τοὺς ἐλευθερίους ἰσχύειν, ἦθός τ' εὐγενὲς καὶ ὡς
ἀληθῶς φιλόκαλον ποιῆσαι ἂν κατοκώχιμον ἐκ τῆς ἀρετῆς, (10) τοὺς δὲ
πολλοὺς ἀδυνατεῖν πρὸς καλοκαγαθίαν προτρέψασθαι· οὐ γὰρ πεφύκασιν αἰδοῖ
πειθαρχεῖν ἀλλὰ φόβῳ, οὐδ' ἀπέχεσθαι τῶν φαύλων διὰ τὸ αἰσχρὸν ἀλλὰ διὰ
τὰς τιμωρίας· πάθει γὰρ ζῶντες τὰς οἰκείας ἡδονὰς διώκουσι καὶ δι' ὧν
αὗται ἔσονται, φεύγουσι δὲ τὰς ἀντικειμένας λύπας, (15) τοῦ δὲ καλοῦ καὶ
ὡς ἀληθῶς ἡδέος οὐδ' ἔννοιαν ἔχουσιν, ἄγευστοι ὄντες. Τοὺς δὴ τοιούτους
τίς ἂν λόγος μεταρρυθμίσαι; οὐ γὰρ οἷόν τε ἢ οὐ ῥᾴδιον τὰ ἐκ παλαιοῦ τοῖς
ἤθεσι κατειλημμένα λόγῳ μεταστῆσαι· ἀγαπητὸν δ' ἴσως ἐστὶν εἰ πάντων
ὑπαρχόντων δι' ὧν ἐπιεικεῖς δοκοῦμεν γίνεσθαι, μεταλάβοιμεν (20) τῆς
ἀρετῆς. Γίνεσθαι δ' ἀγαθοὺς οἴονται οἳ μὲν φύσει οἳ δ' ἔθει οἳ δὲ διδαχῇ.
Τὸ μὲν οὖν τῆς φύσεως δῆλον ὡς οὐκ ἐφ' ἡμῖν ὑπάρχει, ἀλλὰ διά τινας θείας
αἰτίας τοῖς ὡς ἀληθῶς εὐτυχέσιν ὑπάρχει· ὁ δὲ λόγος καὶ ἡ διδαχὴ μή ποτ'
οὐκ ἐν ἅπασιν ἰσχύει, ἀλλὰ δεῖ προδιειργάσθαι τοῖς (25) ἔθεσι τὴν τοῦ
ἀκροατοῦ ψυχὴν πρὸς τὸ καλῶς χαίρειν καὶ μισεῖν, ὥσπερ γῆν τὴν θρέψουσαν
τὸ σπέρμα. Οὐ γὰρ ἂν ἀκούσειε λόγου ἀποτρέποντος οὐδ' αὖ συνείη ὁ κατὰ
πάθος ζῶν· τὸν δ' οὕτως ἔχοντα πῶς οἷόν τε μεταπεῖσαι; ὅλως τ' οὐ δοκεῖ
λόγῳ ὑπείκειν τὸ πάθος ἀλλὰ βίᾳ. Δεῖ δὴ τὸ ἦθος (30) προυπάρχειν πως
οἰκεῖον τῆς ἀρετῆς, στέργον τὸ καλὸν καὶ δυσχεραῖνον τὸ αἰσχρόν. Ἐκ νέου
δ' ἀγωγῆς ὀρθῆς τυχεῖν πρὸς ἀρετὴν χαλεπὸν μὴ ὑπὸ τοιούτοις τραφέντα
νόμοις· τὸ γὰρ σωφρόνως καὶ καρτερικῶς ζῆν οὐχ ἡδὺ τοῖς πολλοῖς, ἄλλως τε
καὶ νέοις. Διὸ νόμοις δεῖ τετάχθαι τὴν τροφὴν (35) καὶ τὰ ἐπιτηδεύματα·
οὐκ ἔσται γὰρ λυπηρὰ συνήθη γενόμενα.
| [10,1179] (1179a) Mais, d'un autre côté,
quoiqu'il n'y ait point de félicité possible sans les biens extérieurs, il ne faut
pas s'imaginer que, pour être heureux, l'on ait besoin de ces biens en
grande abondance, et des plus précieux. Car ce n'est pas dans l'excès que
se trouve la mesure suffisante, ni les moyens de se procurer les services
ou les produits dont on a besoin. On peut, au contraire, faire tout ce qui
est honnête et honorable, sans posséder l'empire de la terre et de la mer,
et même, avec une fortune médiocre, agir d'une manière conforme à la
vertu. C'est ce dont il est facile de se convaincre, en considérant que
les simples particuliers ne sont pas moins en état que les souverains de
faire des actions vertueuses; ils le sont même plus, et il leur suffit
d'en avoir les moyens; car quiconque fait de telles actions ne peut
manquer de vivre heureux.
Aussi Solon semble-t-il avoir parfaitement défini ce que c'est qu'un homme
heureux, quand il a dit que c'est celui qui, médiocrement pourvu des biens
de la fortune, a trouvé moyen de faire les plus belles actions, et a vécu
avec sagesse et modération. Car il est possible, dans une condition
médiocre, de faire tout ce qu'on doit : et Anaxagoras ne paraît pas avoir
regardé la richesse et la puissance comme des conditions nécessaires au
bonheur, lorsqu'il a dit qu'il ne serait pas surpris qu'un homme (qui
dédaignerait ces biens) ne passât pour insensé dans l'esprit du vulgaire,
qui n'en juge que par les circonstances extérieures, n'étant capable
d'être frappé que par elles. Au reste, les opinions des sages confirment
très bien ces raisonnements; et sans doute cela est fait pour leur
concilier l'assentiment des hommes : mais, quant aux règles de conduite,
c'est surtout par les faits et par la manière de vivre que l'on juge de
leur vérité, car c'est là ce qu'il y a d'essentiel. Mais il faut
considérer avec attention ce qui a été dit dans tout ce Traité, et y
rapporter les actions et toute la suite de la vie; les approuver quand
elles sont d'accord avec la doctrine, et, quand elles ne s'accordent pas,
n'y voir que des paroles et des raisons frivoles.
Quant à l'homme dont les actions sont dirigées par l'intelligence, et qui
cultive soigneusement sa raison, on peut le considérer comme ayant reçu de
la nature les dispositions les plus précieuses, et comme le plus digne de
la faveur des Dieux. Car, s'il est vrai qu'ils prennent quelque soin des
affaires humaines, comme il le semble, il y a lieu de croire qu'ils
prennent plaisir à voir ce qu'il y a au monde de plus excellent et de plus
analogue à leur nature (or, ce ne peut être que l'esprit ou
l'entendement), et qu'ils récompensent par leurs bienfaits ceux qui savent
en connaître le prix et s'y attacher avec le plus de zèle, comme des
hommes qui honorent et cultivent ce qu'ils aiment eux-mêmes. Or, il est
évident que c'est le sage surtout qui réunit toutes ces conditions ; il
est donc celui que les Dieux chérissent plus que tous les autres hommes,
et, par conséquent, il doit jouir de la plus grande félicité; de sorte
que, dans un tel état de choses, le sage surtout doit être heureux.
IX. Si nous en avons dit assez sur ce sujet, sur celui de la vertu, sur
l'amitié et sur la volupté, pour en donner une idée sommaire et générale,
devons-nous croire que nous ayons accompli notre dessein; ou n'a-t-on pas
raison de dire, (1179b) quand il est question des facultés actives, que le
but qu'on doit se proposer n'est pas de connaître et de considérer
simplement chaque espèce d'actions, mais bien plutôt de se mettre en état
de les pratiquer? Car il ne suffit pas de savoir ce que c'est que la
vertu, il faut la posséder et s'efforcer d'en faire usage. Ou bien, y
aurait-il quelque autre manière de devenir homme de bien ? Assurément, si
les discours suffisaient pour nous rendre vertueux, ils auraient droit à
de grandes et magnifiques récompenses, comme dit Théognis, et il ne
faudrait pas les leur refuser. Mais malheureusement ils n'ont de force que
pour encourager et exciter les jeunes gens, doués d'un esprit libéral,
d'un caractère généreux, et qui sont véritablement épris de l'amour
du beau, et pour les attacher invariablement à la vertu. Il semble que,
d'ailleurs, ils soient impuissants à la faire naître dans les âmes
vulgaires. Car celles-ci ne sont pas naturellement disposées à obéir à la
voix de l'honneur ; elles cèdent plutôt à la crainte; c'est le châtiment
plus que le sentiment de la honte, qui peut les forcer à s'abstenir de ce
qui est honteux et méprisable. C'est que la plupart des hommes vivant sous
l'empire des passions, poursuivent avec ardeur les plaisirs propres à
chacune d'elles, ou les moyens de se les procurer, et fuient les peines
qui y sont opposées ; mais, n'ayant jamais connu par expérience ce que
c'est que le beau, et le plaisir véritable , ils n'en ont pas même l'idée.
Quel raisonnement pourrait donc ramener à la règle des hommes de ce
caractère? Car il n'est pas possible, ou du moins il est fort difficile à
la raison de réformer des vices qui se sont dès longtemps comme fondus
dans les mœurs, et peut-être doit-on se contenter, quand on réunit tous
les moyens qui sont regardés comme propres à nous rendre vertueux, si l'on
parvient à posséder quelque vertu.
On croit qu'il y a des hommes qui sont naturellement vertueux, que
d'autres le deviennent par habitude, et d'autres par l'effet de
l'instruction: mais il est évident qu'il ne dépend pas de nous de l'être
par nature, et que c'est un privilège que des hommes véritablement
favorisés de la fortune tiennent de quelque cause divine. Quant à la
raison et à l'instruction, on peut craindre qu'elles n'aient pas la même
force ou la même influence sur tous les hommes, et peut-être faut-il que
l'âme de celui qui doit recevoir leurs préceptes, comme une terre destinée
à nourrir la semence qu'on lui confie, ait été formée d'avance, par
de bonnes habitudes, à concevoir des sentiments d'amour on d'aversion
conformes à la vertu.
En effet, celui qui est soumis à l'empire des passions ne peut guère
entendre ni comprendre les raisons destinées à l'en détourner; et, dans
cet état, comment le faire changer de sentiments? Car, en général, la
passion est plutôt disposée à céder à la force qu'à la raison. Il faut
donc d'abord que l'on ait des mœurs appropriées, en quelque sorte, à la
vertu, qu'on ait de l'amour pour ce qui est honnête, de l'aversion pour
ce qui est honteux et bas : mais on ne saurait même guère être
susceptible, dès la jeunesse, d'une bonne et sage éducation, et qui vous
rende propre à la vertu, si l'on n'a pas été, pour ainsi dire, nourri sous
de pareilles lois; car une vie sobre et austère n'a pas beaucoup
d'attraits, surtout pour les jeunes gens. Voilà pourquoi les lois doivent
prescrire la nourriture et les diverses occupations qui leur sont
convenables; car elles n'auront plus rien de pénible pour eux, quand ils
en auront contracté l'habitude.
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