Texte grec :
[7,1153] (1153a)
(1) οἷον αἱ τοῦ θεωρεῖν (ἐνέργειαι), τῆς φύσεως οὐκ ἐνδεοῦς οὔσης. Σημεῖον
δ' ὅτι οὐ τῷ αὐτῷ ἡδεῖ χαίρουσιν ἀναπληρουμένης τε τῆς φύσεως καὶ
καθεστηκυίας, ἀλλὰ καθεστηκυίας μὲν τοῖς ἁπλῶς ἡδέσιν, ἀναπληρουμένης δὲ
καὶ τοῖς ἐναντίοις· (5) καὶ γὰρ ὀξέσι καὶ πικροῖς χαίρουσιν, ὧν οὐδὲν οὔτε
φύσει ἡδὺ οὔθ' ἁπλῶς ἡδύ. Ὥστ' οὐδ' ἡδοναί· ὡς γὰρ τὰ ἡδέα πρὸς ἄλληλα
διέστηκεν, οὕτω καὶ αἱ ἡδοναὶ αἱ ἀπὸ τούτων. Ἔτι οὐκ ἀνάγκη ἕτερόν τι
εἶναι βέλτιον τῆς ἡδονῆς, ὥσπερ τινές φασι τὸ τέλος τῆς γενέσεως· οὐ γὰρ
γενέσεις εἰσὶν οὐδὲ μετὰ γενέσεως (10) πᾶσαι, ἀλλ' ἐνέργειαι καὶ τέλος·
οὐδὲ γινομένων συμβαίνουσιν ἀλλὰ χρωμένων· καὶ τέλος οὐ πασῶν ἕτερόν τι,
ἀλλὰ τῶν εἰς τὴν τελέωσιν ἀγομένων τῆς φύσεως. Διὸ καὶ οὐ καλῶς ἔχει τὸ
αἰσθητὴν γένεσιν φάναι εἶναι τὴν ἡδονήν, ἀλλὰ μᾶλλον λεκτέον ἐνέργειαν τῆς
κατὰ φύσιν ἕξεως, (15) ἀντὶ δὲ τοῦ αἰσθητὴν ἀνεμπόδιστον. Δοκεῖ δὲ γένεσίς
τισιν εἶναι, ὅτι κυρίως ἀγαθόν· τὴν γὰρ ἐνέργειαν γένεσιν οἴονται εἶναι,
ἔστι δ' ἕτερον. Τὸ δ' εἶναι φαύλας ὅτι νοσώδη ἔνια ἡδέα, τὸ αὐτὸ καὶ ὅτι
ὑγιεινὰ ἔνια φαῦλα πρὸς χρηματισμόν. Ταύτῃ οὖν φαῦλα ἄμφω, ἀλλ' οὐ φαῦλα
κατά γε τοῦτο, (20) ἐπεὶ καὶ τὸ θεωρεῖν ποτὲ βλάπτει πρὸς ὑγίειαν.
Ἐμποδίζει δὲ οὔτε φρονήσει οὔθ' ἕξει οὐδεμιᾷ ἡ ἀφ' ἑκάστης ἡδονή, ἀλλ' αἱ
ἀλλότριαι, ἐπεὶ αἱ ἀπὸ τοῦ θεωρεῖν καὶ μανθάνειν μᾶλλον ποιήσουσι θεωρεῖν
καὶ μανθάνειν. Τὸ δὲ τέχνης μὴ εἶναι ἔργον ἡδονὴν μηδεμίαν εὐλόγως
συμβέβηκεν· οὐδὲ γὰρ ἄλλης (25) ἐνεργείας οὐδεμιᾶς τέχνη ἐστίν, ἀλλὰ τῆς
δυνάμεως· καίτοι καὶ ἡ μυρεψικὴ τέχνη καὶ ἡ ὀψοποιητικὴ δοκεῖ ἡδονῆς
εἶναι. Τὸ δὲ τὸν σώφρονα φεύγειν καὶ τὸν φρόνιμον διώκειν τὸν ἄλυπον βίον,
καὶ τὸ τὰ παιδία καὶ τὰ θηρία διώκειν, τῷ αὐτῷ λύεται πάντα. Ἐπεὶ γὰρ
εἴρηται πῶς ἀγαθαὶ (30) ἁπλῶς καὶ πῶς οὐκ ἀγαθαὶ πᾶσαι αἱ ἡδοναί, τὰς
τοιαύτας καὶ τὰ θηρία καὶ τὰ παιδία διώκει, καὶ τὴν τούτων ἀλυπίαν ὁ
φρόνιμος, τὰς μετ' ἐπιθυμίας καὶ λύπης, καὶ τὰς σωματικάς (τοιαῦται γὰρ
αὗται) καὶ τὰς τούτων ὑπερβολάς, καθ' ἃς ὁ ἀκόλαστος ἀκόλαστος. Διὸ ὁ
σώφρων φεύγει ταύτας, (35) ἐπεὶ εἰσὶν ἡδοναὶ καὶ σώφρονος.
(1153b) XIII. (1) Ἀλλὰ μὴν ὅτι καὶ ἡ λύπη κακόν, ὁμολογεῖται, καὶ φευκτόν·
ἣ μὲν γὰρ ἁπλῶς κακόν, ἣ δὲ τῷ πῇ ἐμποδιστική. Τῷ δὲ φευκτῷ τὸ ἐναντίον ᾗ
φευκτόν τι καὶ κακόν, ἀγαθόν. Ἀνάγκη οὖν τὴν ἡδονὴν ἀγαθόν τι εἶναι. Ὡς
γὰρ (5) Σπεύσιππος ἔλυεν, οὐ συμβαίνει ἡ λύσις, ὥσπερ τὸ μεῖζον τῷ
ἐλάττονι καὶ τῷ ἴσῳ ἐναντίον· οὐ γὰρ ἂν φαίη ὅπερ κακόν τι εἶναι τὴν
ἡδονήν. Τἄριστόν τ' οὐδὲν κωλύει ἡδονήν τινα εἶναι, εἰ ἔνιαι φαῦλαι
ἡδοναί, ὥσπερ καὶ ἐπιστήμην τινὰ ἐνίων φαύλων οὐσῶν. Ἴσως δὲ καὶ
ἀναγκαῖον, εἴπερ ἑκάστης (10) ἕξεώς εἰσιν ἐνέργειαι ἀνεμπόδιστοι, εἴθ' ἡ
πασῶν ἐνέργειά ἐστιν εὐδαιμονία εἴτε ἡ τινὸς αὐτῶν, ἂν ᾖ ἀνεμπόδιστος,
αἱρετωτάτην εἶναι· τοῦτο δ' ἐστὶν ἡδονή. Ὥστε εἴη ἄν τις ἡδονὴ τὸ ἄριστον,
τῶν πολλῶν ἡδονῶν φαύλων οὐσῶν, εἰ ἔτυχεν, ἁπλῶς. Καὶ διὰ τοῦτο πάντες τὸν
εὐδαίμονα ἡδὺν οἴονται βίον (15) εἶναι, καὶ ἐμπλέκουσι τὴν ἡδονὴν εἰς τὴν
εὐδαιμονίαν, εὐλόγως· οὐδεμία γὰρ ἐνέργεια τέλειος ἐμποδιζομένη, ἡ δ'
εὐδαιμονία τῶν τελείων· διὸ προσδεῖται ὁ εὐδαίμων τῶν ἐν σώματι ἀγαθῶν καὶ
τῶν ἐκτὸς καὶ τῆς τύχης, ὅπως μὴ ἐμποδίζηται ταῦτα. Οἱ δὲ τὸν τροχιζόμενον
καὶ τὸν δυστυχίαις μεγάλαις (20) περιπίπτοντα εὐδαίμονα φάσκοντες εἶναι,
ἐὰν ᾖ ἀγαθός, ἢ ἑκόντες ἢ ἄκοντες οὐδὲν λέγουσιν. Διὰ δὲ τὸ προσδεῖσθαι
τῆς τύχης δοκεῖ τισὶ ταὐτὸν εἶναι ἡ εὐτυχία τῇ εὐδαιμονίᾳ, οὐκ οὖσα, ἐπεὶ
καὶ αὐτὴ ὑπερβάλλουσα ἐμπόδιός ἐστιν, καὶ ἴσως οὐκέτι εὐτυχίαν καλεῖν
δίκαιον· πρὸς γὰρ τὴν εὐδαιμονίαν (25) ὁ ὅρος αὐτῆς. Καὶ τὸ διώκειν δ'
ἅπαντα καὶ θηρία καὶ ἀνθρώπους τὴν ἡδονὴν σημεῖόν τι τοῦ εἶναί πως τὸ
ἄριστον αὐτήν·
φήμη δ' οὔτις πάμπαν ἀπόλλυται,
ἥν τινα λαοί πολλοί - - -.
Ἀλλ' ἐπεὶ οὐχ ἡ αὐτὴ οὔτε φύσις οὔθ' ἕξις ἡ ἀρίστη οὔτ' ἔστιν (30) οὔτε
δοκεῖ, οὐδ' ἡδονὴν διώκουσι τὴν αὐτὴν πάντες, ἡδονὴν μέντοι πάντες. Ἴσως
δὲ καὶ διώκουσιν οὐχ ἣν οἴονται οὐδ' ἣν ἂν φαῖεν, ἀλλὰ τὴν αὐτήν· πάντα
γὰρ φύσει ἔχει τι θεῖον. Ἀλλ' εἰλήφασι τὴν τοῦ ὀνόματος κληρονομίαν αἱ
σωματικαὶ ἡδοναὶ διὰ τὸ πλειστάκις τε παραβάλλειν εἰς αὐτὰς καὶ (35)
πάντας μετέχειν αὐτῶν· διὰ τὸ μόνας οὖν γνωρίμους εἶναι ταύτας μόνας
οἴονται εἶναι.
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Traduction française :
[7,1153] (1153a) comme sont ceux de la méditation,
qui ont lieu sans que la nature souffre aucun besoin, éprouve
aucune privation. Ce qui le prouve, c'est que les sentiments de plaisir ne
sont pas les mêmes quand la nature se répare, et quand elle est dans un
état d'équilibre ou de repos. Mais, dans cet état, elle jouit des choses
qui sont simplement et absolument agréables; au lieu que, quand elle se
répare, elle trouve du plaisir dans des choses contraires: elle aime alors
les saveurs acides ou amères, qui naturellement et en elles-mêmes ne sont
point agréables, en sorte qu'elles ne sont pas des plaisirs. Car les
choses agréables sont entre elles dans le même rapport que les plaisirs
dont elles sont la cause, ou ont entre elles la même opposition.
De plus, il n'est pas nécessaire qu'il y ait quelque autre chose plus
excellente que le plaisir, parce que, comme le prétendent certaines
personnes, la fin est plus excellente que la génération : car le plaisir
n'est pas génération, ni toujours accompagné de génération, mais il est
action et fin; et il n'est pas le résultat de ce qui se produit ou
s'engendre; mais il provient de l'emploi et de l'usage que l'on fait des
choses. D'ailleurs, la fin n'est pas toujours autre chose que l'action;
mais cela n'a lieu que pour celles qui tendent à la perfection de la
nature. Voilà pourquoi on a tort de dire que le plaisir est une génération
sensible; il aurait mieux valu le définir l'énergie, ou l'acte, d'une
manière d'être, ou disposition, conforme à la nature, et l'appeler
incoercible au lieu de sensible. Mais il semble être une génération, parce
qu'il est proprement un bien, et que l'on s'imagine que l'énergie, ou
l'action, est génération, mais c'est autre chose.
Quant à ce qu'on dit que les plaisirs sont nuisibles, parce que certaines
choses qui font plaisir peuvent altérer la santé, on pourrait dire de même
que certaines choses qui sont utiles à la santé, sont nuisibles à la
fortune. Les unes et les autres sont donc mauvaises sous ce rapport, mais
non pas en tant qu'agréables ou donnant du plaisir; car, enfin, la
méditation est aussi quelquefois nuisible à la santé. Mais certes le
plaisir qui résulte naturellement et immédiatement de chaque chose ne nuit
ni à la saine raison, ni à aucune habitude ou disposition; ce sont les
plaisirs qui ne sont ni naturels, ni immédiats, qui peuvent nuire. Et, en
effet, le plaisir que nous prenons à penser et à nous instruire, augmente
en nous le goût de la méditation et de l'instruction. Mais (dit-on) il n'y
a point de plaisir qui soit l'effet ou le produit de quelque art: cela
devrait être ainsi; car il n'y a d'art pour aucune autre espèce d'actes ou
d'actions; il n'y en a que pour les puissances ou facultés. Cependant,
l'art du parfumeur et celui du cuisinier semblent destinés à procurer des
plaisirs.
Enfin, l'objection fondée sur ce que l'homme sobre fuit un genre de vie
exempt de toute peine, tandis que l'homme prudent le cherche, et que
les animaux et les enfants le cherchent également, se résout par le même
principe. Car, comme nous avons déjà fait voir comment il y a des plaisirs
qui sont bons ou désirables, absolument et en général, et comment toutes
les sortes de plaisirs ne sont pas désirables, ce sont ces derniers que
cherchent les animaux et les enfants; et c'est l'exemption des peines
relatives à ces plaisirs que cherche aussi l'homme prudent, c'est-à-dire,
qu'il fuit les plaisirs qui sont toujours accompagnés de désir et de
soucis, en un mot, les plaisirs du corps, car telle est leur condition. Et
il évite les excès qui font proprement l'intempérant ou le débauché. Voilà
pourquoi le sage fuit cette sorte de plaisirs; car il y en a aussi qui lui
sont propres.
XIII. (1153b) Cependant, on convient généralement que la douleur est un mal,
et qu'il faut la fuir. Mais il y a telle peine qui est un mal, en général
et absolument; telle autre qui n'est un mal qu'à certains égards, et comme
obstacle au bonheur (plutôt que comme cause de malheur). Or, le contraire
de ce qu'il faut fuir, en ce sens que c'est une chose qu'on doit fuir, et
qui est mauvaise ou nuisible, ne peut être qu'un bien ; d'où il suit
nécessairement que le plaisir est un bien. Car la manière dont Speusippus
argumentait sur cette question, n'en donne point une véritable solution.
De même (disait-il) qu'être plus grand est le contraire d'être plus petit
et d'être égal, etc. : car on ne saurait dire que le plaisir soit un certain mal.
Or rien n'empêche, même si les plaisirs sont parfois mauvais, qu'un
plaisir soit le souverain bien; de même, rien ne s'oppose à ce qu'une
science soit excellente, quand bien même d'autres seraient mauvaises. Que
dis-je ? C'est peut-être là une conséquence nécessaire, du moment qu'il y
a pour chaque disposition des activités non entravées, que l'activité de
toutes ces dispositions ou de l'une d'entre elles soit le bonheur. Il est
nécessaire, dis-je, que cette activité, si elle est libre, soit la plus
souhaitable; d'ailleurs, c'est cela même qui est le plaisir. Ainsi un
plaisir pourrait s'identifier avec le plus grand bien, même en admettant
que la plupart des plaisirs se trouvent être absolument mauvais. Pour
cette raison, tout le monde estime que la vie heureuse est agréable,
attendu qu'on unit la notion de plaisir à celle du bonheur, et l'on a
parfaitement raison. Aucune activité, en effet, n'est complète quand elle
est contrariée, et le bonheur présente le caractère d'être complet. Aussi
l'homme heureux a-t-il besoin que les biens corporels, les biens
extérieurs et ceux de la fortune se trouvent réalisés pour lui sans
difficulté. Prétendre que l'homme soumis au supplice de la roue, ou
accablé de grandes infortunes, est heureux, à condition d'être vertueux,
c'est parler en l'air, volontairement ou involontairement. Par ailleurs,
le fait que le bonheur a besoin du secours de la fortune fait croire à
quelques-uns que le succès se confond avec le bonheur, alors qu'il n'en
est rien; la réussite même, quand elle est excessive, constitue une gène
pour le bonheur. Peut-être aussi a-t-on tort d'employer ce mot de
réussite, puisque sa définition ne peut être donnée qu'en rapport avec le
bonheur. Le fait que tous les animaux et tous les hommes poursuivent le
plaisir peut être interprété comme une preuve qu'en quelque mesure le
plaisir est le souverain bien :
"Ce propos ne saurait être absolument vain,
Ce propos que beaucoup de gens..." (Hésiode, Travaux et Jours)
Puisque ni la nature, ni l'habitude ne sont, dans leur forme la meilleure,
identiques pour tous ni en réalité, ni en apparence, tous ne recherchent
pas aussi la même volupté, quoique tous aspirent à jouir de la volupté; et
peut-être aussi qu'ils poursuivent celle qu'ils ne croient pas poursuivre,
et qu'ils ne sauraient nommer (ou définir), quoique ce soit véritablement
la même : car il y a, dans la nature de tous les êtres, quelque chose de
divin. Mais les plaisirs du corps, parce qu'on s'y attache le plus
souvent, et qu'ils sont le partage de tout ce qui est animé, ont, pour
ainsi dire, usurpé l'héritage du nom; et l'on croit qu'ils sont les seuls,
parce que ce sont les seuls que l'on connaisse.
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