Texte grec :
[6,1139] (35) Tὰς δὴ τῆς ψυχῆς ἀρετὰς διελόμενοι (1139a) (1) τὰς μὲν εἶναι τοῦ
ἤθους ἔφαμεν τὰς δὲ τῆς διανοίας. Περὶ μὲν οὖν τῶν ἠθικῶν διεληλύθαμεν,
περὶ δὲ τῶν λοιπῶν, περὶ ψυχῆς πρῶτον εἰπόντες, λέγωμεν οὕτως. Πρότερον
μὲν οὖν ἐλέχθη δύ' εἶναι μέρη τῆς ψυχῆς, τό τε λόγον ἔχον καὶ τὸ ἄλογον·
(5) νῦν δὲ περὶ τοῦ λόγον ἔχοντος τὸν αὐτὸν τρόπον διαιρετέον. Καὶ
ὑποκείσθω δύο τὰ λόγον ἔχοντα, ἓν μὲν ᾧ θεωροῦμεν τὰ τοιαῦτα τῶν ὄντων
ὅσων αἱ ἀρχαὶ μὴ ἐνδέχονται ἄλλως ἔχειν, ἓν δὲ ᾧ τὰ ἐνδεχόμενα· πρὸς γὰρ
τὰ τῷ γένει ἕτερα καὶ τῶν τῆς ψυχῆς μορίων ἕτερον τῷ (10) γένει τὸ πρὸς
ἑκάτερον πεφυκός, εἴπερ καθ' ὁμοιότητά τινα καὶ οἰκειότητα ἡ γνῶσις
ὑπάρχει αὐτοῖς. Λεγέσθω δὲ τούτων τὸ μὲν ἐπιστημονικὸν τὸ δὲ λογιστικόν·
τὸ γὰρ βουλεύεσθαι καὶ λογίζεσθαι ταὐτόν, οὐδεὶς δὲ βουλεύεται περὶ τῶν μὴ
ἐνδεχομένων ἄλλως ἔχειν. Ὥστε τὸ λογιστικόν ἐστιν (15) ἕν τι μέρος τοῦ
λόγον ἔχοντος. Ληπτέον ἄρ' ἑκατέρου τούτων τίς ἡ βελτίστη ἕξις· αὕτη γὰρ
ἀρετὴ ἑκατέρου, ἡ δ' ἀρετὴ πρὸς τὸ ἔργον τὸ οἰκεῖον.
II. Τρία δή ἐστιν ἐν τῇ ψυχῇ τὰ κύρια πράξεως καὶ ἀληθείας, αἴσθησις νοῦς
ὄρεξις. Τούτων δ' ἡ αἴσθησις οὐδεμιᾶς ἀρχὴ πράξεως· δῆλον δὲ τῷ (20) τὰ
θηρία αἴσθησιν μὲν ἔχειν πράξεως δὲ μὴ κοινωνεῖν. Ἔστι δ' ὅπερ ἐν διανοίᾳ
κατάφασις καὶ ἀπόφασις, τοῦτ' ἐν ὀρέξει δίωξις καὶ φυγή· ὥστ' ἐπειδὴ ἡ
ἠθικὴ ἀρετὴ ἕξις προαιρετική, ἡ δὲ προαίρεσις ὄρεξις βουλευτική, δεῖ διὰ
ταῦτα μὲν τόν τε λόγον ἀληθῆ εἶναι καὶ τὴν ὄρεξιν ὀρθήν, (25) εἴπερ ἡ
προαίρεσις σπουδαία, καὶ τὰ αὐτὰ τὸν μὲν φάναι τὴν δὲ διώκειν. Αὕτη μὲν
οὖν ἡ διάνοια καὶ ἡ ἀλήθεια πρακτική· τῆς δὲ θεωρητικῆς διανοίας καὶ μὴ
πρακτικῆς μηδὲ ποιητικῆς τὸ εὖ καὶ κακῶς τἀληθές ἐστι καὶ ψεῦδος (τοῦτο
γάρ ἐστι παντὸς διανοητικοῦ ἔργον)· τοῦ δὲ πρακτικοῦ (30) καὶ διανοητικοῦ
ἀλήθεια ὁμολόγως ἔχουσα τῇ ὀρέξει τῇ ὀρθῇ. Πράξεως μὲν οὖν ἀρχὴ
προαίρεσις--ὅθεν ἡ κίνησις ἀλλ' οὐχ οὗ ἕνεκα--προαιρέσεως δὲ ὄρεξις καὶ
λόγος ὁ ἕνεκά τινος. Διὸ οὔτ' ἄνευ νοῦ καὶ διανοίας οὔτ' ἄνευ ἠθικῆς ἐστὶν
ἕξεως ἡ προαίρεσις· εὐπραξία γὰρ καὶ τὸ (35) ἐναντίον ἐν πράξει ἄνευ
διανοίας καὶ ἤθους οὐκ ἔστιν. Διάνοια δ' αὐτὴ οὐθὲν κινεῖ, ἀλλ' ἡ ἕνεκά
του καὶ πρακτική· (1139b) (1) αὕτη γὰρ καὶ τῆς ποιητικῆς ἄρχει· ἕνεκα γάρ
του ποιεῖ πᾶς ὁ ποιῶν, καὶ οὐ τέλος ἁπλῶς (ἀλλὰ πρός τι καὶ τινός) τὸ
ποιητόν, ἀλλὰ τὸ πρακτόν· ἡ γὰρ εὐπραξία τέλος, ἡ δ' ὄρεξις τούτου. Διὸ ἢ
ὀρεκτικὸς νοῦς ἡ προαίρεσις (5) ἢ ὄρεξις διανοητική, καὶ ἡ τοιαύτη ἀρχὴ
ἄνθρωπος. Οὐκ ἔστι δὲ προαιρετὸν οὐδὲν γεγονός, οἷον οὐδεὶς προαιρεῖται
Ἴλιον πεπορθηκέναι· οὐδὲ γὰρ βουλεύεται περὶ τοῦ γεγονότος ἀλλὰ περὶ τοῦ
ἐσομένου καὶ ἐνδεχομένου, τὸ δὲ γεγονὸς οὐκ ἐνδέχεται μὴ γενέσθαι· διὸ
ὀρθῶς Ἀγάθων
(10) Μόνου γὰρ αὐτοῦ καὶ θεὸς στερίσκεται,
ἀγένητα ποιεῖν ἅσσ' ἂν ᾖ πεπραγμένα.
Ἀμφοτέρων δὴ τῶν νοητικῶν μορίων ἀλήθεια τὸ ἔργον. Καθ' ἃς οὖν μάλιστα
ἕξεις ἀληθεύσει ἑκάτερον, αὗται ἀρεταὶ ἀμφοῖν.
III. Ἀρξάμενοι οὖν ἄνωθεν περὶ αὐτῶν πάλιν λέγωμεν. (15) Ἔστω δὴ οἷς
ἀληθεύει ἡ ψυχὴ τῷ καταφάναι ἢ ἀποφάναι, πέντε τὸν ἀριθμόν· ταῦτα δ' ἐστὶ
τέχνη ἐπιστήμη φρόνησις σοφία νοῦς· ὑπολήψει γὰρ καὶ δόξῃ ἐνδέχεται
διαψεύδεσθαι. Ἐπιστήμη μὲν οὖν τί ἐστιν, ἐντεῦθεν φανερόν, εἰ δεῖ
ἀκριβολογεῖσθαι καὶ μὴ ἀκολουθεῖν ταῖς ὁμοιότησιν. (20) Πάντες γὰρ
ὑπολαμβάνομεν, ὃ ἐπιστάμεθα, μηδ' ἐνδέχεσθαι ἄλλως ἔχειν· τὰ δ' ἐνδεχόμενα
ἄλλως, ὅταν ἔξω τοῦ θεωρεῖν γένηται, λανθάνει εἰ ἔστιν ἢ μή. Ἐξ ἀνάγκης
ἄρα ἐστὶ τὸ ἐπιστητόν. Ἀίδιον ἄρα· τὰ γὰρ ἐξ ἀνάγκης ὄντα ἁπλῶς πάντα
ἀίδια, τὰ δ' ἀίδια ἀγένητα καὶ ἄφθαρτα. (25) Ἔτι διδακτὴ ἅπασα ἐπιστήμη
δοκεῖ εἶναι, καὶ τὸ ἐπιστητὸν μαθητόν. Ἐκ προγινωσκομένων δὲ πᾶσα
διδασκαλία, ὥσπερ καὶ ἐν τοῖς ἀναλυτικοῖς λέγομεν· ἣ μὲν γὰρ δι' ἐπαγωγῆς,
ἣ δὲ συλλογισμῷ. Ἡ μὲν δὴ ἐπαγωγὴ ἀρχή ἐστι καὶ τοῦ καθόλου, ὁ δὲ
συλλογισμὸς ἐκ τῶν καθόλου. Εἰσὶν (30) ἄρα ἀρχαὶ ἐξ ὧν ὁ συλλογισμός, ὧν
οὐκ ἔστι συλλογισμός· ἐπαγωγὴ ἄρα. Ἡ μὲν ἄρα ἐπιστήμη ἐστὶν ἕξις
ἀποδεικτική, καὶ ὅσα ἄλλα προσδιοριζόμεθα ἐν τοῖς ἀναλυτικοῖς· ὅταν γάρ
πως πιστεύῃ καὶ γνώριμοι αὐτῷ ὦσιν αἱ ἀρχαί, ἐπίσταται· εἰ γὰρ μὴ μᾶλλον
τοῦ συμπεράσματος, (35) κατὰ συμβεβηκὸς ἕξει τὴν ἐπιστήμην. Περὶ μὲν οὖν
ἐπιστήμης διωρίσθω τὸν τρόπον τοῦτον.
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Traduction française :
[6,1139] (1139a) Or, nous avons distingué deux sortes de vertus de l'âme, les
unes morales, les autres intellectuelles, et nous avons considéré les vertus
morales. Nous allons parler des autres, après avoir d'abord traité de
l'âme. J'ai dit précédemment qu'elle est composée de deux parties,
l'une qui a la raison, et l'autre qui en est privée. Il faut maintenant
diviser de la même manière la partie qui est douée de raison. Supposons
donc aussi qu'elle ait deux parties: l'une, à l'aide de laquelle nous
contemplons les choses qui sont telles qu'elles ne peuvent pas avoir
d'autres principes que ceux qu'elles ont; et l'autre, au moyen de laquelle
nous connaissons les choses qui pourraient être autrement qu'elles ne sont.
En effet, il faut bien qu'il y ait, pour chaque genre de choses
essentiellement différentes, une partie de l'âme essentiellement
distincte, et appropriée par sa nature à ce genre, puisque l'âme en a
connaissance à raison de sa ressemblance et de son aptitude par rapport à
cette chose.
Appelons donc scientifique l'une de ces parties de l'âme, et donnons à
l'autre le nom de logistique, puisque délibérer et calculer ne sont qu'une
mène chose, et que personne ne délibère sur ce qui ne saurait être
autrement qu'il n'est; en sorte que la logistique sera une des parties de
l'âme qui sont le siège de la raison. Par conséquent, il restera à
déterminer quelle est, pour chacune de ces deux parties, la meilleure
disposition ou habitude; car c'est dans l'habitude que consiste la vertu
de chacune d'elles, et la vertu est l'aptitude au genre d'actions propres
à chaque être, ou objet.
II. Il y a dans l'âme trois choses d'où dépendent l'action et la vérité :
ce sont les sens, l'esprit et l'appétit. Entre ces trois choses, les sens
ne sont le principe d'aucune action; et ce qui le prouve, c'est que les
animaux ont la faculté de sentir, mais ils n'ont pas celle d'agir.
Mais ce que l'affirmation et la négation sont par rapport à l'entendement,
la poursuite et la fuite le sont à l'égard de l'appétit.
Et puisque la vertu morale est une habitude, une disposition relative au
choix ou à la préférence, et que la préférence est un désir réfléchi, il
faut, pour qu'elle soit sensée et digne d'approbation, que le raisonnement
soit conforme à la vérité, et le désir conforme à la vertu, et que l'un
affirme les mêmes choses que l'autre poursuit ou recherche. C'est donc là
ce qui constitue l'entendement et la vérité pratique.
Mais c'est à l'intelligence contemplative, qui n'est ni pratique ni
active, qu'appartient le jugement de ce qui est bien ou mal, vrai ou faux
; car telle est la fonction de tout ce qui est doué de pensée. La fonction
de ce qui unit l'action à la pensée, c'est l'accord de la vérité avec des
désirs conformes à la raison.
Le principe de l'action est donc la préférence, d'où naît, en quelque
sorte, l'impulsion ou le mouvement, mais non pas le motif déterminant : et
ce qui détermine la préférence, c'est le désir, et la raison sollicitée
par un motif. Voilà pourquoi il n'y a point de préférence, sans
intelligence et sans pensée, ni sans habitude morale; car il ne peut y
avoir ni bonheur, ni malheur, sans la pensée et sans les mœurs. La pensée
ou l'intelligence ne détermine, par elle-même, aucun mouvement; il faut
qu'elle soit sollicitée par quelque motif, et accompagnée de tendance à
l'action. (1139b) C'est alors qu'elle commande, pour ainsi dire, à la
faculté d'agir.
En effet, quiconque fait une chose, la fait pour quelque motif : non pas
motif pris dans un sens absolu et indéterminé, mais de manière qu'il en
résulte une action qui ait un résultat et un auteur, et qu'il ne soit pas
une simple tendance à agir. Car la vertu, la bonne conduite, est une fin,
un but, et le but est l'objet du désir.
De là vient que la préférence est ou intelligence excitée par le désir, ou
désir déterminé par la réflexion : et un tel principe est l'homme lui-même.
Au reste, rien de ce qui est passé ne peut être un objet de préférence :
ainsi personne ne préfère d'avoir contribué à la ruine de Troie; car on ne
délibère pas sur ce qui a été fait, mais sur ce qui doit ou peut se faire;
et ce qui a été fait ne peut pas ne l'avoir pas été; aussi le poète
Agathon dit fort bien à ce sujet : « Le seul pouvoir qui manque à la
Divinité, c'est de faire que ce qui a été accompli ne le soit pas. »
La vérité est donc l'œuvre ou le produit des deux parties intelligentes de
l'âme; et les propriétés qui les caractérisent l'une et l'autre, sont les
habitudes ou les dispositions en vertu desquelles chacune d'elles saisit
le mieux la vérité.
III. Mais il faut revenir sur ces propriétés distinctes, et reprendre la
question de plus haut. Admettons que les moyens à l'aide desquels l'âme
saisit la vérité, par affirmation ou négation, soient au nombre de cinq :
l'art, la science, la prudence, la sagesse, l'intelligence; car le préjugé
et l'opinion peuvent induire à erreur. Or, si l'on veut parler un langage
exact et précis, et ne pas s'attacher à de simples comparaisons, il
est facile de voir ce que c'est que la science, en considérant que nous
sommes tous portés à croire que ce que nous savons ne peut pas être autre
que ce qu'il est; et, quant aux choses qui peuvent être autrement, nous
ignorons si elles ont ou n'ont pas d'existence, indépendamment de notre
contemplation. Ce qui est l'objet de la science existe donc
nécessairement et par conséquent est éternel; car tout ce qui a une
existence nécessaire et absolue est éternel, et dès lors, ingénérable et
incorruptible.
D'un autre côté, toute science est regardée comme pouvant être un objet
d'enseignement; et tout ce qui peut être su, peut être appris. Mais tout
enseignement n'a lieu qu'à l'occasion de choses déjà connues, comme je
l'ai dit dans les Analytiques. On enseigne par le moyen de
l'induction, ou par le syllogisme : mais l'induction est le principe des
idées générales, et le syllogisme est composé de ces mêmes idées. Donc il
y a des principes, d'où part le syllogisme, et auxquels il ne conduit pas,
et qui sont, par conséquent, le résultat de l'induction. Il suit de là que
la science est une habitude de démonstration, et qu'elle a tous les autres
caractères particuliers que j'ai définis dans les Analytiques ; car,
quand on a une croyance quelle qu'elle soit, et que l'on connaît les
principes qui lui servent de base, alors on sait : mais, si les principes
ne sont pas plus évidents que la conclusion, on ne saura que par hasard.
Telle est la notion qu'il faut se faire de la science.
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