HODOI ELEKTRONIKAI
Corpora

Aristote, Éthique à Nicomaque, livre V

φασὶν



Texte grec :

[5,1136] (1136a) (1) Ἐὰν δ' ἐκ προαιρέσεως βλάψῃ, ἀδικεῖ· καὶ κατὰ ταῦτ' ἤδη τὰ ἀδικήματα ὁ ἀδικῶν ἄδικος, ὅταν παρὰ τὸ ἀνάλογον ᾖ ἢ παρὰ τὸ ἴσον. Ὁμοίως δὲ καὶ δίκαιος, ὅταν προελόμενος δικαιοπραγῇ· δικαιοπραγεῖ δέ, ἂν μόνον ἑκὼν (5) πράττῃ. Τῶν δ' ἀκουσίων τὰ μέν ἐστι συγγνωμονικὰ τὰ δ' οὐ συγγνωμονικά. Ὅσα μὲν γὰρ μὴ μόνον ἀγνοοῦντες ἀλλὰ καὶ δι' ἄγνοιαν ἁμαρτάνουσι, συγγνωμονικά, ὅσα δὲ μὴ δι' ἄγνοιαν, ἀλλ' ἀγνοοῦντες μὲν διὰ πάθος δὲ μήτε φυσικὸν μήτ' ἀνθρώπινον, οὐ συγγνωμονικά. IX. (10) Ἀπορήσειε δ' ἄν τις, εἰ ἱκανῶς διώρισται περὶ τοῦ ἀδικεῖσθαι καὶ ἀδικεῖν, πρῶτον μὲν εἰ ἔστιν ὥσπερ Εὐριπίδης εἴρηκε, λέγων ἀτόπως Μητέρα κατέκταν τὴν ἐμήν, βραχὺς λόγος. Ἑκὼν ἑκοῦσαν, ἢ <οὐχ> ἑκοῦσαν οὐχ ἑκών; (15) Πότερον γὰρ ὡς ἀληθῶς ἔστιν ἑκόντα ἀδικεῖσθαι, ἢ οὒ ἀλλ' ἀκούσιον ἅπαν, ὥσπερ καὶ τὸ ἀδικεῖν πᾶν ἑκούσιον; καὶ ἆρα πᾶν οὕτως ἢ ἐκείνως, (ὥσπερ καὶ τὸ ἀδικεῖν πᾶν ἑκούσιον,) ἢ τὸ μὲν ἑκούσιον τὸ δ' ἀκούσιον; ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τοῦ δικαιοῦσθαι· τὸ γὰρ δικαιοπραγεῖν πᾶν ἑκούσιον· ὥστ' εὔλογον (20) ἀντικεῖσθαι ὁμοίως καθ' ἑκάτερον, τό τ' ἀδικεῖσθαι καὶ δικαιοῦσθαι ἢ ἑκούσιον ἢ ἀκούσιον εἶναι. Ἄτοπον δ' ἂν δόξειε καὶ ἐπὶ τοῦ δικαιοῦσθαι, εἰ πᾶν ἑκούσιον· ἔνιοι γὰρ δικαιοῦνται οὐχ ἑκόντες. Ἔπειτα καὶ τόδε διαπορήσειεν ἄν τις, πότερον ὁ τὸ ἄδικον πεπονθὼς ἀδικεῖται πᾶς, ἢ ὥσπερ καὶ ἐπὶ τοῦ πράττειν, (25) καὶ ἐπὶ τοῦ πάσχειν ἐστίν· κατὰ συμβεβηκὸς γὰρ ἐνδέχεται ἐπ' ἀμφοτέρων μεταλαμβάνειν τῶν δικαίων· ὁμοίως δὲ δῆλον ὅτι καὶ ἐπὶ τῶν ἀδίκων· οὐ γὰρ ταὐτὸν τὸ τἄδικα πράττειν τῷ ἀδικεῖν οὐδὲ τὸ ἄδικα πάσχειν τῷ ἀδικεῖσθαι· ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τοῦ δικαιοπραγεῖν καὶ δικαιοῦσθαι· ἀδύνατον (30) γὰρ ἀδικεῖσθαι μὴ ἀδικοῦντος ἢ δικαιοῦσθαι μὴ δικαιοπραγοῦντος. Εἰ δ' ἐστὶν ἁπλῶς τὸ ἀδικεῖν τὸ βλάπτειν ἑκόντα τινά, τὸ δ' ἑκόντα εἰδότα καὶ ὃν καὶ ᾧ καὶ ὥς, ὁ δ' ἀκρατὴς ἑκὼν βλάπτει αὐτὸς αὑτόν, ἑκών τ' ἂν ἀδικοῖτο κἂν ἐνδέχοιτο αὐτὸς αὑτὸν ἀδικεῖν. Ἔστι δὲ καὶ τοῦτο ἓν τῶν ἀπορουμένων, (1136b) (1) εἰ ἐνδέχεται αὐτὸν αὑτὸν ἀδικεῖν. Ἔτι ἑκὼν ἄν τις δι' ἀκρασίαν ὑπ' ἄλλου βλάπτοιτο ἑκόντος, ὥστ' εἴη ἂν ἑκόντ' ἀδικεῖσθαι. Ἢ οὐκ ὀρθὸς ὁ διορισμός, ἀλλὰ προσθετέον τῷ βλάπτειν εἰδότα καὶ ὃν καὶ ᾧ καὶ ὣς τὸ παρὰ τὴν ἐκείνου (5) βούλησιν; βλάπτεται μὲν οὖν τις ἑκὼν καὶ τἄδικα πάσχει, ἀδικεῖται δ' οὐδεὶς ἑκών· οὐδεὶς γὰρ βούλεται, οὐδ' ὁ ἀκρατής, ἀλλὰ παρὰ τὴν βούλησιν πράττει· οὔτε γὰρ βούλεται οὐδεὶς ὃ μὴ οἴεται εἶναι σπουδαῖον, ὅ τε ἀκρατὴς οὐχ ἃ οἴεται δεῖν πράττειν πράττει. Ὁ δὲ τὰ αὑτοῦ διδούς, ὥσπερ Ὅμηρός φησι (10) δοῦναι τὸν Γλαῦκον τῷ Διομήδει Χρύσεα χαλκείων, ἑκατόμβοι' ἐννεαβοίων , οὐκ ἀδικεῖται· ἐπ' αὐτῷ γάρ ἐστι τὸ διδόναι, τὸ δ' ἀδικεῖσθαι οὐκ ἐπ' αὐτῷ, ἀλλὰ τὸν ἀδικοῦντα δεῖ ὑπάρχειν. Περὶ μὲν οὖν τοῦ ἀδικεῖσθαι, ὅτι οὐχ ἑκούσιον, δῆλον. (15) Ἔτι δ' ὧν προειλόμεθα δύ' ἔστιν εἰπεῖν, πότερόν ποτ' ἀδικεῖ ὁ νείμας παρὰ τὴν ἀξίαν τὸ πλέον ἢ ὁ ἔχων, καὶ εἰ ἔστιν αὐτὸν αὑτὸν ἀδικεῖν. Εἰ γὰρ ἐνδέχεται τὸ πρότερον λεχθὲν καὶ ὁ διανέμων ἀδικεῖ ἀλλ' οὐχ ὁ ἔχων τὸ πλέον, εἴ τις πλέον αὑτοῦ ἑτέρῳ νέμει εἰδὼς καὶ ἑκών, οὗτος αὐτὸς (20) αὑτὸν ἀδικεῖ· ὅπερ δοκοῦσιν οἱ μέτριοι ποιεῖν· ὁ γὰρ ἐπιεικὴς ἐλαττωτικός ἐστιν. Ἢ οὐδὲ τοῦτο ἁπλοῦν; ἑτέρου γὰρ ἀγαθοῦ, εἰ ἔτυχεν, πλεονεκτεῖ, οἷον δόξης ἢ τοῦ ἁπλῶς καλοῦ. Ἔτι λύεται κατὰ τὸν διορισμὸν τοῦ ἀδικεῖν· οὐδὲν γὰρ παρὰ τὴν αὑτοῦ πάσχει βούλησιν, ὥστε οὐκ ἀδικεῖται διά γε τοῦτο, (25) ἀλλ' εἴπερ, βλάπτεται μόνον. Φανερὸν δὲ ὅτι καὶ ὁ διανέμων ἀδικεῖ, ἀλλ' οὐχ ὁ τὸ πλέον ἔχων ἀεί· οὐ γὰρ ᾧ τὸ ἄδικον ὑπάρχει ἀδικεῖ, ἀλλ' ᾧ τὸ ἑκόντα τοῦτο ποιεῖν· τοῦτο δ' ὅθεν ἡ ἀρχὴ τῆς πράξεως, ἥ ἐστιν ἐν τῷ διανέμοντι ἀλλ' οὐκ ἐν τῷ λαμβάνοντι. Ἔτι ἐπεὶ πολλαχῶς τὸ ποιεῖν (30) λέγεται, καὶ ἔστιν ὡς τὰ ἄψυχα κτείνει καὶ ἡ χεὶρ καὶ ὁ οἰκέτης ἐπιτάξαντος, οὐκ ἀδικεῖ μέν, ποιεῖ δὲ τὰ ἄδικα. Ἔτι εἰ μὲν ἀγνοῶν ἔκρινεν, οὐκ ἀδικεῖ κατὰ τὸ νομικὸν δίκαιον οὐδ' ἄδικος ἡ κρίσις ἐστίν, ἔστι δ' ὡς ἄδικος· ἕτερον γὰρ τὸ νομικὸν δίκαιον καὶ τὸ πρῶτον·

Traduction française :

[5,1136] (1136a) Mais, si c’est à dessein et avec préméditation que le dommage a été causé, son auteur commet une injustice ; et celui qui se rend coupable de tels actes, est injuste, soit qu’il viole les lois de la proportion, ou celles de l’égalité : de même, on est juste, lorsqu’on pratique la justice à dessein et avec réflexion; et on la pratique ainsi, pourvu seulement que l’action soit volontaire. Quant aux actions involontaires, les unes sont dignes de pardon, et les autres ne le sont pas. Car non seulement toutes les fautes que l’on commet sans le savoir, mais aussi celles dont l’ignorance est la cause, sont excusables; alors que celles que l’on commet, non pas à la vérité par ignorance, mais sans le savoir parce qu’on se laisse égarer par quelque passion qui n’est ni naturelle ni dans l’humanité, sont impardonnables. IX. Il pourrait encore subsister quelque doute sur l’exactitude des notions que nous avons attachées aux expressions souffrir l’injustice et commettre l’injustice. D’abord, peut-on admettre cet étrange raisonnement d’Euripide, lorsqu’il dit: «J’ai tué ma mère, et voici, en peu de mots, ma défense: Ou je l’ai tuée volontairement et d’après sa propre volonté ; ou malgré moi, mais toujours parce qu’elle l’a voulu ». Car est-il véritablement possible que quelqu’un veuille qu’on lui fasse un tort ou une injustice ? Ou plutôt, n’est-ce pas toujours involontairement qu’on souffre l’injustice, comme c’est volontairement qu’on la fait ? Enfin, peut-on considérer toute injustice (tant celle qui est soufferte que celle qui est commise) sous l’un ou sous l’autre point de vue ? ou bien, dira-t-on que l’une est toujours volontaire, et l’autre toujours involontaire ? Il en sera de même de la notion attachée à l’expression se faire rendre justice. Car pratiquer la justice est toujours volontaire, en sorte qu’il est raisonnable d’opposer entre elles chacune de ces deux notions, souffrir l’injustice et se faire rendre justice, et de les envisager sous le double rapport du volontaire et de l’involontaire. Mais il semblerait étrange, quant à se faire rendre justice, de demander si c’est toujours une chose volontaire; car il y a des personnes à qui cela arrive sans qu’elles le veuillent. On pourrait même se demander si tout homme qui éprouve une chose injuste, est réellement traité avec injustice ; ou bien, s’il en est de l’idée de souffrir ou de supporter, comme de l’idée d’agir ou de faire ? Car il arrive que l’on souffre, ou que l’on fasse ce qui est juste par le pur effet du hasard; et il est évident qu’il peut en être de même de ce qui est injuste: car faire des choses injustes n’est pas toujours commettre une injustice, et éprouver des choses injustes n’est pas la même chose qu’être l’objet de l’injustice. Il en va de même, pour ce qui est de pratiquer la justice et de se faire rendre justice; car il est impossible qu’on soit l’objet de l’injustice, sans qu’il y ait quelqu’un qui en soit l’auteur; et il est impossible qu’on se fasse rendre justice, sans qu’il y ait quelqu’un qui pratique la justice. Cependant, si commettre l’injustice signifie nuire volontairement à quelqu’un, et si par volontairement on entend sachant « à qui, et par quel moyen, et comment »; si, enfin, c’est volontairement que l’intempérant se nuit à lui-même, alors ce serait volontairement qu’il serait l’objet de l’injustice; et il se pourrait que l’on commît l’injustice contre soi-même. Mais voilà précisément ce dont on doute, (1136b) à savoir s’il est possible que l’on commette une injustice envers soi-même ; et encore si un homme pourrait, par intempérance, consentir à éprouver quelque tort de la part d’un autre qui y consentirait aussi, en sorte qu’il serait possible qu’on fût, de son propre consentement, l’objet de l’injustice. Ou bien, notre définition n’est-elle pas encore tout à fait exacte, et faut-il ajouter à l’idée de nuire « en sachant à qui, par quel moyen et comment », la condition que ce soit contre la volonté de celui à qui l’on nuit ? Un homme peut donc éprouver un dommage volontairement, et il souffre des choses injustes; mais personne n’est volontairement l’objet de l’injustice, puisque personne ne consent à l’être, pas même l’intempérant; au contraire, il agit contre sa volonté. Personne, en effet, ne veut ce qu’il croit n’être pas conforme à l’honneur et à la raison; mais l’intempérant fait pourtant ce qu’il sait qu’il ne devrait pas faire. Quant à celui qui donne ce qui lui appartient, comme Homère le raconte de Glaucus, lequel donna à Diomède « des armes d’or pour des armes de cuivre, une armure du prix d’une hécatombe pour celle qui ne valait que neuf bœufs », celui-là n’est pas l’objet de l’injustice, car il est le maître de donner : mais être l’objet de l’injustice ne dépend pas de lui ; il faut, pour cela, qu’il y ait quelqu’un qui commette cette injustice. Il est donc évident qu’être l’objet de l’injustice n’est pas une chose volontaire. Mais il nous reste encore à traiter deux des questions que nous nous sommes proposées : d’abord, si l’auteur de l’injustice est celui qui adjuge à un autre plus qu’il ne mérite, ou si c’est celui qui reçoit la chose qui lui est adjugée ; et ensuite, s’il est possible que l’on commette l’injustice contre soi-même. En effet, si l’on admet que le premier cas ait lieu, c’est-à-dire, si celui qui adjuge est l’auteur de l’injustice, mais non pas en prenant plus qu’il ne doit avoir; comme si quelqu’un, ayant un partage à faire, donne à un autre plus qu’il ne prend pour lui-même, il s’ensuivra qu’il se fait tort à lui-même, comme il arrive assez ordinairement aux personnes désintéressées. Car l’homme modeste a un penchant naturel à diminuer son partage. Ou bien, si l’on trouve que la question n’est pas simple; si l’on suppose, par exemple, que cet homme avait d’autres avantages en partage, comme la gloire, ou ce qui est proprement honorable et beau, la difficulté se résout pourtant encore par notre définition de l’expression être auteur de l’injustice. Car enfin, il ne souffre, en ce cas, rien qui soit contre sa volonté: ainsi, sous ce rapport au moins, il n’est pas l’objet de l’injustice; seulement, c’est un dommage pour lui, à supposer qu’il y ait dommage. Au reste, il est clair que celui qui fait le partage est l’auteur de l’injustice, et non pas celui qui reçoit le plus: car celui entre les mains de qui se trouve la chose injustement donnée, ne commet pas l’injustice, mais bien celui en qui se trouve la disposition à agir ainsi volontairement. C’est là qu’est le principe de l’action, c’est-à-dire dans celui qui règle le partage, et non dans celui qui prend ce qu’on lui donne. Ajoutons que comme le mot « faire » a beaucoup d’acceptions diverses, et que , dans certains cas, des objets même inanimés peuvent donner la mort, comme aussi, par exemple, la main (d’un homme qui est poussé, ou contraint par une force supérieure à la sienne) et l’esclave de celui qui a ordonné le meurtre : ce n’est pas l’esclave qui est l’auteur de l’injustice, mais il fait une chose injuste. De plus, si quelqu’un a prononcé, sans le savoir, une sentence injuste, il n’est pas l’auteur de l’injustice, il ne viole pas la justice légale, et son jugement même n’est pas injuste ; mais il l’est à quelques égards: car le juste conforme aux lois n’est pas la même chose que le juste, pris dans un sens absolu, ou la justice naturelle et primitive.





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Dernière mise à jour : 22/05/2008