HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

Aristote, La grande morale, livre II

Διὸ



Texte grec :

[2,10] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Α'. § 1. Ἐχόμενον δ´ ἂν εἴη τούτων εἰπεῖν, ἐπειδὴ περὶ εὐδαιμονίας ἐστὶν ὁ λόγος, περὶ εὐτυχίας. Οἴονται γὰρ οἱ πολλοὶ τὸν εὐδαίμονα βίον τὸν εὐτυχῆ εἶναι ἢ οὐκ ἄνευ γε εὐτυχίας, καὶ ὀρθῶς ἴσως· ἄνευ γὰρ τῶν ἐκτὸς ἀγαθῶν, ὧν ἡ τύχη ἐστὶ κυρία, οὐκ ἐνδέχεται εὐδαίμονα εἶναι. Διὸ ῥητέον ἐστὶν ὑπὲρ εὐτυχίας, καὶ ἁπλῶς ὁ εὐτυχὴς τίς ἐστι καὶ ἐν τίσι καὶ περὶ τί. § 2. Πρῶτον μὲν οὖν ἐπὶ ταῦτ´ ἄν τις ἐλθὼν καὶ ἐπιβλέψας ἀπορήσειεν. Οὔτε γὰρ ἂν εἴποι τις τὴν τύχην ὥς ἐστι φύσις. Ἡ γὰρ φύσις {ἀεὶ) οὗ ἐστιν αἰτία, τούτου ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ ἢ * ὡσαύτως ποιητικὴ ἐστίν, ἡ δέ γε τύχη οὐδέποτε, ἀλλ´ ἀτάκτως καὶ ὡς ἔτυχεν· διὸ ἡ τύχη ἐν τοῖς τοιούτοις λέγεται. Οὔτε δὴ νοῦν γέ τινα ἢ λόγον ὀρθόν· καὶ γὰρ ἐνταῦθα οὐχ ἧττόν ἐστι τὸ τεταγμένον καὶ τὸ ἀεὶ ὡσαύτως, ἡ δὲ τύχη οὔ. Διὸ καὶ οὗ πλεῖστος νοῦς καὶ λόγος, ἐνταῦθα ἐλαχίστη {καὶ) τύχη, οὗ δὲ πλείστη τύχη, ἐνταῦθ´ ἐλάχιστος νοῦς. § 3. Ἀλλ´ ἆρά γε ἡ εὐτυχία ἐστὶν ὡς ἐπιμέλειά τις θεῶν; Ἢ τοῦτ´ οὐκ ἂν δόξειεν; Τὸν γὰρ θεὸν ἀξιοῦμεν κύριον ὄντα τῶν τοιούτων τοῖς ἀξίοις ἀπονέμειν καὶ τἀγαθὰ καὶ τὰ κακά, ἡ δὲ τύχη καὶ τὰ ἀπὸ τῆς τύχης ὡς ἀληθῶς ὡς ἂν τύχῃ γίνεται. Εἰ δέ γε τῷ θεῷ τὸ τοιοῦτον ἀπονέμομεν, φαῦλον αὐτὸν κριτὴν ποιήσομεν ἢ οὐ δίκαιον· τοῦτο δ´ οὐ προσῆκόν ἐστι {τῷ) θεῷ. § 4. Ἀλλὰ μὴν ἔξω γε τούτων εἰς οὐδὲν ἄλλο τὴν τύχην ἄν τις τάξειεν, ὥστε δῆλον ὅτι τούτων ἄν τι εἴη. Νοῦς μὲν δὴ καὶ λόγος καὶ ἐπιστήμη παντελῶς ἀλλότριόν τι ἔοικεν εἶναι. Ἀλλὰ μὴν οὐδ´ ἡ ἐπιμέλεια καὶ ἡ εὔνοια παρὰ τοῦ θεοῦ δόξειεν ἂν εἶναι εὐτυχία διὰ τὸ καὶ ἐν τοῖς φαύλοις ἐγγίγνεσθαι· τὸν δὲ θεὸν τῶν φαύλων οὐκ εἰκὸς ἐπιμελεῖσθαι. § 5. Λοιπὸν τοίνυν καὶ οἰκειότατον τῆς εὐτυχίας ἐστὶν ἡ φύσις. Ἔστιν δ´ ἡ εὐτυχία καὶ ἡ τύχη ἐν τοῖς μὴ ἐφ´ ἡμῖν οὖσιν, μηδ´ ὧν αὐτοὶ κύριοί ἐσμεν καὶ δυνατοὶ πρᾶξαι. Διὸ τὸν δίκαιον, ᾗ δίκαιος, οὐθεὶς λέγει εὐτυχῆ οὐδὲ τὸν ἀνδρεῖον οὐδ´ ὅλως τῶν κατ´ ἀρετὴν οὐδένα· ἐφ´ ἡμῖν γάρ ἐστι ταῦτα καὶ ἔχειν καὶ μὴ ἔχειν. Ἀλλ´ ἤδη ἐπὶ τοῖς τοιούτοις οἰκειότερον τὴν εὐτυχίαν ἐροῦμεν· τὸν γὰρ εὐγενῆ εὐτυχῆ λέγομεν, καὶ ὅλως ᾧ τὰ τοιαῦτα τῶν ἀγαθῶν ὑπάρχει, ὧν μὴ αὐτὸς κύριος ἐστίν. § 6. Ἀλλ´ ὅμως οὐδ´ ἐνταῦθα κυρίως ἂν ἡ εὐτυχία λέγοιτο. Ἔστιν δὲ πολλαχῶς ὁ εὐτυχὴς λεγόμενος· καὶ γὰρ ᾧ παρὰ τὸν λογισμὸν τὸν αὑτοῦ συνέβη τι ἀγαθὸν πρᾶξαι, εὐτυχῆ φαμέν, καὶ ᾧ κατὰ λόγον ζημίαν ἦν λαβεῖν, τὸν τοιοῦτον κερδάναντα εὐτυχῆ φαμέν. § 7. Ἔστιν οὖν ἡ εὐτυχία ἐν τῷ ἀγαθόν τι ὑπάρξαι παρὰ λόγον καὶ ἐν τῷ κακὸν μὴ λαβεῖν εὔλογον. Ἀλλὰ μᾶλλον καὶ οἰκειότερον ἡ εὐτυχία ἂν δόξειεν εἶναι ἐν τῷ ἀγαθὸν λαβεῖν· τὸ μὲν γὰρ ἀγαθὸν λαβεῖν καθ´ αὑτὸ δόξειεν ἂν εὐτύχημα εἶναι, τὸ δὲ κακὸν μὴ λαβεῖν κατὰ συμβεβηκὸς εὐτύχημα. § 8. Ἔστιν οὖν ἡ εὐτυχία ἄλογος φύσις· ὁ γὰρ εὐτυχής ἐστιν ὁ ἄνευ λόγου ἔχων ὁρμὴν πρὸς τἀγαθά, καὶ τούτων ἐπιτυγχάνων, τοῦτο δ´ ἐστὶ φύσεως· ἐν γὰρ τῇ ψυχῇ ἔνεστιν τῇ φύσει τοιοῦτον ᾧ ὁρμῶμεν ἀλόγως πρὸς ἃ ἂν εὖ ἔχωμεν. § 9. Καὶ εἴ τις ἐρωτήσειε τὸν οὕτως ἔχοντα, διὰ τί τοῦτο ἀρέσκει σοι οὕτω πράττειν; Οὐκ οἶδα, φησίν, ἀλλ´ ἀρέσκει μοι, ὅμοιον πάσχων τοῖς ἐνθουσιάζουσιν· καὶ γὰρ οἱ ἐνθουσιάζοντες ἄνευ λόγου ὁρμὴν ἔχουσι πρὸς τὸ πράττειν τι. § 10. Τὴν δ´ εὐτυχίαν οὐκ ἔχομεν οἰκείῳ καὶ ἰδίῳ ὀνόματι προσαγορεύειν, ἀλλ´ αἰτίαν πολλάκις φαμὲν εἶναι αὐτήν· ἡ δ´ αἰτία ἀλλότριον τοῦ ὀνόματος. Ἡ γὰρ αἰτία καὶ οὗ ἐστιν αἰτία ἄλλο ἐστίν, καὶ ἄνευ ὁρμῆς τῆς ἐπιτυγχανούσης τῶν ἀγαθῶν αἰτία λεγομένη, οἷον ἡ τοῦ κακὸν μὴ λαβεῖν ἢ πάλιν τοῦ μὴ οἰόμενον ἀγαθὸν λήψεσθαι ἀγαθὸν λαβεῖν. § 11. Ἔστιν οὖν ἡ τοιαύτη εὐτυχία διάφορος ἐκείνης, καὶ ἔοικεν αὕτη ἐκ τῶν πραγμάτων τῆς μεταπτώσεως γίνεσθαι, καὶ κατὰ συμβεβηκὸς εὐτυχία. Ὥστ´ εἰ καὶ ἡ τοιαύτη ἐστὶν εὐτυχία, ἀλλ´ οὖν πρός γε τὴν εὐδαιμονίαν ἡ τοιαύτη ἂν εἴη εὐτυχία οἰκειοτέρα, ἧς ἐν αὐτῷ ἡ ἀρχὴ τῆς ὁρμῆς τῶν ἀγαθῶν ἐστι τῆς ἐπιτεύξεως. § 12. Ἐπεὶ οὖν ἐστιν ἡ εὐδαιμονία οὐκ ἄνευ τῶν ἐκτὸς ἀγαθῶν, ταῦτα δὲ γίνεται ἀπὸ τῆς εὐτυχίας, οἷον ἀρτίως ἔφαμεν, συνεργὸς ἂν εἴη τῇ εὐδαιμονίᾳ.

Traduction française :

[2,10] CHAPITRE X. § 1. La suite naturelle de tout ce qui précède, c'est de parler aussi de la fortune, puisque nous traitons du bonheur. On croit très généralement que la vie heureuse est la vie fortunée, ou du moins qu'il n'y a pas de vie heureuse sans la fortune. Peut-être n'a-t-on pas tout à fait tort ; car, sans les biens extérieurs, dont la fortune dispose souverainement, on ne saurait être complètement heureux. Ainsi, nous ferons bien de parler de la fortune et d'expliquer d'une manière générale ce que c'est que l'homme fortuné, à quelles conditions on est fortuné, et quels sont les biens requis pour l'être. § 2. Au premier coup d'oeil, on pourrait être assez embarrassé pour se décider sur ce sujet en l'abordant. En effet, on ne peut pas dire que la fortune ressemble à la nature; car toujours la nature, pour une chose dont elle est cause, fait cette chose de la même façon ; ou du moins, elle la fait de la même façon dans le plus grand nombre des cas. Tout au contraire, jamais la fortune ne fait les choses de la même manière ; elle les fait sans aucun ordre et comme cela se trouve. Et voilà comment on dit que c'est dans les choses de ce genre que consiste le hasard ou la fortune. La fortune ne peut pas non plus se confondre avec l'intelligence, ni avec la droite raison ; car là encore, la régularité n'éclate pas moins que dans la nature ; les choses y sont éternellement de même ; et la fortune, le hasard ne s'y rencontre point. Aussi, là où il y a le plus de raison et d'intelligence ; là il y a le moins de hasard ; et là où il y a le plus de hasard, là il y a le moins d'intelligence. § 3. Mais la bonne fortune est-elle donc l'effet de la bienveillance ou du soin des Dieux ? Ou bien, n'est-ce pas là encore une idée fausse? Dieu est à nos yeux le dispensateur souverain des biens et des maux, répartis selon qu'on les mérite. Mais la fortune et toutes les choses qui viennent de la fortune, ne sont véritablement réparties qu'au hasard. Si donc nous attribuons à Dieu ce désordre, nous en ferons un très mauvais juge, ou du moins, un juge fort peu équitable ; et c'est là un rôle qui ne convient pas à la majesté divine. § 4. Mais, en dehors des choses que nous venons d'indiquer, on ne saurait où placer la fortune; et par conséquent, elle doit être évidemment l'une quelconque de ces choses. L'intelligence, la raison et la science lui sont, à mon avis, tout à fait étrangères. D'autre part, il n'est pas possible que le soin et là faveur de Dieu soient la source de la prospérité et de la fortune, puisque souvent la fortune appartient tout aussi bien aux méchants, et qu'il est peu probable que Dieu s'occupe des méchants avec tant de sollicitude. § 5. Reste donc la nature, qui doit nous paraître l'origine la plus vraisemblable et la plus simple de la fortune. La prospérité et la fortune consistent dans des choses qui ne dépendent pas de nous, dont nous ne sommes pas les maîtres, et que nous ne pouvons pas faire à notre gré. Aussi, ne dira-t-on jamais de l'homme juste, en tant que juste qu'il est favorisé de la fortune, pas plus qu'on ne le dit de l'homme courageux, ni de quiconque montre de la vertu en quelque genre que ce soit ; car ce sont là des choses qu'il dépend de nous d'avoir ou de n'avoir pas. Mais il est des choses où nous appliquerons plus proprement ce mot de bonne fortune, et nous pourrons dire dé l'homme qui a une naissance illustre, et en général de celui qui reçoit des biens qui ne dépendent pas de lui, que la fortune l'a favorisée § 6. Cependant, ce n'est pas même encore en cela qu'on pourrait dire propre ment qu'il y a faveur de la fortune. Ce mot de fortuné, d'heureux, peut se prendre dans bien des sens ; et, par exemple, celui à qui il est arrivé de faire quelque chose de bien, en faisant tout le contraire de ce qu'il voulait, peut passer pour un homme heureux, pour un homme favorisé de la fortune. On peut encore appeler heureux celui qui, devant selon toute raison subir un dommage, a fait cependant un profit. § 7. Ainsi, il faut entendre que c'est une faveur de la fortune, quand on obtient quelque bien sur lequel on ne pouvait pas raisonnablement compter; ou qu'on n'essuie pas un mal qu'on devait raisonnablement subir. Du reste, ce mot de faveur de la fortune s'appliquera plus spécialement à l'acquisition d'un bien ; car obtenir un bien parait un bonheur en soi, tandis que ne pas éprouver de mal n'est qu'un bonheur indirect et accidentel. § 8. Ainsi donc, la prospérité, la fortune est en quelque sorte une nature privée de raison. L'homme que favorise la fortune est celui qui se porte sans une raison suffisamment éclairée à' la recherche des biens, et les rencontre. Son succès ne peut être attribué qu'à la nature, puisque c'est la nature qui a placé dans notre âme cette force aveugle qui nous porte, sans l'intervention de la raison, vers tout ce qui doit nous faire du bien. § 9. Que si l'on demande à l'homme qui a si bien réussi : « Pourquoi vous a-t-il paru convenable de faire comme vous avez fait ? Je n'en sais rien, répondra-t-il ; c'est que cela m'a convenu comme cela. » Il est absolument comme les gens possédés d'enthousiasme ; ils sont emportés par le sentiment qui les domine, et ils sont poussés, sans être guidés par la raison, à faire ce qu'ils font. § 10. Nous ne pouvons pas du reste donner à la fortune un nom qui lui soit propre et spécial, bien que nous l'appelions souvent une cause. Mais la cause est tout autre chose que le nom qu'on lui donne. En effet, la cause et ce dont elle est cause sont des choses très distinctes ; et l'on peut encore appeler la fortune une cause, indépendamment de cette force toute instinctive qui nous fait acquérir les biens que nous désirons ; par exemple, c'est la cause qui fait qu'on ne subit pas de mal dans un certain cas, ou qu'on reçoit du bien dans un cas où l'on ne devait pas s'y attendre. § 11. Ainsi donc, la fortune, la prospérité ainsi comprise est différente de l'autre, en ce qu'elle semble ne résulter que d'une interversion des choses, et qu'elle est un bonheur indirect et accidentel. Mais si l'on veut encore appeler cela une faveur de la fortune, on ne peut nier toutefois qu'il n'y ait un élément plus spécial de bonheur dans cette autre fortune, où l'individu porte en lui-même le principe de cette force qui lui fait acquérir les biens qu'il souhaite. § 12. En résumé, comme il n'y a pas de bonheur sans les biens extérieurs, et que ces biens-là ne viennent que de la faveur de la fortune, ainsi que nous venons de le dire, il faut reconnaître que la fortune contribue pour sa part au bonheur. voilà ce que nous avions à dire de la fortune et de la prospérité.





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Dernière mise à jour : 29/05/2008