Texte grec :
[1,17] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΙΗ'.
§ 1. Ἔτι δ´ ἐστὶν ἡ διάνοια οὐχ ὥσπερ αἴσθησις, οἷον τῇ ὄψει οὐκ ἂν
δύναιτ´ οὐθὲν ἂν ἄλλο ποιῆσαι ἢ ἰδεῖν, οὐδὲ τῇ ἀκοῇ οὐθὲν ἄλλο ἢ ἀκοῦσαι.
Ὁμοίως δὲ οὐδὲ βουλευόμεθα πότερον δεῖ ἀκοῦσαι τῇ ἀκοῇ ἢ ἰδεῖν. Ἡ δὲ
διάνοια οὐ τοιοῦτον, ἀλλὰ καὶ τοῦτο δύναται πράττειν καὶ ἄλλα. Διὰ τοῦτο
βουλεύεσθαι ἐνταῦθα ἤδη ὑπάρχει.
§ 2. Ἔστιν οὖν ἡ ἁμαρτία ἐν τῇ αἱρέσει τῶν ἀγαθῶν οὐ περὶ τὰ τέλη (ταῦτα
μὲν γὰρ ἅπαντες ὁμογνωμονοῦσιν, οἷον τὴν ὑγίειαν ὅτι ἀγαθόν), ἀλλ´ ἤδη τὰ
κατὰ τὸ τέλος, οἷον πότερον ἀγαθὸν πρὸς ὑγίειαν φαγεῖν τοῦτο ἢ οὔ. Μάλιστα
οὖν ποιεῖ ἐν τούτοις τὸ σφάλλεσθαι ἡδονὴ καὶ λύπη· τὴν μὲν γὰρ φεύγομεν,
τὴν δὲ αἱρούμεθα.
§ 3. Ἐπεὶ οὖν διῄρηται ἐν τίνι ἡ ἁμαρτία καὶ πῶς, λοιπόν ἐστι τίνος ἐστὶν
ἡ ἀρετὴ στοχαστική, πότερον τοῦ τέλους ἢ τῶν πρὸς τὸ τέλος, οἷον πότερον
τοῦ καλοῦ ἢ τῶν πρὸς τὸ καλόν.
§ 4. Πῶς οὖν ἡ ἐπιστήμη; Πότερον τῆς οἰκοδομικῆς ἐστιν ἐπιστήμης τὸ τέλος
καλῶς προθέσθαι, ἢ τὰ πρὸς τὸ τέλος ἰδεῖν; Ἂν γὰρ τοῦτο καλῶς προθῆται,
οἷον καλὴν οἰκίαν ποιῆσαι, καὶ τὰ πρὸς τοῦτο οὐκ ἄλλος τις εὑρήσει καὶ
ποριεῖ ἢ οἰκοδόμος. Ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων ἁπασῶν ἐπιστημῶν.
§ 5. Ὡσαύτως ἄρα δόξειεν ἂν ἔχειν καὶ ἐπ´ ἀρετῆς, μᾶλλον εἶναι αὐτῆς τὸν
σκοπὸν {πρὸς} τὸ τέλος, ὃ δεῖ ὀρθῶς προθέσθαι, ἢ τὰ πρὸς τὸ τέλος· καὶ ἐξ
ὧν τοῦτ´ ἔσται οὐθεὶς ἄλλος ποριεῖ, καὶ εὑρήσει ἃ δεῖ πρὸς τοῦτο. Καὶ
εὔλογον δὲ τούτου εἶναι προθετικὴν τὴν ἀρετήν· ἐν οἷς γὰρ ἡ ἀρχὴ τοῦ
βελτίστου ἐστίν, ἕκαστον καὶ προθετικὸν καὶ ποιητικόν. Οὐθὲν οὖν βέλτιον
τῆς ἀρετῆς ἐστίν· ταύτης γὰρ ἕνεκα καὶ τἆλλα ἐστίν, καὶ πρὸς ταύτην ἐστὶν
ἡ ἀρχή,
§ 6. {καὶ τούτου ἕνεκεν μᾶλλον τὰ πρὸς τοῦτ´ ἐστίν· τὸ δὲ τέλος ἀρχῇ τινι
ἔοικεν, καὶ τούτου ἕνεκέν ἐστιν ἕκαστον. Ἀλλὰ κατὰ τρόπον τοῦτο ἔσται.}
Ὥστε δῆλον ὡς κἀπὶ τῆς ἀρετῆς, ἐπειδὴ βελτίστη ἐστὶν αἰτία, ὅτι τοῦ τέλους
ἐστὶ στοχαστικὴ μᾶλλον ἢ τῶν πρὸς τὸ τέλος.
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Traduction française :
[1,17] CHAPITRE XVII.
§ 1. J'ajoute que la pensée ne ressemble pas du tout à la sensation. La
vue ne peut absolument rien faire que de voir; l'ouïe ne peut faire autre
chose que d'entendre. Aussi, ne délibérons-nous pas pour savoir s'il faut
entendre ou s'il faut voir par l'ouïe. Quant à la pensée, elle est fort
différente ; elle peut faire telle chose ou telle autre chose ; et voilà
comment c'est dans la pensée qu'il y a délibération.
§ 2. On peut se tromper dans le choix des biens qui ne sont pas
directement le but qu'on poursuit ; car pour le but lui-même tout le monde
est parfaitement d'accord ; c'est-à-dire, par exemple, que tout le monde
convient que la santé est un bien. Mais on peut se tromper sur les moyens
qui mènent à ce but; et ainsi, l'on se demande s'il est bon pour la santé
de manger ou de ne pas manger telle ou telle chose, C'est surtout le
plaisir ou la peine qui, dans ces cas, nous font commettre des méprises et
des fautes, parce que nous fuyons celle-ci, et que nous recherchons
celui-là.
§ 3. Maintenant qu'on sait en quoi et comment l'erreur et la faute sont
possibles, il nous faut dire à quoi s'attache et vise la vertu. Est-ce au
but lui-même? Est-ce seulement aux choses qui peuvent y mener? Et, par
exemple, est-ce au bien lui-même qu'on vise ? Ou simplement, aux choses
qui contribuent au bien?
§ 4. Mais d'abord, que se passe-t-il dans la science à cet égard ? Ainsi,
est-ce à la science de l'architecture qu'il appartient de bien définir le
but où l'on tend, en faisant une construction? Ou lui appartient-il
seulement de connaître les moyens qui mènent à ce but? Si ce but est bien
posé, à savoir, de faire une bonne et solide maison, ce ne sera point un
autre que l'architecte qui trouvera et procurera tout ce qu'il faut pour
atteindre ce but. Une même observation pourrait être faite pour toutes les
autres sciences.
§ 5. Il semble qu'il en devrait être de même aussi pour la vertu,
c'est-à-dire que son véritable objet serait de s'occuper de la fin même
qu'elle doit toujours se proposer aussi bonne que possible, plutôt que des
moyens qui conduisent à cette fin. Il n'y a que l'homme vertueux qui saura
procurer et trouver ce qui constitue cette fin, et ce qu'il faut pour y
arriver. Il est donc tout naturel que la vertu se propose cette fin qui
lui est propre, dans toutes ces choses où le principe du meilleur est à la
fois, et ce qui peut l'accomplir, et ce qui peut se la proposer. Par
suite, il n'y a rien de mieux au monde que la vertu ; car c'est pour elle
que tout le reste se fait ; et c'est elle qui en contient le principe.
§ 6. Les choses qui contribuent à la fin qu'on se propose, semblent
davantage n'être faites que pour cette fin. Au contraire, la fin elle-même
représente en quelque sorte un principe, en vue duquel se font chacune des
autres choses, dans la mesure même où chacune d'elles s'y rapportent.
Donc, évidemment aussi pour la vertu, puisqu'elle est le principe et la
cause la meilleure, elle vise au but lui-même plutôt qu'aux choses
secondaires qui y mènent.
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