Texte grec :
[1,16] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΙϚ'.
§ 1. Ἔτι δὲ λοιπόν ἐστιν ἐπισκέψασθαι τὴν προαίρεσιν, πότερόν ἐστιν
ὄρεξις, ἢ οὔ. Ὄρεξις μὲν γὰρ καὶ ἐν τοῖς ἄλλοις ζῴοις ἐγγίγνεται,
προαίρεσις δὲ οὔ· ἡ γὰρ προαίρεσις μετὰ λόγου, λόγος δὲ ἐν οὐδενὶ τῶν
ἄλλων ζῴων ἐστίν. Ὄρεξις μὲν δὴ οὐκ ἂν εἴη·
§ 2. ἀλλ´ ἆρά γε βούλησις; Ἢ οὐδὲ τοῦτο; Βούλησις μὲν γάρ ἐστιν καὶ τῶν
ἀδυνάτων, οἷον βουλόμεθα μὲν ἀθάνατοι εἶναι, προαιρούμεθα δὲ
οὔ. Ἔτι δὲ προαίρεσις μὲν οὐκ ἔστιν τοῦ τέλους, ἀλλὰ τῶν πρὸς τὸ τέλος,
οἷον οὐθεὶς προαιρεῖται ὑγιαίνειν, ἀλλὰ τὸ πρὸς τὴν ὑγίειαν προαιρούμεθα,
περιπατεῖν, τροχάζειν· βουλόμεθα δὲ τὰ τέλη. Ὑγιαίνειν γὰρ βουλόμεθα.
§ 3. Ὥστε δῆλον καὶ οὕτως ὅτι οὐ ταὐτὸν ἡ βούλησις καὶ ἡ προαίρεσις· ἀλλὰ
ἡ προαίρεσις ἔοικεν οὕτως ἔχειν, ὥσπερ καὶ τοὔνομα αὐτῆς ἔχει, οἷον
προαιρούμεθα τόδε ἀντὶ τοῦδε, οἷον τὸ βέλτιον ἀντὶ τοῦ χείρονος. Ὅταν οὖν
ἀντικαταλλαττώμεθα τὸ βέλτιον ἀντὶ τοῦ χείρονος ἐν αἱρέσει ὄντος, ἐνταῦθα
τὸ προαιρεῖσθαι δόξειεν ἂν οἰκεῖον εἶναι.
§ 4. Ἐπεὶ οὖν ἡ προαίρεσις οὐθὲν τούτων ἐστίν, ἆρά γέ ἐστιν τὸ κατὰ
διάνοιαν ἐν προαιρέσει; Ἢ οὐδὲ τοῦτο; Πολλὰ γὰρ διανοούμεθα καὶ δοξάζομεν
κατὰ διάνοιαν· ἆρ´ οὖν ἃ διανοούμεθα, ταῦτα καὶ προαιρούμεθα; Ἢ οὔ;
Πολλάκις γὰρ διανοούμεθα ὑπὲρ τῶν ἐν Ἰνδοῖς, ἀλλ´ οὔτι καὶ προαιρούμεθα.
Οὐκ ἄρα οὐδὲ διάνοιά ἐστιν ἡ προαίρεσις. Ἐπεὶ οὖν καθ´ ἕκαστον τούτων
οὐθέν ἐστιν ἡ προαίρεσις, ταῦτα δέ ἐστιν τὰ ἐν τῇ ψυχῇ γινόμενα, ἀναγκαῖον
{δὴ} συνδυαζομένων τινῶν τούτων εἶναι τὴν προαίρεσιν.
§ 5. Ἐπεὶ οὖν ἐστίν, ὥσπερ ἔμπροσθεν ἐλέχθη, ἡ προαίρεσις τῶν πρὸς τὸ
τέλος ἀγαθῶν καὶ οὐ τοῦ τέλους, καὶ τῶν δυνατῶν ἡμῖν, καὶ τῶν ἀντιλογίαν
παραδιδόντων πότερον τοῦτο ἢ τοῦτο αἱρετόν, δῆλον ὅτι δέοι ἂν πρότερον
διανοηθῆναι ὑπὲρ αὐτῶν καὶ βουλεύσασθαι, εἶθ´ ὅταν ἡμῖν φανῇ κρεῖττον
διανοηθεῖσιν, οὕτως ὁρμή τις τοῦ πράττειν ἐστίν, καὶ τοῦτο δὴ πράττοντες
κατὰ προαίρεσιν δοκοῦμεν πράττειν.
§ 6. Εἰ τοίνυν ἡ προαίρεσις ὄρεξίς τις βουλευτικὴ μετὰ διανοίας, οὐκ ἔστιν
τὸ ἑκούσιον προαιρετόν. ἑκόντες γὰρ πολλὰ πράττομεν πρὸ τοῦ διανοηθῆναι
καὶ βουλεύσασθαι, οἷον καθίζομεν καὶ ἀνιστάμεθα καὶ ἄλλα πολλὰ τοιαῦτα
ἑκόντες μὲν ἄνευ δὲ τοῦ διανοηθῆναι, τὸ δὲ κατὰ προαίρεσιν πᾶν ἦν μετὰ
διανοίας.
§ 7. οὐκ ἄρα τὸ ἑκούσιον προαιρετόν, ἀλλὰ τὸ προαιρετὸν ἑκούσιον· ἄν τι
γὰρ προαιρώμεθα πράττειν βουλευσάμενοι, ἑκόντες πράττομεν. Φαίνονται δέ
τινες ὀλίγοι καὶ τῶν νομοθετῶν διορίζειν τό τε ἑκούσιον καὶ τὸ ἐκ
προαιρέσεως ἕτερον ὄν, ἐλάττους τὰς ζημίας ἐπὶ τοῖς ἑκουσίοις ἢ τοῖς κατὰ
προαίρεσιν τάττοντες.
§ 8. Ἔστιν οὖν ἡ προαίρεσις ἐν τοῖς πρακτοῖς, καὶ τούτοις ἐν οἷς ἐφ´ ἡμῖν
ἐστιν καὶ πρᾶξαι καὶ μὴ πρᾶξαι, καὶ οὕτως ἢ μὴ οὕτως, καὶ ἐν οἷς ἔστι
λαβεῖν τὸ διὰ τί.
§ 9. τὸ δὲ διὰ τί οὐχ ἁπλοῦν ἐστίν. ἐν μὲν γὰρ γεωμετρίᾳ, ὅταν φῇ τὸ
τετράγωνον τέτταρσιν ὀρθαῖς ἴσας ἔχειν, καὶ ἐρωτᾷ διὰ τί, ὅτι, φησίν, καὶ
τὸ τρίγωνον δυσὶν ὀρθαῖς ἴσας ἔχει. ἐν μὲν οὖν τοῖς τοιούτοις ἐκ τῆς ἀρχῆς
ὡρισμένης ἔλαβον τὸ διὰ τί· ἐν δέ γε τοῖς πρακτοῖς, ἐν οἷς ἡ προαίρεσις,
οὐχ οὕτως (οὐδεμία γὰρ κεῖται ὡρισμένη), ἀλλ´ ἂν ἀπαιτῇ τις, διὰ τί τοῦτο
ἔπραξας; Ὅτι οὐκ ἐνῆν ἄλλως, ἢ ὅτι βέλτιον οὕτως. ἐξ αὐτῶν τῶν
συμβαινόντων, ὁποῖ´ ἂν φαίνηται βελτίω εἶναι, ταῦτα προαιρεῖται καὶ διὰ
ταῦτα.
§ 10. διὸ δὴ ἐν τοῖς τοιούτοις τὸ βουλεύσασθαί ἐστι τὸ πῶς δεῖ, ἐν δὲ ταῖς
ἐπιστήμαις οὔ. οὐθεὶς γὰρ βουλεύεται πῶς δεῖ γράψαι τὸ ὄνομα Ἀρχικλέους,
ὅτι ἐστὶν ὡρισμένον πῶς δεῖ γράψαι τὸ ὄνομα Ἀρχικλέους. ἡ οὖν ἁμαρτία οὐ
γίγνεται ἐν τῇ διανοίᾳ, ἀλλ´ ἐν τῇ ἐνεργείᾳ τοῦ γράφειν. ἐν οἷς γὰρ μή
ἐστιν ἡ ἁμαρτία ἐν τῇ διανοίᾳ, οὐδὲ βουλεύονται ὑπὲρ τούτων· ἀλλ´ ἐν οἷς
ἤδη ἀόριστόν ἐστι τὸ ὡς δεῖ, ἐνταῦθα ἡ ἁμαρτία.
§ 11. ἔστιν δ´ ἐν τοῖς πρακτοῖς τὸ ἀόριστον, καὶ ἐν οἷς διτταὶ αἱ
ἁμαρτίαι. ἁμαρτάνομεν οὖν ἐν τοῖς πρακτοῖς καὶ ἐν τοῖς κατὰ τὰς ἀρετὰς
ὁμοίως. τῆς γὰρ ἀρετῆς στοχαζόμενοι ἁμαρτάνομεν ἐπὶ τὰς πεφυκυίας ὁδούς.
ἔστι γὰρ καὶ ἐν ἐλλείψει καὶ ἐν ὑπερβολῇ ἁμαρτία, ἐφ´ ἑκάτερα δὲ τούτων
φερόμεθα δι´ ἡδονὴν καὶ λύπην· διὰ μὲν γὰρ τὴν ἡδονὴν τὰ φαῦλα πράττομεν,
διὰ δὲ τὴν λύπην τὰ καλὰ φεύγομεν.
|
|
Traduction française :
[1,16] CHAPITRE XVI.
§ 1. Il nous reste encore à examiner si la préférence réfléchie qui
détermine notre choix, doit, ou non, passer pour un appétit. L'appétit se
retrouve dans les autres animaux comme dans l'homme ; mais la préférence
qui choisit, n'y apparaît pas. C'est que la préférence est toujours
accompagnée de la raison, et que la raison n'est accordée à aucun autre
animal. Ainsi donc, on pourrait conclure que la préférence n'est pas un appétit.
§ 2. Mais du moins, est-elle la volonté ? Ou bien, n'est-elle même pas
davantage la volonté? La volonté peut s'appliquer même aux choses
impossibles ; et, par exemple, nous voudrions être immortels. Mais nous ne
le préférons pas par un choix réfléchi. En outre, la préférence ne
s'applique pas au but lui-même qu'on poursuit, mais aux moyens qui peuvent
y mener; et par exemple, on ne peut pas dire qu'on préfère la santé ;
mais on préfère, entre les choses, celles qui la procurent, la promenade,
l'exercice, etc. ; et ce que nous voulons, c'est la fin même ; car nous
voulons la santé.
§ 3. Cette distinction nous indique évidemment la différence profonde de
la volonté, et de la préférence réfléchie, qui décide notre choix. La
préférence, comme son nom même l'exprime assez clairement, signifie que
nous préférons telle chose à telle autre ; et, par exemple, le meilleur au
moins bon. Lorsque nous comparons le moins bon au meilleur, et que nous
avons la liberté du choix, c'est en ce sens spécial que l'on peut dire
proprement qu'il y a préférence.
§ 4. Ainsi, la préférence ne se confond, ni avec l'appétit, ni avec la
volonté. Mais la pensée est-elle au fond la préférence ? On bien, la
préférence n'est-elle pas non plus la pensée ? Nous pensons, et nous
imaginons une foule de choses dans notre pensée. Mais ce que nous pensons,
peut-il être aussi l'objet de notre référencé et de notre choix? Ou ne le
peut-il pas ? Ainsi, par exemple, nous pensons souvent aux évènements qui
se passent chez les Indiens ; pouvons-nous y appliquer notre préférence,
comme nous y appliquons notre pensée ? Par là, on voit que la préférence
ne se confond pas du tout avec la pensée.
§ 5. Puis donc que la préférence ne se rapporte isolément à aucune des
facultés de l'esprit que nous venons d'énumérer, et que ce sont là tous
les phénomènes de l'âme, il faut nécessairement que la préférence soit la
combinaison de quelques-unes de ces facultés, prises deux à deux. Mais
comme la préférence ou le choix s'applique, ainsi que je viens de le dire,
non pas à la fin même qu'on poursuit, mais seulement aux moyens qui y
mènent ; comme en outre elle ne s'applique qu'à des choses qui nous sont
possibles, et dans les cas où l'on peut se poser la question de savoir si
telle ou telle chose doit être choisie, il est clair qu'il faut
préalablement penser à ces choses et délibérer sur elles, et que c'est
seulement après que l'un des deux partis nous a semblé préférable à
l'autre, toute réflexion faite; qu'il se produit en nous une certaine
impulsion qui nous porte à faire la chose. Alors, en agissant ainsi, nous
paraissons agir par préférence.
§ 6. Si donc la préférence est une sorte d'appétit et de désir, précédé et
accompagné d'une pensée réfléchie, l'acte volontaire n'est pas un acte de
préférence. En effet, il est une foule d'actes que nous faisons de notre
plein gré, avant d'y avoir pensé et réfléchi. Nous nous asseyons, nous
nous levons, et nous accomplissons mille autres actions volontaires, sans
y penser le moins du monde, tandis que, d'après ce qu'on vient de voir,
tout acte qui se fait par préférence est toujours accompagné de pensée.
§ 7. Ainsi donc, l'acte volontaire n'est pas un acte de préférence ; mais
l'acte de préférence est toujours volontaire ; et si nous préférons faire
telle ou telle chose après mûre délibération, nous la faisons de notre
pleine et entière volonté. On a même vu des législateurs, en petit nombre
il est vrai, distinguer profondément entre l'acte volontaire et l'acte
prémédité, qu'ils plaçaient dans une tout autre classe, en établissant de
moindres peines pour les actes de volonté que pour ceux de préméditation.
§ 8. La préférence ne peut donc avoir lieu que dans les choses que l'homme
peut faire, et dans les cas où il dépend de nous d'agir ou de ne pas agir,
de faire de telle façon ou de telle autre ; en un mot, dans toutes les
choses où l'on peut savoir le pourquoi de ce que l'on fait.
§ 9. Mais le pourquoi, la cause n'est pas du tout simple. En géométrie,
quand on dit que le quadrilatère a ses quatre angles égaux à quatre angles
droits, et qu'on demande pourquoi, on répond : C'est que le triangle a ses
trois angles égaux à deux droits. Dans les choses de cette espèce, en
remontant à un principe déterminé, on en tire le pourquoi. Mais dans les
cas où il faut agir et où il y a possibilité de choix et de préférence, il
n'en est plus ainsi ; car aucune préférence n'est déterminée. Mais si l'on
demande : Pourquoi avez-vous fait cela? Un ne peut que répondre : Parce
que je ne pouvais pas faire autrement ; ou bien : Parce que c'était mieux
ainsi. C'est uniquement d'après les circonstances qu'on choisit le parti
qui semble le meilleur, et ce sont elles qui nous décident.
§ 10. Aussi dans les choses de ce genre, la délibération est possible pour
savoir comment il faut agir. Mais il en est tout autrement dans les choses
que l'on sait de science certaine. On ne va pas délibérer pour savoir
comment il faut écrire le nom d'Archiclès, parce que l'orthographe en est
déterminée, et qu'on sait positivement comment il faut l'écrire. Si l'on
fait une faute, elle n'est pas dans l'esprit ; elle est uniquement dans
l'acte même d'écrire. C'est que dans tous les cas où il ne peut y avoir
d'erreur possible pour d'esprit, on ne délibère pas ; et c'est seulement
dans les choses où la manière dont elles doivent être n'est pas déterminée
exactement, qu'il y a possibilité d'erreur.
§ 11. Mais l'indétermination se trouve dans toutes les choses que l'homme
peut faire, et dans toutes celles où la faute peut être double et en deux
sens différents. Nous nous trompons donc dans les choses d'action, et par
suite également dans les choses qui se rapportent aux vertus. Tout en
visant à la vertu, nous nous égarons dans les chemins qui nous sont
naturels et ordinaires. La faute alors peut se trouver également et dans
l'excès et dans le défaut, et nous pouvons être entraînés à l'un et à
l'autre de ces extrêmes par le plaisir ou par la douleur. Le plaisir nous
pousse à faire mal, et la douleur nous porte à fuir le devoir et le
bien.
|
|