[13,10] CHAPITRE X.
Ὃ δὲ καὶ τοῖς λέγουσι τὰς ἰδέας ἔχει τινὰ ἀπορίαν (15) καὶ τοῖς μὴ λέγουσιν, καὶ κατ' ἀρχὰς ἐν τοῖς διαπορήμασιν ἐλέχθη πρότερον, λέγωμεν νῦν.
Εἰ μὲν γάρ τις μὴ θήσει τὰς οὐσίας εἶναι κεχωρισμένας, καὶ τὸν τρόπον τοῦτον ὡς λέγεται τὰ καθ' ἕκαστα τῶν ὄντων, ἀναιρήσει τὴν οὐσίαν ὡς βουλόμεθα λέγειν· ἂν δέ τις θῇ τὰς οὐσίας χωριστάς, (20) πῶς θήσει τὰ στοιχεῖα καὶ τὰς ἀρχὰς αὐτῶν; Εἰ μὲν γὰρ καθ' ἕκαστον καὶ μὴ καθόλου, τοσαῦτ' ἔσται τὰ ὄντα ὅσαπερ τὰ στοιχεῖα, καὶ οὐκ ἐπιστητὰ τὰ στοιχεῖα (ἔστωσαν γὰρ αἱ μὲν ἐν τῇ φωνῇ συλλαβαὶ οὐσίαι τὰ δὲ στοιχεῖα αὐτῶν στοιχεῖα τῶν οὐσιῶν· ἀνάγκη δὴ τὸ ΒΑ ἓν εἶναι καὶ ἑκάστην (25) τῶν συλλαβῶν μίαν, εἴπερ μὴ καθόλου καὶ τῷ εἴδει αἱ αὐταὶ ἀλλὰ μία ἑκάστη τῷ ἀριθμῷ καὶ τόδε τι καὶ μὴ ὁμώνυμον· ἔτι δ' αὐτὸ ὃ ἔστιν ἓν ἕκαστον τιθέασιν· εἰ δ' αἱ συλλαβαί, οὕτω καὶ ἐξ ὧν εἰσίν· οὐκ ἔσται ἄρα πλείω ἄλφα ἑνός, οὐδὲ τῶν ἄλλων στοιχείων οὐθὲν κατὰ τὸν αὐτὸν λόγον (30) ὅνπερ οὐδὲ τῶν ἄλλων συλλαβῶν ἡ αὐτὴ ἄλλη καὶ ἄλλη· ἀλλὰ μὴν εἰ τοῦτο, οὐκ ἔσται παρὰ τὰ στοιχεῖα ἕτερα ὄντα, ἀλλὰ μόνον τὰ στοιχεῖα· ἔτι δὲ οὐδ' ἐπιστητὰ τὰ στοιχεῖα· οὐ γὰρ καθόλου, ἡ δ' ἐπιστήμη τῶν καθόλου· δῆλον δ' ἐκ τῶν ἀποδείξεων καὶ τῶν ὁρισμῶν, οὐ γὰρ γίγνεται συλλογισμὸς (35) ὅτι τόδε τὸ τρίγωνον δύο ὀρθαῖς, εἰ μὴ πᾶν τρίγωνον δύο ὀρθαί, οὐδ' ὅτι ὁδὶ ὁ ἄνθρωπος ζῷον, εἰ μὴ πᾶς ἄνθρωπος ζῷον)·
(1087a) (1) ἀλλὰ μὴν εἴγε καθόλου αἱ ἀρχαί, ἢ καὶ αἱ ἐκ τούτων οὐσίαι καθόλου ἢ ἔσται μὴ οὐσία πρότερον οὐσίας· τὸ μὲν γὰρ καθόλου οὐκ οὐσία, τὸ δὲ στοιχεῖον καὶ ἡ ἀρχὴ καθόλου, πρότερον δὲ τὸ στοιχεῖον καὶ ἡ ἀρχὴ ὧν ἀρχὴ καὶ στοιχεῖόν ἐστιν. Ταῦτά τε δὴ πάντα συμβαίνει εὐλόγως, (5) ὅταν ἐκ στοιχείων τε ποιῶσι τὰς ἰδέας καὶ παρὰ τὰς τὸ αὐτὸ εἶδος ἐχούσας οὐσίας καὶ ἰδέας ἕν τι ἀξιῶσιν εἶναι καχωρισμένον· εἰ δὲ μηθὲν κωλύει ὥσπερ ἐπὶ τῶν τῆς φωνῆς στοιχείων πολλὰ εἶναι τὰ ἄλφα καὶ τὰ βῆτα καὶ μηθὲν εἶναι παρὰ τὰ πολλὰ αὐτὸ ἄλφα καὶ αὐτὸ βῆτα, ἔσονται (10) ἕνεκά γε τούτου ἄπειροι αἱ ὅμοιαι συλλαβαί.
Τὸ δὲ τὴν ἐπιστήμην εἶναι καθόλου πᾶσαν, ὥστε ἀναγκαῖον εἶναι καὶ τὰς τῶν ὄντων ἀρχὰς καθόλου εἶναι καὶ μὴ οὐσίας κεχωρισμένας, ἔχει μὲν μάλιστ' ἀπορίαν τῶν λεχθέντων, οὐ μὴν ἀλλὰ ἔστι μὲν ὡς ἀληθὲς τὸ λεγόμενον, ἔστι δ' ὡς οὐκ ἀληθές. (15) Ἡ γὰρ ἐπιστήμη, ὥσπερ καὶ τὸ ἐπίστασθαι, διττόν, ὧν τὸ μὲν δυνάμει τὸ δὲ ἐνεργείᾳ. Ἡ μὲν οὖν δύναμις ὡς ὕλη τοῦ καθόλου οὖσα καὶ ἀόριστος τοῦ καθόλου καὶ ἀορίστου ἐστίν, ἡ δ' ἐνέργεια ὡρισμένη καὶ ὡρισμένου, τόδε τι οὖσα τοῦδέ τινος, ἀλλὰ κατὰ συμβεβηκὸς ἡ ὄψις τὸ καθόλου χρῶμα ὁρᾷ (20) ὅτι τόδε τὸ χρῶμα ὃ ὁρᾷ χρῶμά ἐστιν, καὶ ὃ θεωρεῖ ὁ γραμματικός, τόδε τὸ ἄλφα ἄλφα· ἐπεὶ εἰ ἀνάγκη τὰς ἀρχὰς καθόλου εἶναι, ἀνάγκη καὶ τὰ ἐκ τούτων καθόλου, ὥσπερ ἐπὶ τῶν ἀποδείξεων· εἰ δὲ τοῦτο, οὐκ ἔσται χωριστὸν οὐθὲν οὐδ' οὐσία. Ἀλλὰ δῆλον ὅτι ἔστι μὲν ὡς ἡ ἐπιστήμη καθόλου, ἔστι (25) δ' ὡς οὔ.
| [13,10] CHAPITRE X.
Nous avons dit au commencement, dans la position des questions à résoudre, (15) quels embarras se présentent, et si l’on admet, et si l’on rejette la doctrine des idées. Revenons-y maintenant.
Si l’on veut que ce ne soient point des substances séparées à la manière des êtres individuels, alors on anéantit la substance, telle que nous la concevons. Si l’on suppose, au contraire, des substances séparées, (20) comment se représenter leurs éléments et leurs principes ? Si ces éléments sont particuliers et non des universaux, il y aura autant d’éléments que d’êtres, et il n’y aura pas de science possible des éléments. Supposons, par exemple, que les syllabes qui composent le mot soient des substances, et que leurs éléments soient les éléments des substances, il faudra que la syllabe BA soit une ainsi que chacune (25) des autres syllabes ; car elles ne sont pas des universaux, et ne sont point identiques par un rapport de l’espèce : chacune d’elles est une en nombre, elle est un être déterminé, seul de son espèce. Ensuite, dans cette hypothèse, chaque syllabe est à part et indépendante, et, si telles sont les syllabes, tels seront aussi les éléments des syllabes. De sorte qu’il n’y aura pas plus d’un seul A ; et de même pour chacun des autres éléments des syllabes, (30) en vertu de ce principe que, parmi les syllabes, la même ne saurait jouer des rôles différents. Or, s’il en est ainsi, il n’y aura pas d’autres êtres en dehors des éléments ; il n’y aura que des éléments. Ajoutez qu’il n’y a pas de science des éléments ; car ils n’ont pas le caractère de la généralité, et la science embrasse le général. C’est ce qu’on voit clairement dans les définitions et les démonstrations : on ne conclurait pas (35) que les trois angles de tel triangle particulier égalent deux angles droits, si les trois angles de tout triangle n’égalaient pas deux droits ; on ne dirait pas que cet homme est un animal, si tout homme n’était pas un animal.
(1087a) (1) Si, d’un autre côté, les principes sont universels, ou s’ils constituent les essences universelles, ce qui n’est pas substance sera antérieur à la substance, car l’universel n’est pas une substance, et les éléments et les principes sont des universaux. Toutes ces conséquences sont légitimes, (5) si l’on compose les idées d’éléments, si l’on admet qu’indépendamment des idées et des substances de même espèce, il y a une autre substance séparée des premières. Mais rien n’empêche qu’il en soit pour les autres substances comme pour les éléments des sons, où l’on a plusieurs A, plusieurs B, servant à former une infinité de syllabes, (10) sans que pour cela il y ait, indépendamment de ces lettres, l’A en soi et le B en soi.
La plus importante des difficultés que nous ayons énumérées est celle-ci : Toute science porte sur l’universel, il faut donc nécessairement que les principes des êtres soient des universaux et non des substances séparées. Cette assertion est vraie sous un point de vue ; sous un autre elle ne l’est pas. (15) La science et le savoir sont doubles en quelque sorte : il y a la science en puissance et la science en acte. La puissance étant, pour ainsi dire, la matière de l’universel et l’indétermination même, appartient à l’universel et à l’indéterminé ; mais l’acte est déterminé : tel acte déterminé porte sur tel objet déterminé. Cependant l’œil voit accidentellement la couleur universelle, (20) parce que telle 289 couleur qu’il voit, est une couleur en général. Cet A particulier qu'étudie le grammairien est un A en général. Car, s’il est nécessaire que les principes soient universels, ce qui en dérive l’est nécessairement aussi, comme on le voit dans les démonstrations. Et s’il en est ainsi, rien n’est séparé, pas même la substance. Toutefois il est clair que sous un point de vue la science est universelle, et que sous un autre elle ne l’est pas.
|