Texte grec :
[10,5] CHAPITRE V.
Ἐπεὶ δὲ ἓν ἑνὶ ἐναντίον, ἀπορήσειεν ἄν τις πῶς ἀντίκειται τὸ ἓν καὶ τὰ πολλά, καὶ τὸ ἴσον τῷ μεγάλῳ καὶ τῷ μικρῷ. Εἰ γὰρ τὸ πότερον ἀεὶ ἐν ἀντιθέσει λέγομεν, οἷον πότερον λευκὸν ἢ μέλαν, καὶ πότερον λευκὸν ἢ οὐ λευκόν πότερον δὲ ἄνθρωπος ἢ λευκὸν οὐ λέγομεν, ἐὰν μὴ ἐξ (35) ὑποθέσεως καὶ ζητοῦντες οἷον πότερον ἦλθε Κλέων ἢ Σωκράτης. Ἀλλ' οὐκ ἀνάγκη ἐν οὐδενὶ γένει τοῦτο· ἀλλὰ καὶ τοῦτο ἐκεῖθεν ἐλήλυθεν· τὰ γὰρ ἀντικείμενα μόνα οὐκ ἐνδέχεται ἅμα ὑπάρχειν, ᾧ καὶ ἐνταῦθα χρῆται ἐν τῷ πότερος ἦλθεν· (1056a)(1) εἰ γὰρ ἅμα ἐνεδέχετο, γελοῖον τὸ ἐρώτημα· εἰ δέ, καὶ οὕτως ὁμοίως ἐμπίπτει εἰς ἀντίθεσιν, εἰς τὸ ἓν ἢ πολλά, οἷον πότερον ἀμφότεροι ἦλθον ἢ ἅτερος·
εἰ δὴ ἐν τοῖς ἀντικειμένοις ἀεὶ τοῦ ποτέρου ἡ ζήτησις, λέγεται δὲ πότερον μεῖζον (5) ἢ ἔλαττον ἢ ἴσον, τίς ἐστιν ἡ ἀντίθεσις πρὸς ταῦτα τοῦ ἴσου; Οὔτε γὰρ θατέρῳ μόνῳ ἐναντίον οὔτ' ἀμφοῖν· τί γὰρ μᾶλλον τῷ μείζονι ἢ τῷ ἐλάττονι; Ἔτι τῷ ἀνίσῳ ἐναντίον τὸ ἴσον, ὥστε πλείοσιν ἔσται ἢ ἑνί. Εἰ δὲ τὸ ἄνισον σημαίνει τὸ αὐτὸ ἅμα ἀμφοῖν, εἴη μὲν ἂν ἀντικείμενον ἀμφοῖν (10) καὶ ἡ ἀπορία βοηθεῖ τοῖς φάσκουσι τὸ ἄνισον δυάδα εἶναἰ, ἀλλὰ συμβαίνει ἓν δυοῖν ἐναντίον· ὅπερ ἀδύνατον.
Ἔτι τὸ μὲν ἴσον μεταξὺ φαίνεται μεγάλου καὶ μικροῦ, ἐναντίωσις δὲ μεταξὺ οὐδεμία οὔτε φαίνεται οὔτε ἐκ τοῦ ὁρισμοῦ δυνατόν· οὐ γὰρ ἂν εἴη τελεία μεταξύ τινος οὖσα, ἀλλὰ μᾶλλον (15) ἔχει ἀεὶ ἑαυτῆς τι μεταξύ.
§ 6. Λείπεται δὴ ἢ ὡς ἀπόφασιν ἀντικεῖσθαι ἢ ὡς στέρησιν. Θατέρου μὲν δὴ οὐκ ἐνδέχεται (τί γὰρ μᾶλλον τοῦ μεγάλου ἢ μικροῦ;) ἀμφοῖν ἄρα ἀπόφασις στερητική, διὸ καὶ πρὸς ἀμφότερα τὸ πότερον λέγεται, πρὸς δὲ θάτερον οὔ (οἷον πότερον μεῖζον ἢ ἴσον, ἢ πότερον ἴσον ἢ (20) ἔλαττον), ἀλλ' ἀεὶ τρία. οὐ στέρησις δὲ ἐξ ἀνάγκης· οὐ γὰρ πᾶν ἴσον ὃ μὴ μεῖζον ἢ ἔλαττον, ἀλλ' ἐν οἷς πέφυκεν ἐκεῖνα.
Ἔστι δὴ τὸ ἴσον τὸ μήτε μέγα μήτε μικρόν, πεφυκὸς δὲ ἢ μέγα ἢ μικρὸν εἶναι· καὶ ἀντίκειται ἀμφοῖν ὡς ἀπόφασις στερητική, διὸ καὶ μεταξύ ἐστιν. καὶ τὸ μήτε (25) ἀγαθὸν μήτε κακὸν ἀντίκειται ἀμφοῖν, ἀλλ' ἀνώνυμον· πολλαχῶς γὰρ λέγεται ἑκάτερον καὶ οὐκ ἔστιν ἓν τὸ δεκτικόν, ἀλλὰ μᾶλλον τὸ μήτε λευκὸν μήτε μέλαν. Ἕν δὲ οὐδὲ τοῦτο λέγεται, ἀλλ' ὡρισμένα πως ἐφ' ὧν λέγεται στερητικῶς ἡ ἀπόφασις αὕτη· ἀνάγκη γὰρ ἢ φαιὸν ἢ (30) ὠχρὸν εἶναι ἢ τοιοῦτόν τι ἄλλο. Ὥστε οὐκ ὀρθῶς ἐπιτιμῶσιν οἱ νομίζοντες ὁμοίως λέγεσθαι πάντα, ὥστε ἔσεσθαι ὑποδήματος καὶ χειρὸς μεταξὺ τὸ μήτε ὑπόδημα μήτε χεῖρα, ἔπειπερ καὶ τὸ μήτε ἀγαθὸν μήτε κακὸν τοῦ ἀγαθοῦ καὶ τοῦ κακοῦ, ὡς πάντων ἐσομένου τινὸς μεταξύ. Οὐκ ἀνάγκη (35) δὲ τοῦτο συμβαίνειν. Ἡ μὲν γὰρ ἀντικειμένων συναπόφασίς ἐστιν ὧν ἔστι μεταξύ τι καὶ διάστημά τι πέφυκεν εἶναι· (1056b)(1) τῶν δ' οὐκ ἔστι διαφορά· ἐν ἄλλῳ γὰρ γένει ὧν αἱ συναποφάσεις, ὥστ' οὐχ ἓν τὸ ὑποκείμενον.
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Traduction française :
[10,5] CHAPITRE V.
L'unité étant opposée à une unité, on pourrait se poser cette difficulté : Comment l'unité est-elle opposée à la pluralité (car tous les contraires se ramènent 136 à ceux-là)? Comment l'égal est-il opposé au grand et au petit ? Dans toute interrogation à deux termes, nous opposons toujours deux choses ; ainsi : Est-ce blanc ou noir ? Est-ce blanc ou non-blanc ? Mais nous ne disons pas : Est-il homme ou blanc, sinon dans une hypothèse particulière, quand nous demandons, par exemple: Lequel des deux est venu? Cléon ou Socrate? Lorsqu'il s'agit de genres différents, l'interrogation n'est pas de même nature ; ce n'est point nécessairement l'un ou l'autre ; ici même si l'on a pu s'exprimer de la sorte, c'est qu'il y avait contrariété dans l'hypothèse; car les contraires seuls ne peuvent pas exister en même temps, et c'est là la supposition que l'on fait ici quand on demande : Lequel des deux est venu ? (1056a) S'il était possible qu'ils fussent venus en même temps, la question serail ridicule. Et cependant, même dans ce dernier cas, il y aurait encore opposition, opposition de l'unité et de la pluralité ; par exemple: Sont-ils venus tous deux, ou bien un seul des deux est-il venu ?
Si l'interrogation à deux termes est toujours relative aux contraires, comme on fait l'interrogation relativement au plus grand, au plus petit, et à l'égal, comment alors l'égal serait-il opposé au plus grand et au plus petit? Il ne peut pas être seulement le contraire de l'un des deux; il ne peut pas l'être non plus de tous 137 les deux ; car, pourquoi le serait-il plutôt du plus grand que du plus petit ? D'ailleurs, l'égal est encore opposé comme contraire à l'inégal. De sorte, qu'une chose serait le contraire de plusieurs.
D'un autre côté, si l'inégal signifie la même chose que les deux autres termes, grand et petit, l'égal sera opposé à tous les deux, et alors cette difticulté vient à l'appui de ceux qui disent que l'inégalité, c'est la dyade. Mais il résulte de là, qu'une chose est le contraire de deux; ce qui est impossible. De plus, l'égal serait intermédiaire entre le grand et le petit ; mais aucun contraire n'est, ce semble, un intermédiaire; cela n'est pas possible, d'après la définition. La contrariété ne serait pas une différence parfaite, si elle était un intermédiaire; il est bien plus vrai de dire qu'il y a toujours des intermédiaires entre les contraires. Reste donc à dire que l'égal, est opposé au grand et au petit, comme négation ou comme privation. D'abord, il ne peut pas être opposé ainsi à l'un des deux seulement ; car, pourquoi plutôt au grand qu'au petit ? Il sera donc la négation privative de tous les deux. C'est pourquoi, quand on pose la question, il faut toujours qu'il y ait comparaison de l'égal avec les deux autres termes, et non pas seulement avec l'un des deux. On ne dira pas : Est-il plus grand ou égal, plus petit ou égal ? mais les trois termes devront se trouver toujours réunis ; et encore n'y aura-t-il pas nécessairement privation ; car ce qui n'est ni plus grand ni plus petit n'est pas toujours égal : cela ne 138 peut avoir lieu que pour les choses qui sont naturellement grandes ou petites.
Ainsi l'égal, c'est ce qui n'est ni grand ni petit, tout en ayant naturellement la propriété d'être grand ou petit. Il est opposé à tous les deux comme négation privative, et c'est pour cela qu'il est un intermédiaire. De même, ce qui n'est ni mauvais ni bon est opposé au bon et au mauvais, mais n'a pas reçu de nom ; et cela vient de ce que le bien comme le mal se prend dans plusieurs sens ; de ce que le sujet n'est pas un : il y aurait plutôt un sujet unique pour ce qui n'est ni blanc ni noir; et pourtant ici même il n'y a pas réellement unité, seulement ce n'est qu'à certaines couleurs déterminées que s'applique cette même négation privative du noir et du blanc. En effet, il faut nécessairement que la couleur soit ou brune ou jaune, ou quelque autre chose de déterminé. Ils ont donc tort, d'après cela, ceux qui prétendent qu'il en est de même dans tous les cas : il y aurait donc entre la chaussure et la main un intermédiaire qui ne serait ni la chaussure ni la main, parce qu'il y a entre le bien et le mal ce qui n'est ni bien ni mal. Il y aurait donc des intermédiaires entre toutes choses. Mais cette conséquence n'est pas nécessaire. Il peut y avoir négation des deux opposés à la fois, dans les choses qui admettent quelque intermédiaire, entre lesquelles il y a naturellement un certain intervalle; mais dans l'exemple que l'on cite, (1056b) il n'y a pas différence. Les deux termes compris dans la 139 commune négation ne sont plus de même genre ; il n'y a donc pas unité de sujet.
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