[7,11] CHAPITRE XI.
1 Περὶ δὲ ἀγαθοῦ καὶ κατ´ ἀρετὴν φίλου, σκεπτέον πότερον δεῖ ἐκείνῳ τὰ χρήσιμα ὑπηρετεῖν καὶ βοηθεῖν ἢ τῷ ἀντιποιοῦντι καὶ δυναμένῳ. Τοῦτο δὲ τὸ αὐτὸ πρόβλημα ἐστί, (1244a) πότερον τὸν φίλον ἢ τὸν σπουδαῖον εὖ ποιητέον μᾶλλον. 2 Ἂν μὲν γὰρ ὁ φίλος καὶ σπουδαῖος, ἴσως οὐ λίαν χαλεπόν, ἂν μή τις τὸ μὲν αὐξήσῃ τὸ δὲ ταπεινώσῃ, φίλον μὲν σφόδρα ποιῶν, ἐπιεικῆ δὲ ἠρέμα· εἰ δὲ μή, πολλὰ προβλήματα γίνεται, οἷον εἰ ὃ μὲν ἦν, οὐκ ἔσται δέ, ὃ δὲ ἔσται, οὔπω δέ, ἢ ὃ μὲν ἐγένετο, ἔστι δ´ οὔ, ὃ δὲ ἔστιν, οὐκ ἦν δὲ οὐδὲ ἔσται, ** 3 ἀλλ´ ἐκεῖνο ἐργωδέστερον. Μὴ γάρ τι λέγει Εὐριπίδης, ποιήσας
"λόγων δίκαιον μισθὸν ἂν λόγους φέροις,
ἔργον δ´ ἐκεῖνος ἔργον ὃς παρέσχετο."
Καὶ οὐ πάντα δεῖ τῷ πατρί, ἀλλ´ ἔστιν ἄλλ´ ἃ δεῖ τῇ μητρί· καίτοι βελτίων ὁ πατήρ. Οὐδὲ γὰρ τῷ Διὶ πάντα θύεται, οὐδ´ ἔχει πάσας τὰς τιμὰς ἀλλὰ τινάς· 4 ἴσως οὖν ἔστιν ἃ δεῖ τῷ χρησίμῳ, ἄλλα δὲ τῷ ἀγαθῷ. Οἷον οὐχ εἰ σῖτον δίδωσι καὶ τὰ ἀναγκαῖα, καὶ συζῆν τούτῳ δεῖ· οὐδ´ ᾧ τοίνυν τὸ συζῆν, τούτῳ ἃ μὴ οὗτος δίδωσιν, ἀλλὰ χρήσιμος. Ἀλλ´ οἳ τοῦτο ποιοῦντες τούτῳ πάντα τῷ ἐρωμένῳ διδόασιν οὐ δέον, οὐδενός εἰσιν ἄξιοι.
5 Καὶ οἱ ἐν τοῖς λόγοις ὅροι τῆς φιλίας πάντες μέν πώς εἰσι φιλίας, ἀλλ´ οὐ τῆς αὐτῆς. Τῷ μὲν γὰρ χρησίμῳ τὸ βούλεσθαι τὰ κείνῳ ἀγαθὰ καὶ τῷ εὖ ποιήσαντι καὶ τῷ ὁποῖος δεῖ (οὐ γὰρ ἐπισημαίνει οὗτος ὁ ὁρισμὸς τῆς φιλίας), ἄλλῳ δὲ τὸ εἶναι καὶ ἄλλῳ τὸ συζῆν, τῷ δὲ καθ´ ἡδονὴν τὸ συναλγεῖν καὶ συγχαίρειν· 6 πάντες δ´ οὗτοι οἱ ὅροι κατὰ φιλίαν μὲν λέγονται τινά, οὐ πρὸς μίαν δ´ οὐδείς. Διὸ πολλοὶ εἰσί, καὶ ἕκαστος μιᾶς εἶναι δοκεῖ φιλίας, οὐκ ὤν, οἷον ἡ τοῦ εἶναι προαίρεσις. Καὶ γὰρ ὁ καθ´ ὑπεροχὴν καὶ ποιήσας εὖ ** βούλεται τῷ ἔργῳ τῷ αὑτοῦ ὑπάρχειν, καὶ τῷ δόντι τὸ εἶναι δεῖ καὶ ἀνταποδιδόναι, ἀλλὰ συζῆν οὐ τούτῳ, ἀλλὰ τῷ ἡδεῖ. 7 Ἀδικοῦσιν οἱ φίλοι ἀλλήλους ἔνιοι· τὰ γὰρ πράγματα μᾶλλον, ἀλλ´ οὐ φιλοῦσι τὸν ἔχοντα· διὸ φιλεῖ κἀκείνους οἷον διότι ἡδὺς τὸν οἶνον εἵλετο, καὶ ὅτι χρήσιμος τὸν πλοῦτον εἵλετο· χρησιμώτερος γάρ. Διὸ οὐ δεῖ ἀγανακτεῖν, ὥσπερ ἂν εἰ μᾶλλον εἵλετο ἀντὶ ἥττονος. Οἳ δ´ ἐγκαλοῦσιν· ἐκεῖνον γὰρ νῦν ζητοῦσι τὸν ἀγαθόν, πρότερον ζητήσαντες τὸν ἡδὺν ἢ τὸν χρήσιμον.
| [7,11] CHAPITRE XI.
1 Une question qu'on peut se poser encore, c'est de savoir à qui il faut de préférence rendre service, à un ami que recommande sa seule vertu, ou bien à celui qui reconnaît ou peut reconnaître ce qu'on fait pour lui. Cette question revient à se demander (1244a() s'il faut faire du bien à son ami plutôt qu'à un homme qui n'a que la vertu pour titre à vos bienfaits. 2 Si le bonheur veut que votre ami soit un homme vertueux, en même temps qu'il est votre ami, la question n'offre pas, comme on voit, très grande difficulté, à moins qu'on n'enfle démesurément l'une de ces qualités et qu'on ne rapetisse l'autre, en supposant que cet homme est votre intime ami, et qu'il est médiocrement honnête. Si l'on ne suppose pas que la vertu est égale à l'amitié, il se présente alors une foule de questions délicates : et, par exemple, si l'un a été votre ami, mais qu'il doive ne plus l'être; et que l'autre doive l'être, mais ne le soit pas encore; ou bien, si l'un l'a été, mais qu'il ne le soit plus; et que l'autre le soit maintenant, mais qu'il ne soit pas toujours été et qu'il ne doive pas toujours l'être. 3 On comprend qu'il soit trop difficile de suivre toutes ces arguties ; et comme le dit Euripide dans ses vers :
« N'avez-vous que des mots? en mots on vous paiera;
» Mais si vous agissez, pour vous on agira. »
Le vrai, c'est qu'il faut agir ici comme l'on agit envers son père. On ne donne pas tout absolument à son père; et il y a certaines choses qu'on doit réserver pour sa mère, bien que cependant un père soit supérieur. C'est encore ainsi que l'on n'immole pas toutes les victimes au seul Jupiter, et qu'il n'a pas tous les hommages des humains, mais seulement certains hommages qui lui sont dus plus particulièrement. 4 De même, on peut dire qu'il y a des choses qu'on doit faire pour l'ami qui nous est utile ; et qu'il en est d'autres qu'on doit faire pour l'honnête homme. Ainsi, quelqu'un peut vous donner du pain et satisfaire à tous vos besoins, sans que vous soyez tenu de vivre avec lui; et réciproquement, on peut vivre avec quelqu'un, sans lui rendre ce qu'il ne donne pas lui-même, dans ces rapports de réelle amitié, et ne faire pour lui que ce que fait l'ami par intérêt. Mais quant aux amis qui, liés l'un à l'autre au même titre, accordent tout à celui qu'ils aiment, même ce qu'il ne faut pas, ce sont des gens indignes de toute estime.
5 Les définitions qu'on donne de l'amitié dans les discours ordinaires, s'appliquent bien toutes, si l'on veut, à l'amitié; mais ce n'est pas à la même amitié. Ainsi, l'on doit également vouloir le bien, et de celui dont vous êtes l'ami par intérêt, et de celui qui a été votre bienfaiteur, et de celui qui est votre ami comme la vertu l'exige. Mais cette définition de l'amitié ne comprend pas tout cela. On peut fort bien souhaiter l'existence de l'un, et vivre avec un autre, comme on peut, dans telle liaison, ne voir que le plaisir, et, dans telle autre, partager ses douleurs et ses joies avec son ami. 6 Mais toutes ces prétendues définitions ne s'appliquent jamais, je le répète, qu'à une certaine espèce d'amitié ; elles ne s'appliquent pas toutes à une seule et même amitié. De là vient qu'elles sont si nombreuses, et que chacune semble s'appliquer à une seule amitié, bien que cependant il n'en soit rien. Prenons, par exemple, cette définition qui prétend que l'amitié consiste à souhaiter l'existence de l'ami. Elle n'est pas exacte ; car celui qui est dans une position supérieure, ou celui qui a été le bienfaiteur d'un autre, veut bien aussi l'existence de son propre ouvrage, de même qu'on doit souhaiter longue vie au père qui vous a donné le jour, sans parler du juste retour qu'on lui doit. Mais ce n'est pas avec son obligé qu'on veut vivre ; c'est uniquement avec celui qui vous plaît et vous est agréable. 7 Les amis peuvent avoir des torts mutuels, toutes les fois que ce sont les choses qu'ils aiment plutôt que celui qui les possède. Au fond, ils ne sont amis que de ces choses;. et, par exemple, l'un préfère le vin qu'il trouve excellent, à l'hôte qui le lui donne; l'autre préfère l'argent, parce que l'argent lui est utile. Faut-il s'indigner de ces trahisons et accuser cet ami d'avoir préféré une chose qui, pour lui, vaut plus, à une personne qui vaut moins à ses yeux? On se plaint pourtant, et l'on ne s'aperçoit pas que maintenant on voudrait trouver l'honnête homme, tandis qu'auparavant on ne recherchait soi-même que l'homme agréable ou l'homme utile.
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