Texte grec :
[1,1215] (εἰκῇ γὰρ λέγουσι σχεδὸν περὶ ἁπάντων,
(1215a) καὶ μάλιστα περὶ (ἐπισκεπτέον) <εὐδαι>μονίας· ἄτοπον γὰρ προσφέρειν λόγον τοῖς λόγου μηθὲν δεομένοις, ἀλλὰ πάθους)·
§ 3. ἐπεὶ δ᾽ εἰσὶν ἀπορίαι περὶ ἑκάστην πραγματείαν οἰκεῖαι, δῆλον ὅτι καὶ
περὶ (5) βίου τοῦ κρατίστου καὶ ζωῆς τῆς ἀρίστης εἰσίν. Ταύτας οὖν καλῶς
ἔχει τὰς δόξας ἐξετάζειν· οἱ γὰρ τῶν ἀμφισβητούντων ἔλεγχοι τῶν
ἐναντιουμένων αὐτοῖς λόγων ἀποδείξεις εἰσίν.
§ 4. Ἔτι δὲ πρὸ ἔργου τὸ τὰ τοιαῦτα μὴ λανθάνειν, μάλιστα πρὸς ἃ δεῖ
συντείνειν πᾶσαν σκέψιν, ἐκ τίνων ἐνδέχεται (10) μετασχεῖν τοῦ εὖ καὶ
καλῶς ζῆν, εἴ τῳ μακαρίως ἐπιφθονώτερον εἰπεῖν, καὶ πρὸς τὴν ἐλπίδα τὴν
περὶ ἕκαστα γενομένην ἂν τῶν ἐπιεικῶν.
§ 5. Εἰ μὲν γὰρ ἐν τοῖς διὰ τύχην γινομένοις ἢ τοῖς διὰ φύσιν τὸ καλῶς ζῆν
ἐστίν, ἀνέλπιστον ἂν εἴη πολλοῖς (οὐ γάρ ἐστι δι᾽ ἐπιμελείας ἡ κτῆσις
(οὐδὲ) ἐπ᾽ αὐτοῖς (15) οὐδὲ τῆς αὐτῶν πραγματείας)· εἰ δ᾽ ἐν τῷ αὐτὸν
ποιόν τινα εἶναι καὶ τὰς κατ᾽ αὐτὸν πράξεις, κοινότερον ἂν εἴη τὸ ἀγαθὸν
καὶ θειότερον, κοινότερον μὲν τῷ πλείοσιν ἐνδέχεσθαι μετασχεῖν, θειότερον
δὲ τῷ κεῖσθαι τὴν εὐδαιμονίαν τοῖς αὑτοὺς παρασκευάζουσι ποιούς τινας καὶ
τὰς πράξεις.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Δ'.
§ 1. (20) Ἔσται δὲ φανερὰ τὰ πλεῖστα τῶν ἀμφισβητουμένων καὶ
διαπορουμένων, ἂν καλῶς ὁρισθῇ τί χρὴ νομίζειν εἶναι τὴν εὐδαιμονίαν,
πότερον ἐν τῷ ποιόν τινα μόνον εἶναι τὴν ψυχήν, καθάπερ τινὲς ᾠήθησαν τῶν
σοφῶν καὶ πρεσβυτέρων, ἢ δεῖ μὲν καὶ ποιόν τινα ὑπάρχειν αὐτόν, μᾶλλον
(25) δὲ δεῖ τὰς πράξεις εἶναι ποιὰς τινάς.
§ 2. Διῃρημένων δὲ τῶν βίων, καὶ τῶν μὲν <οὐδ᾽> ἀμφισβητούντων τῆς
τοιαύτης εὐημερίας, ἀλλ᾽ ὡς τῶν ἀναγκαίων χάριν σπουδαζομένων, οἷον τῶν
περὶ τὰς τέχνας τὰς φορτικὰς καὶ τῶν περὶ χρηματισμὸν καὶ τὰς βαναύσους
(λέγω δὲ φορτικὰς μὲν τὰς (30) πρὸς δόξαν πραγματευομένας μόνον, βαναύσους
δὲ τὰς ἑδραίας καὶ μισθαρνικάς, χρηματιστικὰς δὲ τὰς πρὸς ἀγορὰς μὲν καὶ
πράσεις καπηλικάς),
τῶν δ᾽ εἰς ἀγωγὴν εὐδαιμονικὴν ταττομένων τριῶν ὄντων,
τῶν καὶ πρότερον ῥηθέντων ἀγαθῶν ὡς μεγίστων τοῖς ἀνθρώποις, ἀρετῆς καὶ
φρονήσεως καὶ (35) ἡδονῆς, τρεῖς ὁρῶμεν καὶ βίους ὄντας, οὓς οἱ ἐπ᾽
ἐξουσίας τυγχάνοντες προαιροῦνται ζῆν ἅπαντες, πολιτικὸν φιλόσοφον
ἀπολαυστικόν.
§ 3. (1215b) Τούτων γὰρ ὁ μὲν φιλόσοφος βούλεται περὶ φρόνησιν εἶναι καὶ
τὴν θεωρίαν τὴν περὶ τὴν ἀλήθειαν, ὁ δὲ πολιτικὸς περὶ τὰς πράξεις τὰς
καλάς (αὗται δ᾽ εἰσὶν αἱ ἀπὸ τῆς ἀρετῆς), ὁ δ᾽ ἀπολαυστικὸς περὶ τὰς (5)
ἡδονὰς τὰς σωματικάς.
Διόπερ <ἕτερος> ἕτερον τὸν εὐδαίμονα προσαγορεύει,
§ 4. Καθάπερ ἐλέχθη καὶ πρότερον. Ἀναξαγόρας μὲν ὁ Κλαζομένιος ἐρωτηθεὶς
τίς ὁ εὐδαιμονέστατος, "οὐθεὶς", εἶπεν, "ὧν σὺ νομίζεις· ἀλλ᾽ ἄτοπος ἄν
τίς σοι φανείη"· τοῦτον δ᾽ ἀπεκρίνατο τὸν τρόπον ἐκεῖνος, ὁρῶν τὸν
ἐρόμενον ἀδύνατον (10) ὑπολαμβάνοντα μὴ μέγαν ὄντα καὶ καλὸν ἢ πλούσιον
ταύτης τυγχάνειν τῆς προσηγορίας, αὐτὸς δ᾽ ἴσως ᾤετο τὸν ζῶντα ἀλύπως καὶ
καθαρῶς πρὸς τὸ δίκαιον ἤ τινος θεωρίας κοινωνοῦντα θείας, τοῦτον ὡς
ἄνθρωπον εἰπεῖν μακάριον εἶναι.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Ε'.
§ 1. (15) Περὶ πολλῶν μὲν οὖν καὶ ἑτέρων οὐ ῥᾴδιον τὸ κρῖναι καλῶς,
μάλιστα δὲ περὶ οὗ πᾶσι ῥᾷστον εἶναι δοκεῖ, καὶ παντὸς ἀνδρὸς τὸ γνῶναι,
τί τῶν ἐν τῷ ζῆν αἱρετόν, καὶ λαβὼν ἄν τις ἔχοι πλήρη τὴν ἐπιθυμίαν. Πολλὰ
γάρ ἐστι τοιαῦτα τῶν ἀποβαινόντων, <δι᾽ ἃ> προΐενται τὸ ζῆν, οἷον (20)
νόσους περιωδυνίας χειμῶνας· ὥστε δῆλον ὅτι κἂν ἐξ ἀρχῆς αἱρετὸν ἦν, εἴ
τις αἵρεσιν ἐδίδου, διά γε ταῦτα τὸ μὴ γενέσθαι.
§ 2. Πρὸς δὲ τούτοις <τίς> ὁ βίος, ὃν ζῶσιν ἔτι παῖδες ὄντες; καὶ γὰρ ἐπὶ
τοῦτον ἀνακάμψαι πάλιν οὐδεὶς ἂν ὑπομείνειεν εὖ φρονῶν.
§ 3. Ἔτι δὲ πολλὰ τῶν τε μηδεμίαν ἐχόντων (μὲν) (25) ἡδονὴν ἢ λύπην, καὶ
τῶν ἐχόντων μὲν ἡδονὴν μὴ καλὴν δέ, τοιαῦτ᾽ ἐστιν ὥστε τὸ μὴ εἶναι
κρεῖττον εἶναι τοῦ ζῆν.
§ 4. Ὅλως δ᾽ εἴ τις ἅπαντα συναγάγοι ὅσα πράττουσι μὲν καὶ πάσχουσιν
ἅπαντες, ἑκόντες μέντοι μηθὲν αὐτῶν διὰ τὸ μηδ᾽ αὐτοῦ χάριν, καὶ προσθείη
χρόνου πλῆθος ἀπέραντόν τι, οὐ (30) μᾶλλον ἕνεκ᾽ ἄν τις τούτων ἕλοιτο ζῆν
ἢ μὴ ζῆν.
§ 5. Ἀλλὰ μὴν οὐδὲ διὰ τὴν τῆς τροφῆς μόνον ἡδονὴν ἢ τὴν τῶν ἀφροδισίων,
ἀφαιρεθεισῶν τῶν ἄλλων ἡδονῶν, ἃς τὸ γινώσκειν ἢ βλέπειν ἢ τῶν ἄλλων τις
αἰσθήσεων πορίζει τοῖς ἀνθρώποις, οὐδ᾽ ἂν εἷς προτιμήσειε τὸ ζῆν, μὴ
παντελῶς ὢν (35) ἀνδράποδον.
§ 6. Δῆλον γὰρ ὅτι τῷ ταύτην ποιουμένῳ τὴν αἵρεσιν οὐθὲν ἂν διενέγκειε
γενέσθαι θηρίον ἢ ἄνθρωπον·
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Traduction française :
[1,1215] Le vulgaire parle de tout avec une égale légèreté, (1215a)
et particulièrement du bonheur ; il ne faut tenir compte que de l'opinion des sages.
Ce serait un tort que de raisonner avec des gens qui n'entendent pas la raison,
et qui n'écoutent que la passion qui les entraîne.
§ 3. Du reste, comme tout sujet d'étude soulève des questions qui lui sont
entièrement spéciales, et qu'il y en a aussi de ce genre en ce qui regarde
(5) la vie la meilleure que l'homme puisse suivre, et l'existence qu'il
peut adopter préférablement à toutes les autres, voilà les opinions qui
méritent un sérieux examen ; car les arguments des adversaires, quand on
les a réfutés, sont les démonstrations des jugements opposés aux leurs.
§ 4. De plus, il est bon de ne pas oublier le but auquel principalement
doit tendre toute cette étude, à savoir de connaître les moyens (10) de
s'assurer une existence bonne et belle, si l'on ne veut pas dire
parfaitement heureuse, mot qui peut sembler trop ambitieux ; et de
satisfaire l'espérance qu'on peut avoir, dans toutes les occasions de la
vie, de ne faire que des choses honnêtes.
§ 5. Si l'on ne fait du bonheur que le résultat du hasard ou de la nature,
il faut que la plus grande partie des hommes y renoncent ; car alors
l'acquisition du bonheur ne dépend plus des soins de l'homme; il ne relève
plus de lui ; (15) l'homme n'a plus à s'en occuper lui-même. Si au
contraire on admet que les qualités et les actes de l'individu peuvent
décider de son bonheur, dès lors, il devient un bien plus commun parmi les
hommes ; et même un bien plus divin ; plus commun, parce qu'un plus grand
nombre pourront l'obtenir ; plus divin, parce qu'il sera la récompense des
efforts que les individus auront faits pour acquérir certaines qualités,
et le prix des actions qu'ils auront accomplies dans ce but.
CHAPITRE IV.
§ 1. (20) La plupart des doutes et des questions qu'on soulève ici, seront
clairement résolus, si l'on définit d'abord avec précision ce qu'il faut
entendre par le bonheur. Consiste-t-il uniquement dans une certaine
disposition de l'âme, ainsi que l'ont cru quelque sages et quelques
anciens philosophes ? Ou bien, ne suffit-il pas que l'individu lui-même
soit moralement d'une certaine façon ? et ne faut-il pas bien plutôt (25)
encore qu'il fasse des actions d'une certaine espèce ?
§ 2. Parmi les divers genres d'existence, il y en a qui n'ont rien à voir
dans cette question de la félicité et qui n'y prétendent même pas. On ne
les cultive que parce qu'ils répondent à des besoins absolument
nécessaires ; et je veux dire, par exemple, (30) toutes ces existences
consacrées aux arts de luxe, aux arts qui ne s'occupent que d'amasser de
l'argent et les arts industriels. J'appelle arts de luxe et inutiles les
arts qui ne servent qu'à la vanité. J'appelle industriels les métiers des
ouvriers qui sont sédentaires et vivent des salaires qu'ils gagnent. Enfin,
les arts de lucre et de gain sont ceux qui s'appliquent aux ventes et
aux achats des boutiques et des marchés. De même donc que nous avons
indiqué trois éléments du bonheur, et signalé plus haut ces trois biens
comme les plus grands de tous pour l'homme : la vertu, la prudence et (35)
le plaisir, de même aussi nous voyons qu'il y a trois genres de vie que
chacun embrasse de préférence, dès qu'il en a le libre choix : la vie
politique, la vie philosophique, et la vie de plaisir et de jouissance.
§ 3. (1215b) La vie philosophique ne s'applique qu'à la sagesse et à la
contemplation de la vérité; la vie politique s'applique aux belles et
glorieuses actions, et j'entends par là celles qui viennent de la vertu ;
enfin la vie de jouissance se passe tout entière dans les (5) plaisirs du corps.
Ceci doit faire comprendre pourquoi il y a tant de différences,
comme je l'ai déjà dit, dans les idées qu'on se fait du bonheur.
§ 4. On demandait à Anaxagore de Clazomènes quel était suivant lui l'homme
le plus heureux :« Ce n'est aucun de ceux que vous supposez, répondit-il
; et le plus heureux des hommes selon moi vous semblerait probablement un
homme bien étrange. » Le sage répondait ainsi, parce qu'il voyait bien que
son interlocuteur ne pouvait pas s'imaginer qu'on dût mériter cette
appellation d'heureux, (10) sans être tout au moins puissant, riche , ou
beau. Quant à lui, il pensait peut-être que l'homme qui accomplit avec
pureté et sans peine tous les devoirs de la justice, ou qui peut s'élever
à quelque contemplation divine, est aussi heureux que le permet la
condition humaine.
CHAPITRE V.
§ 1. (15) Il est une foule de choses où il est très difficile de bien
juger. Mais c'est surtout dans une question où il semble qu'il est très
aisé, et du domaine de tout le monde, d'avoir une opinion; et cette
question c'est de savoir quel est le bien qu'on doit choisir dans la vie,
et dont la possession comblerait tous nos voeux. Il y a mille accidents
qui peuvent compromettre la vie de l'homme, (20) les maladies, les
douleurs, et les intempéries des saisons ; et par conséquent, si dès le
principe on avait le choix, on s'éviterait sans nul doute de passer par
toutes ces épreuves.
§ 2. Ajoutez à cela la vie que l'homme mène tout le temps qu'il est enfant
; et demandez-vous s'il est un être raisonnable qui voulût s'y plier une
seconde fois.
§ 3. Il est encore bon nombre de choses qui n'offrent (25) ni plaisir ni
peine, ou bien qui, en offrant du plaisir, n'offrent qu'un plaisir assez
honteux, et qui, somme toute, sont telles qu'il vaudrait mieux ne pas être
que de vivre pour les éprouver.
§ 4. En un mot, si l'on réunissait tout ce que font les hommes et tout ce
qu'ils souffrent, sans que leur volonté y soit jamais pour rien, ou puisse
s'y proposer un but précis, et qu'on y ajoutât même une durée infinie de
temps, (30) il n'en est pas un qui, pour si peu, préférât de vivre plutôt
que de ne pas vivre.
§ 5. Certainement le seul plaisir de manger, ou même les jouissances de
l'amour, à l'exclusion de tous ces plaisirs que la connaissance des
choses, les perceptions de la vue ou des autres sens peuvent procurer à
l'homme, ne suffiraient pas pour faire préférer la vie à qui que ce soit,
(35) à moins qu'on ne fût tout à fait abruti et dégradé.
§ 6. Il est vrai que si l'on faisait un choix aussi ignoble, c'est qu'on
ne mettrait évidemment aucune différence à être une brute ou un homme ;
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