Texte grec :
[2,77] Ὡς δὲ σφίσιν ἕτοιμα πάντα ἦν, ἐπὶ πολὺ καὶ ὣς ἀνέμενον ἐν
βαθείᾳ σιωπῇ, μέλλοντες ἔτι καὶ ὀκνοῦντες καὶ ἐς ἀλλήλους
ἀποβλέποντες, ὁπότερος ἄρξει τῆς μάχης. Τό τε γὰρ πλῆθος
ᾤκτειρον, οὐδενός πω τοσοῦδε Ἰταλοῦ στρατοῦ ἐς ἕνα κίνδυνον
συνελθόντος, καὶ τὴν ἀρετὴν ἐκκρίτων ὄντων ἑκατέρων ἠλέουν, καὶ
μάλιστα, ὅτε ἴδοιεν Ἰταλοὺς Ἰταλοῖς συμφερομένους. Ἐγγύς τε τοῦ
κακοῦ γιγνομένοις αὐτοῖς ἡ μὲν ἐκκαίουσα καὶ τυφλοῦσα πάντας
φιλοτιμία ἐσβέννυτο καὶ μετέβαλλεν ἐς δέος, ὁ δὲ λογισμὸς
ἐκαθάρευε δοξοκοπίας καὶ τὸν κίνδυνον ἐμέτρει καὶ τὴν αἰτίαν, ὅτι
περὶ πρωτείων δύο ἄνδρε ἐρίζοντε ἀλλήλοιν αὐτώ τε κινδυνεύετον
ἀμφὶ τῇ σωτηρίᾳ, μηδ' ἐσχάτω πάντων ἡττηθέντε ἔτι εἶναι, καὶ
τοσόνδε πλῆθος ἀνδρῶν ἀγαθῶν δι' αὐτούς. Ἐσῄει δὲ σφᾶς, ὅτι
φίλοι καὶ κηδεσταὶ τέως ὄντες καὶ πολλὰ συμπράξαντες ἀλλήλοις
ἐς ἀξίωμα καὶ δύναμιν, ξίφη νῦν φέρουσι κατ' ἀλλήλων καὶ τοὺς
ὑποστρατευομένους ἐς ὁμοίας ἀθεμιστίας ἄγουσιν, ὁμοεθνεῖς τε
ὄντας ἀλλήλοις καὶ πολίτας καὶ φυλέτας καὶ συγγενεῖς, ἐνίους δὲ
καὶ ἀδελφούς· οὐδὲ γὰρ ταῦτα ἐνέλειπεν ἐκείνῃ τῇ μάχῃ, ἀλλ' ὡς ἐν
τοσαῖσδε μυριάσιν ἐξ ἑνὸς ἔθνους ἐπ' ἀλλήλας ἰούσαις πολλὰ τὰ
παράδοξα συνέπιπτεν. Ὧν ἐνθυμούμενος ἑκάτερος μετανοίας τε οὐ
δυνατῆς ἔτι ἐν τῷ παρόντι ἐνεπίμπλατο καὶ ὡς ἐσόμενος ἐκείνῃ τῇ
ἡμέρᾳ τῶν ἐπὶ γῆς ἢ πρῶτος ἢ τελευταῖος ὤκνει τοσῆσδε
ἀμφιβολίας ἄρξαι. Καί φασιν αὐτῶν ἑκάτερον καὶ δακρῦσαι.
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Traduction française :
[2,77] Quand tous leurs préparatifs furent terminés, ils
attendirent encore longtemps dans un profond silence,
tardant, hésitant, s'observant pour savoir qui
commencerait la bataille : ils étaient impressionnés par
le nombre, car jamais des troupes italiennes si
nombreuses ne s'étaient concentrées pour un seul
enjeu, et ils s'apitoyaient à l'idée de la valeur de tous ces
soldats — de chaque côté, des combattants d'élite — et
cela surtout lorsqu'ils concevaient que des Italiens
affrontaient d'autres Italiens. À mesure que l'épreuve
approchait, l'ambition qui enflammait et gonflait tous les
coeurs s'éteignait et se transformait en crainte, et la
réflexion balayait le vain désir de gloire, prenait la
mesure du risque et de sa cause, à savoir que deux
hommes se disputant la première place mettaient en jeu
leur propre salut, que le vaincu serait moins que le
dernier des hommes, et que ce sort serait partagé par
une énorme quantité de nobles citoyens. Et il leur vint à
l'esprit qu'après avoir été jusqu'alors amis et apparentés,
avoir oeuvré ensemble pour parvenir aux honneurs et à
la puissance, ils portaient maintenant les armes les uns
contre les autres et entraînaient leurs subordonnés aux
mêmes iniquités, eux qui étaient du même peuple, de la
même cité, des mêmes tribus, parents, et parfois même
frères. De tels cas ne manquaient pas effectivement de
se présenter lors de cette bataille, et, comme on peut s'y
attendre lorsque tant de milliers d'hommes issus d'un
même peuple marchent les uns contre les autres, bien
des faits extraordinaires survenaient. Conscients de tout
cela, les deux chefs étaient présentement remplis d'un
regret désormais impuissant, et songeant que cette
journée ferait d'eux soit le premier, soit le dernier des
êtres de ce monde, ils hésitaient à engager une confrontation
aussi décisive. Et tous deux, dit-on, allèrent jusqu'à pleurer.
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