Texte grec :
[1,22] 22. Ὁ μὲν δὴ Γάιος Γράκχος οὕτως ἐδημάρχει τὸ δεύτερον· οἷα δ' ἔχων
τὸν δῆμον ἔμμισθον, ὑπήγετο καὶ τοὺς καλουμένους ἱππέας, οἳ τὴν
ἀξίωσίν εἰσι τῆς βουλῆς καὶ τῶν δημοτῶν ἐν μέσῳ, δι' ἑτέρου τοιοῦδε
πολιτεύματος. Τὰ δικαστήρια, ἀδοξοῦντα ἐπὶ δωροδοκίαις, ἐς τοὺς
ἱππέας ἀπὸ τῶν βουλευτῶν μετέφερε, τὰ ὑπόγυα μάλιστα αὐτοῖς
ὀνειδίζων, ὅτι Αὐρήλιος Κόττας καὶ Σαλινάτωρ καὶ τρίτος ἐπὶ τούτοις
Μάνιος Ἀκύλιος, ὁ τὴν Ἀσίαν ἑλών, σαφῶς δεδωροδοκηκότες ἀφεῖντο
ὑπὸ τῶν δικασάντων, οἵ τε πρέσβεις οἱ κατ' αὐτῶν ἔτι παρόντες σὺν
φθόνῳ ταῦτα περιιόντες ἐκεκράγεσαν. Ἅπερ ἡ βουλὴ μάλιστα
αἰδουμένη ἐς τὸν νόμον ἐνεδίδου· καὶ ὁ δῆμος αὐτὸν ἐκύρου. Καὶ
μετηνέχθη μὲν ὧδε ἐς τοὺς ἱππέας ἀπὸ τῆς βουλῆς τὰ δικαστήρια· φασὶ
δὲ κυρωθέντος μὲν ἄρτι τοῦ νόμου τὸν Γράκχον εἰπεῖν, ὅτι ἀθρόως τὴν
βουλὴν καθῃρήκοι, τοῦ δ' ἔργου προϊόντος ἐς πεῖραν μειζόνως ἔτι
ἐκφανῆναι τὸ ἔπος τὸ Γράκχου. Τό τε γὰρ δικάζειν αὐτοὺς Ῥωμαίοις καὶ
Ἰταλιώταις ἅπασι καὶ αὐτοῖς βουλευταῖς, ἐπὶ παντὶ μέτρῳ, χρημάτων τε
πέρι καὶ ἀτιμίας καὶ φυγῆς, τοὺς μὲν ἱππέας οἷά τινας ἄρχοντας αὐτῶν
ὑπερεπῇρε, τοὺς δὲ βουλευτὰς ἴσα καὶ ὑπηκόους ἐποίει. Συνιστάμενοί
τε τοῖς δημάρχοις οἱ ἱππεῖς ἐς τὰς χειροτονίας καὶ ἀντιλαμβάνοντες παρ'
αὐτῶν, ὅ τι θέλοιεν, ἐπὶ μέγα φόβου τοῖς βουλευταῖς ἐχώρουν· ταχύ τε
περιῆν ἀνεστράφθαι τὸ κράτος τῆς πολιτείας, τὴν μὲν ἀξίωσιν μόνην ἔτι
τῆς βουλῆς ἐχούσης, τὴν δὲ δύναμιν τῶν ἱππέων. Προϊόντες γὰρ οὐκ
ἐδυνάστευον μόνον· ἀλλὰ καὶ σαφῶς ἐνύβριζον τοῖς βουλευταῖς παρὰ
τὰς δίκας. Τήν τε δωροδοκίαν μεταλαβόντες καὶ γευσάμενοι καὶ οἵδε
κερδῶν ἀθρόων αἰσχρότερον ἔτι καὶ ἀμετρότερον αὐτοῖς ἐχρῶντο.
Κατηγόρους τε ἐνετοὺς ἐπὶ τοῖς πλουσίοις ἐπήγοντο καὶ τὰς τῶν
δωροδοκιῶν δίκας, συνιστάμενοι σφίσιν αὐτοῖς καὶ βιαζόμενοι, πάμπαν
ἀνῄρουν, ὡς καὶ τὸ ἔθος ὅλως τῆς τοιᾶσδε εὐθύνης ἐπιλιπεῖν καὶ στάσιν
ἄλλην τὸν δικαστικὸν νόμον οὐκ ἐλάσσω τῶν προτέρων ἐς πολὺ
παρασχεῖν.
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Traduction française :
[1,22] 22. Caius Gracchus fut donc élu une seconde fois tribun. Sûr de
l'affection des plébéiens qu'il s'était attachés par des bienfaits, il
travailla à se concilier ce qu'on appelait l'ordre des chevaliers, classe
de citoyens d'un rang et d'une dignité intermédiaire entre les sénateurs
et les plébéiens.
Par un autre décret, il fit passer des sénateurs aux chevaliers la
judicature, dans laquelle les premiers s'étaient couverts d'opprobre à
force de vénalité. Il leur reprocha, à cet effet, les exemples récents de
ce genre de prévarication, celui d'Aurelius Cotta, celui de Salinator, et
enfin celui de Manlius Aquilius, le conquérant de l'Asie, qui avaient
manifestement acheté les juges par lesquels ils avaient été absous; si
bien que les députés qui étaient venus de cette dernière région
poursuivre Manius Aquilius, et qui étaient encore à Rome, témoins de
cette iniquité, s'en étaient hautement et amèrement plaints. Le sénat,
dans la honte du reproche qu'il venait d'essuyer, accepta la loi, qui
reçut ensuite la sanction du peuple. Ce fut ainsi que le pouvoir
judiciaire fut transféré des sénateurs aux chevaliers. L'on prétend
qu'immédiatement après la loi, Gracchus dit : "Je viens d'enterrer tout
à fait le Sénat". En effet, l'expérience prouva par la suite la vérité de la
réflexion de Gracchus. Par la juridiction universelle que les chevaliers
acquirent sur tous les citoyens romains, soit de la ville, soit du dehors,
et sur les sénateurs eux-mêmes, pour toute somme quelconque en
argent, pour tous les cas d'infamie et d'exil, ils devinrent en quelque
façon les arbitres suprêmes de la république ; et les sénateurs se
trouvèrent descendus, envers eux, au rang de subordonnés. Dès lors
les chevaliers firent cause commune avec les tribuns dans les
élections. A leur tour, les tribuns leur accordèrent tout ce qu'ils
voulurent ; et ce concert jeta les sénateurs dans la plus sérieuse
consternation. En peu de temps la prépondérance politique fut
déplacée. La considération resta du côté des chevaliers. A la longue
même, non seulement les chevaliers exercèrent presque toute
l'autorité, mais ils poussèrent les choses jusqu'à insulter publiquement
les sénateurs du haut des tribunaux. Ils se laissèrent aussi gagner par
degré à la vénalité ; et lorsqu'ils eurent une fois tâté de ces gains
illicites, ils s'y livrèrent avec plus de turpitude, avec une cupidité plus
démesurée que ne faisaient leurs devanciers. Ils apostaient des
accusateurs contre les citoyens riches ; et tantôt avec circonspection,
tantôt sans ménagement, ils violaient dans tous les cas les lois contre
la vénalité ; de manière que ce genre de responsabilité politique tomba
entièrement en désuétude ; cette révolution dans l'ordre judiciaire
prépara de longs et nouveaux sujets de sédition non moindres que les
précédents.
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