[3,450] καρπαλίμως θάλαμόνδε σὺν υἱάσιν οἷσι βεβήκει.
αὔτως δ' αὖ Μήδεια μετέστιχε· πολλὰ δὲ θυμῷ
ὥρμαιν', ὅσσα τ' Ἔρωτες ἐποτρύνουσι μέλεσθαι.
προπρὸ δ' ἄρ' ὀφθαλμῶν ἔτι οἱ ἰνδάλλετο πάντα,
αὐτός θ' οἷος ἔην, οἵοισί τε φάρεσιν ἕστο,
455 οἷά τ' ἔειφ', ὥς θ' ἕζετ' ἐπὶ θρόνου, ὥς τε θύραζε
ἤιεν· οὐδέ τιν' ἄλλον ὀίσσατο πορφύρουσα
ἔμμεναι ἀνέρα τοῖον· ἐν οὔασι δ' αἰὲν ὀρώρει
αὐδή τε μῦθοί τε μελίφρονες, οὓς ἀγόρευσεν.
τάρβει δ' ἀμφ' αὐτῷ, μή μιν βόες ἠὲ καὶ αὐτὸς
460 Αἰήτης φθίσειεν· ὀδύρετο δ' ἠύτε πάμπαν
ἤδη τεθνειῶτα, τέρεν δέ οἱ ἀμφὶ παρειὰς
δάκρυον αἰνοτάτῳ ἐλέῳ ῥέε κηδοσύνῃσιν·
ἦκα δὲ μυρομένη λιγέως ἀνενείκατο μῦθον·
"Τίπτε με δειλαίην τόδ' ἔχει ἄχος; εἴθ' ὅγε πάντων
465 φθίσεται ἡρώων προφερέστατος, εἴτε χερείων,
ἐρρέτω. ἦ μὲν ὄφελλεν ἀκήριος ἐξαλέασθαι.
ναὶ δὴ τοῦτό γε, πότνα θεὰ Περσηί, πέλοιτο,
οἴκαδε νοστήσειε φυγὼν μόρον· εἰ δέ μιν αἶσα
δμηθῆναι ὑπὸ βουσί, τόδε προπάροιθε δαείη,
470 οὕνεκεν οὔ οἱ ἔγωγε κακῇ ἐπαγαίομαι ἄτῃ."
Ἡ μὲν ἄρ' ὧς ἐόλητο νόον μελεδήμασι κούρη.
οἱ δ' ἐπεὶ οὖν δήμου τε καὶ ἄστεος ἐκτὸς ἔβησαν
τὴν ὁδόν, ἣν τὸ πάροιθεν ἀνήλυθον ἐκ πεδίοιο,
δὴ τότ' Ἰήσονα τοῖσδε προσέννεπεν Ἄργος ἔπεσσιν·
475 "Αἰσονίδη, μῆτιν μὲν ὀνόσσεαι, ἥντιν' ἐνίψω·
πείρης δ' οὐ μάλ' ἔοικε μεθιέμεν ἐν κακότητι.
κούρην δή τινα πρόσθεν ὑπέκλυες αὐτὸς ἐμεῖο
φαρμάσσειν Ἑκάτης Περσηίδος ἐννεσίῃσιν.
τὴν εἴ κεν πεπίθοιμεν, ὀίομαι, οὐκέτι τάρβος
480 ἔσσετ' ἀεθλεύοντι δαμήμεναι· ἀλλὰ μάλ' αἰνῶς
δείδω, μή πως οὔ μοι ὑποσταίη τόγε μήτηρ.
ἔμπης δ' ἐξαῦτις μετελεύσομαι ἀντιβολήσων,
ξυνὸς ἐπεὶ πάντεσσιν ἐπικρέμαθ' ἧμιν ὄλεθρος."
Ἴσκεν ἐυφρονέων· ὁ δ' ἀμείβετο τοῖσδ' ἐπέεσσιν·
485 "Ὠ πέπον, εἴ νύ τοι αὐτῷ ἐφανδάνει, οὔτι μεγαίρω.
βάσκ' ἴθι καὶ πυκινοῖσι τεὴν παρὰ μητέρα μύθοις
ὄρνυθι λισσόμενος· μελέη γε μὲν ἧμιν ὄρωρεν
ἐλπωρή, ὅτε νόστον ἐπετραπόμεσθα γυναιξίν."
ὧς ἔφατ'· ὦκα δ' ἕλος μετεκίαθον. αὐτὰρ ἑταῖροι
490 γηθόσυνοι ἐρέεινον, ὅπως παρεόντας ἴδοντο·
τοῖσιν δ' Αἰσονίδης τετιημένος ἔκφατο μῦθον·
"Ὠ φίλοι, Αἰήταο ἀπηνέος ἄμμι φίλον κῆρ
ἀντικρὺ κεχόλωται, ἕκαστα γὰρ οὔ νύ τι τέκμωρ
οὔτ' ἐμοί, οὔτε κεν ὔμμι διειρομένοισι πέλοιτο.
495 φῆ δὲ δύω πεδίον τὸ Ἀρήιον ἀμφινέμεσθαι
ταύρω χαλκόποδε, στόματι φλόγα φυσιόωντας.
τετράγυον δ' ἐπὶ τοῖσιν ἐφίετο νειὸν ἀρόσσαι·
δώσειν δ' ἐξ ὄφιος γενύων σπόρον, ὅς ῥ' ἀνίῃσιν
γηγενέας χαλκέοις σὺν τεύχεσιν· ἤματι δ' αὐτῷ
| [3,450] se hâta de se dérober à sa vue et rentra dans son
appartement avec ses enfants. Médée sortit pareillement, roulant
dans son esprit toutes les pensées que l'amour peut suggérer.
Sans cesse occupée de l'objet de sa passion, elle le voit sans
cesse devant elle. Sa figure, ses vêtements, ses discours, son
maintien lorsqu'il était assis, sa marche lorsqu'il sortait de la
salle, tout est encore présent à ses yeux. Jason lui paraît au-
dessus de tous les mortels. Sa voix surtout, la douceur de ses
paroles retentit sans cesse à son oreille. Tout à coup elle
s'effraie des dangers qui le menaçent. Elle craint qu'il ne
succombe à la furie des taureaux, ou qu'Eétès ne l'immole à sa
colère, et comme s'il avait déjà perdu la vie, elle pousse des cris
lamentables, et son visage est baigné de pleurs : "Insensée que
je suis, se dit-elle enfin à elle-même, pourquoi m'affliger ainsi ?
Que Jason périsse, qu'il soit le plus vaillant des héros ou le plus
lâche des mortels, que m'importe ? ... Fassent les dieux
cependant qu'il échappe au danger. Divine Hécate, exauce
ma prière ! Fais qu'il retourne vainqueur dans sa patrie, ou si le
Destin veut qu'il périsse, qu'il sache au moins que sa mort ne
sera pas un sujet de joie pour moi."
Tandis que le coeur de Médée était agité de ces pensées, Jason et
ses compagnons suivaient tristement le chemin qui les avait
conduits à la ville : "Fils d'Eson, dit alors Argus, vous pourrez
blâmer l'avis que je vais vous proposer, mais dans une telle
extrémité, est-il rien qu'on ne doive tenter ? Je vous ai déjà parlé
d'une jeune princesse instruite par Hécate elle-même dans l'art
des enchantements. S'il était possible de l'intéresser en notre
faveur, il n'y aurait plus pour vous de danger à redouter. Ma
mère seule, Chalciope, peut nous concilier sa bienveillance, mais
je crains qu'elle n'ose nous seconder. Je retournerai, si vous le
permettez, auprès d'elle, et je lui ferai les plus vives instances en
lui représentant qu'il y va de la vie de ses enfants et que votre
perte entraînerait infailliblement la nôtre. Ami, répondit Jason, je
ne m'opposerai point au dessein que votre zèle vous suggère.
Allez trouver votre mère, et employez auprès d'elle les prières les
plus touchantes. Notre espoir, hélas ! est bien fragile, s'il n'est
fondé que sur des femmes." En parlant ainsi, ils arrivèrent au
marais. Les Minyens, transportés de joie en revoyant leurs
compagnons, s'empressaient de leur demander des nouvelles de
leur voyage : "Mes amis, leur dit Jason d'un air consterné, le
cruel Eétès a fait éclater contre nous toute sa colère. Il est inutile
de vous en dire davantage. Sachez seulement. que dans un
champ qui porte le nom du dieu Mars paissent deux taureaux
dont les pieds sont d'airain et dont la bouche vomit des
tourbillons de flamme. Je dois leur faire labourer quatre arpents,
dans lesquels je sèmerai les dents d'un horrible dragon, d'où
naîtront aussitôt des géants tout armés
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