Texte grec :
[3,11] Ταῦτα μὲν οὖν ἐθρήνουν ἡσυχῇ, κλαίειν δὲ οὐκ ἠδυνάμην.
τοῦτο γὰρ ἴδιον τῶν ὀφθαλμῶν ἐν τοῖς μεγάλοις κακοῖς. ἐν μὲν
γὰρ ταῖς μετρίαις συμφοραῖς ἀφθόνως τὰ δάκρυα καταρρεῖ καὶ ἔστι
τοῖς πάσχουσιν εἰς τοὺς κολάζοντας ἱκετηρία, καὶ τοὺς ἀλγοῦντας,
ὥσπερ ἀπὸ οἰδοῦντος τραύματος, ἐξεκένωσεν· ἐν δὲ τοῖς ὑπερβάλλουσι
δεινοῖς φεύγει καὶ τὰ δάκρυα καὶ προδίδωσι καὶ τοὺς ὀφθαλμούς.
ἐντυχοῦσα γὰρ αὐτοῖς ἀναβαίνουσιν ἡ λύπη ἵστησί τε τὴν
ἀκμὴν καὶ μετοχετεύει καταφέρουσα σὺν αὑτῇ κάτω· τὰ δὲ ἐκτρεπόμενα
τῆς ἐπὶ τοὺς ὀφθαλμοὺς ὁδοῦ εἰς τὴν ψυχὴν καταρρεῖ καὶ
χαλεπώτερον αὐτῆς ποιεῖ τὸ τραῦμα. λέγω οὖν πρὸς τὴν Λευκίππην
πάντα σιγῶσαν· "Τί σιγᾷς, φιλτάτη, καὶ οὐδέν μοι λαλεῖς;"
"Ὅτι μοι," ἔφη, "πρὸ τῆς ψυχῆς, Κλειτοφῶν, τέθνηκεν ἡ φωνή."
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Traduction française :
[3,11] Voilà quelles étaient mes lamentations silencieuses,
mais je ne pouvais pleurer : car tel est le propre des
yeux dans les grandes douleurs. Dans les malheurs
modérés, les larmes coulent abondamment et servent
à celui qui souffre à supplier ceux qui le font souffrir;
elles soulagent aussi les douleurs, comme l'on draine
une blessure enflée. Mais, dans les infortunes excessives,
les larmes mêmes nous abandonnent et trahissent les
yeux. Le chagrin les rencontre lorsqu'elles montent,
arrête leur poussée, les dérive et les entraîne vers le
bas avec lui; et, ainsi détournées du chemin des yeux,
elles coulent dans l'âme et enveniment sa blessure. Je
dis, finalement, à Leucippé, qui restait silencieuse :
« Pourquoi restes-tu silencieuse, ma chérie, et ne me
dis-tu rien ? - Parce que, répondit-elle, Clitophon,
avant que ne meure mon âme, ma voix est déjà morte. »
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