Texte grec :
[3,10] Ἐπεὶ οὖν νὺξ ἐγένετο καὶ ἐκείμεθα ὡς ἦμεν δεδεμένοι καὶ
ἐκάθευδον οἱ φρουροί, τότε, ὡς ἐξὸν ἤδη, κλαίειν ἦρχον τὴν Λευκίππην.
καὶ δὴ λογισάμενος ὅσων αὐτῇ γέγονα κακῶν αἴτιος, κωκύσας
ἐν τῇ ψυχῇ βύθιον, τῷ δὲ νῷ κλέψας τοῦ κωκυτοῦ τὸν ψόφον, "Ὦ
θεοὶ καὶ δαίμονες," ἔφην, "εἴπερ ἐστέ που καὶ ἀκούετε, τί τηλικοῦτον
ἠδικήσαμεν, ὡς ἐν ὀλίγαις ἡμέραις τοσούτῳ πλήθει βαπτισθῆναι κακῶν;
νῦν δὲ καὶ παραδεδώκατε ἡμᾶς λῃσταῖς Αἰγυπτίοις, ἵνα μηδὲ ἐλέους τύχωμεν.
λῃστὴν μὲν γὰρ Ἕλληνα καὶ φωνὴ κατέκλασε καὶ δέησις ἐμάλαξεν·
ὁ γὰρ λόγος πολλάκις τὸν ἔλεον προξενεῖ· τὸ γὰρ πονοῦν τῆς ψυχῆς ἡ γλῶττα
πρὸς ἱκετηρίαν διακονουμένη τῆς τῶν ἀκουόντων ψυχῆς ἡμεροῖ τὸ θυμούμενον.
νῦν δὲ ποίᾳ μὲν φωνῇ δεηθῶμεν; τίνας δὲ ὅρκους προτείνωμεν; κἂν Σειρήνων τις
γένηται πιθανώτερος, ὁ ἀνδροφόνος οὐκ ἀκούει. μόνοις ἱκετεύειν με δεῖ τοῖς νεύμασι
καὶ τὴν δέησιν δηλοῦν ταῖς χειρονομίαις. ὢ τῶν ἀτυχημάτων· ἤδη τὸν θρῆνον ὀρχήσομαι.
τὰ μὲν οὖν ἐμά, κἂν ὑπερβολὴν ἔχῃ συμφορᾶς, ἧττον ἀλγῶ, τὰ σὰ δέ, Λευκίππη,
ποίῳ στόματι θρηνήσω, ποίοις ὄμμασι δακρύσω; ὦ πιστὴ μὲν πρὸς ἀνάγκην
ἔρωτος, χρηστὴ δὲ πρὸς ἐραστὴν δυστυχοῦντα.
ὡς καλά σου τῶν γάμων τὰ κοσμήματα· θάλαμος μὲν τὸ δεσμωτήριον, εὐνὴ δὲ ἡ γῆ,
ὅρμοι δὲ καὶ ψέλλια κάλοι καὶ βρόχος, καί σοι νυμφαγωγὸς λῃστὴς
παρακαθεύδει· ἀντὶ δὲ ὑμεναίων τίς σοι τὸν θρῆνον ᾄδει.
μάτην σοι, ὦ θάλασσα, τὴν χάριν ὡμολογήσαμεν. μέμφομαί σου τῇ φιλανθρωπίᾳ·
χρηστοτέρα γέγονας πρὸς οὓς ἀπέκτεινας, ἡμᾶς δὲ σώσασα
μᾶλλον ἀπέκτεινας. ἐφθόνησας ἡμῖν ἀλῃστεύτοις ἀποθανεῖν."
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Traduction française :
[3,10] Lorsque la nuit fut tombée, et que nous fûmes
couchés, enchaînés, dans l'état où nous étions, lorsque
les gardes furent endormis, alors, - la situation le
méritait bien - je me mis à pleurer sur Leucippé. Et,
en réfléchissant au nombre des maux dont j'avais été
pour elle la cause, je gémis tout au fond de mon âme,
mais j'enfermai en moi le bruit de ma lamentation :
«O dieux et démons, dis-je, si vous existez vraiment et si
vous m'entendez, quels si grands crimes avons-nous
donc commis pour qu'en quelques jours nous ayons été
plongés dans un aussi grand nombre de maux! Voici
maintenant que vous nous avez livrés à des brigands
égyptiens, afin que nous ne puissions plus obtenir de
pitié. Un pirate grec aurait pu être sensible à la parole,
la prière aurait pu l'attendrir, car les mots servent souvent
à introduire la pitié; à qui souffre dans son coeur, la
langue prête ses bons offices et permet la supplication,
qui peut adoucir la colère dont est rempli le cceur de
ceux qui l'entendent. Mais aujourd'hui, en quelle langue
formuler nos prières ? Quels serments offrir ? Même en
étant plus persuasif que les Sirènes, on ne se ferait pas
entendre d'un meurtrier. Il me faut supplier par signes
et exprimer ma prière avec des gestes de mains! Oh,
infortune! Déjà je devrai commencer à mimer mon chant
funèbre! Mes malheurs à moi, bien qu'ils atteignent le
comble de la misère, me sont moins douloureux; mais
les tiens, Leucippé, comment ma bouche pourrait-elle
les déplorer, comment mes yeux les pleurer ? Toi qui
as répondu si fidèlement à l'appel de l'amour, toi qui
as été si bonne pour un amoureux infortuné! Qu'ils
sont beaux, tes ornements de noce! Ta chambre nutiale
est une prison, le lit est la terre, les colliers et les
bracelets sont des liens et des cordes, et ton garçon
d'honneur est un brigand, endormi à la porte; et au
lieu du chant d'hyménée, l'on chantera sur toi la plainte
des morts. Ce fut en vain, mer, que nous t'avons rendu
grâces; j'en veux, maintenant, à ton humanité; tu as
été plus douce à ceux que tu as tués et, en nous sauvant,
tu nous as sûrement perdus; tu n'as pas voulu que nous
périssions par d'autres mains que celles des brigands. »
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